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    L’Actu vue par Remaides : « Frédéric Edelmann : un centre de santé sexuelle à son nom, son, héritage militant toujours vivant »

    • Actualité
    • 12.04.2025

     

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    La Pre Christine Rouzioux, Caroline Edelmann, Philippe Mangeot et Anne-Claire Boux
    lors de la cérémonie officielle de dénomination du Centre de santé sexuelle Frédéric Edelmann.
    Photo : Yann Fournet.

    Par Yan Fournet

    Frédéric Edelmann : un centre de santé sexuelle à son nom, son héritage militant toujours vivant

    Mardi 8 avril, lors d’une cérémonie officielle de dénomination, le centre de santé sexuelle de l’hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP), au cœur de la capitale, a pris le nom de Frédéric Edelmann, militant historique de la lutte contre le sida en France, d’abord à AIDES, puis à Arcat-sida. Yan Fournet, qui fut son collègue chez Arcat-sida avant de rejoindre AIDES, où il est aujourd’hui responsable du Secteur Formation externe a répondu à l’invitation de l’épouse de Frédéric Edelmann. Ému, il revient sur le parcours d’un homme dont la mémoire continue d’inspirer toute une génération d’acteurs de la santé communautaire.

    « J’avais déjà dû me rendre, il y a bien des années, à l’hôpital Hôtel-Dieu au cœur de l’île de la Cité à Paris, je ne sais plus très bien pourquoi. J’avais en tête un endroit froid et gris, peut-être parce qu’il s’agit du plus ancien hôpital de la capitale, ou plus prosaïquement parce que je m’y étais rendu pour soigner un truc qui ne me rappelle rien d’agréable... Pourtant, même si l’établissement est en cours de rénovation, en ce mardi matin du 8 avril mon impression est toute autre.

    Une fois passé le hall d’entrée, je me retrouve dans un jardin baigné de lumière, ceint de grands couloirs dont les hautes arcades ornementales se déploient sur deux étages. C’est précisément au 2e étage, sous les arcades côté soleil que je me rends pour assister à la cérémonie de dénomination du centre de santé sexuelle Frédéric Edelmann, à laquelle j’ai été très gentiment convié par son épouse Caroline. En observant l’endroit, je me dis qu’avoir associé le nom de Frédéric, journaliste spécialiste reconnu de l’architecture pour le quotidien Le Monde, à cet édifice historique en pleine mutation, est un beau clin d’œil de la ville de Paris et de l’AP-HP qui ont fait ce choix.

    Beaucoup d’acteurs et d’actrices de la lutte contre le sida des années 80 et 90 sont venus-es pour célébrer le parcours militant et la mémoire de Frédéric, décédé en janvier 2024. Même s’il était peu connu du grand public, Frédéric a été l’un des artisans clefs de la lutte contre le VIH en France. Il faisait partie des premiers à répondre à l’appel de Daniel Defert à fonder AIDES en 1984. Son investissement dans la lutte est tel, qu’il n’hésitera pas à prêter son domicile, rue Michel Le Comte, dans le Marais, pour abriter la genèse de l’association tout comme les premières permanences téléphoniques de Sida Info Service initiées par AIDES. À la suite de divergences avec AIDES sur la stratégie à mener face au sida, qui ont été rappelées par la Pre Christine Rouzioux, actuelle présidente d’Arcat, lors de son discours, Frédéric et son compagnon de lutte le Dr Jean-Florian Mettétal ont quitté AIDES en 1987 pour rejoindre Arcat-sida. L’idée de Frédéric et de Jean-Florian est alors de réunir avant tout des compétences professionnelles, de s’engager dans le traitement de l’information médicale et de soutenir les chercheurs-ses. Christine, intime de Frédéric parle de "Frédo" en ses mots : "Cultivé, intelligent, ouvert d’esprit, enthousiaste, plein d’espoir… ". Ces qualités et d’autres leur ont été utiles pour donner naissance à Sida 89, année de sa création, mensuel d’Arcat-sida, devenu Le Journal du sida, dont Christine Rouzioux rappelle " les réunions éditoriales incroyables ". Philippe Mangeot, un autre acteur de la lutte contre le VIH, a été invité à témoigner. L’ancien président d’Act Up-Paris (1997-1999), relate notamment une rencontre avec Frédéric Edelmann à l’occasion d’une interview croisée pour le Journal du sida, si cher à Frédéric. Au détour de cet échange qui date de 1996 et qui dura six heures, Philippe Mangeot se souvient que Frédéric avait évoqué " une meurtrissure précoce de son âme " en parlant de sa séropositivité. Il raconte que, lors de cet échange, Frédéric lui montre ses derniers résultats sanguins ou ses T4, obsession de toute personne séropositive à cette époque et aujourd’hui encore, étaient miraculeusement passés de 0 à 200. Philippe venait d’apprendre de la bouche de Frédéric « qu’on n’allait pas mourir dans l’immédiat » grâce à l’avènement des trithérapies à venir. Philippe Mangeot explique qu’il " avouera " à Frédéric bien après, qu’en sortant ce jour-là de son domicile où se déroulait l’interview, pris de vertige par la nouvelle, il était tombé dans les pommes...

     

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    J’ai aussi eu la chance de rencontrer Frédéric. C’est lui qui animait la soirée « portes ouvertes », que l’association avait proposée. C’était un jeudi soir de 1994. J’avais poussé la porte d’Arcat-sida pour y devenir bénévole. L’année suivante, je devenais salarié de l’association, avant de rejoindre AIDES où j’ai le plaisir de militer aujourd’hui encore. J’ai toujours pensé que cette rencontre avec Frédéric, ce soir-là, avait été déterminante dans mon parcours de militant de la lutte contre le VIH, sans jamais avoir osé le lui dire. Cette rencontre a littéralement changé ma vie.

    "Frédéric est l’un de ceux que j’ai le plus admiré dans la lutte contre le sida. (…) Il est l’un de mes héros", a expliqué l’ancien président d’Act Up-Paris lors de son discours à cette cérémonie. Ces mots, je peux les faire miens, tant je suis heureux d’avoir poussé cette porte du 13, boulevard de Rochechouart, il y a plus de 30 ans.

    Ça m’amuse de penser que j’ai fait le chemin inverse de Frédéric, et, que venu d’Arcat-sida, je suis arrivé à AIDES pour poursuivre ce combat commun. Le hasard de la vie a voulu que les décès de Daniel Defert, le fondateur de AIDES, et de Frédéric interviennent à moins d’un an d’intervalle. J’ai assisté aux deux cérémonies. Leurs portraits photos, diffusés à cette occasion, sont depuis superposés au-dessus de mon bureau ; à nouveau réunis, ici comme ailleurs, pour l’éternité. »