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    L’Actu vue par Remaides : « La Défenseure des droits s’alarme de l’ampleur des discriminations », dans son rapport 2024

    • Actualité
    • 28.03.2025

     

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    DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    La Défenseure des droits s'alarme de "l'ampleur des discriminations" dans son rapport 2024

    La Défenseure des droits (DDD) alerte, dans son rapport annuel publié mardi 25 mars, de l’augmentation des discriminations en France, liées à l’origine particulièrement, et s’alarme aussi des conséquences de la dématérialisation des services publics. L’Actu vue par Remaides fait le point.
    En fin d’article, d’autres infos Droits.

    Alerte. Claire Hédon, la Défenseure des droits, s’alarme dans l’édition 2025 du rapport de l’institution indépendante qu’elle dirige de « l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France », soulignant « la diminution paradoxale des réclamations » reçues en 2024 dans ce domaine. Ce qui, selon elle, « met en lumière la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits ».
    Plusieurs études réalisées entre 2022 et 2024, ont mis en évidence une augmentation préoccupante des discriminations et actes haineux en France et en Europe. Pour la DDD, l’origine (réelle ou supposée des personnes) arrive en tête des appels téléphoniques (demandes d’information, etc.) reçus sur sa plateforme 3928, avec une augmentation des appels de 49 % entre 2022 et 2024.
    La part des réclamations (saisines du DDD) liées à l’origine constitue aussi le deuxième critère invoqué par les réclamants-es (15 %) après la situation de handicap (22 %), est-il souligné, mentionnant également que le pourcentage de réclamations portant sur le critère de la religion demeure faible (environ 3 %) et stable depuis 2015.
    L’institution relève « un pic inquiétant des appels au moment des élections législatives, pour dénoncer principalement des propos et comportements racistes, antisémites et islamophobes », soit + 53 % entre mai et juin 2024.
    La DDD avance « un contexte économique défavorable » pour expliquer cette augmentation des discriminations, mais aussi « un contexte de polarisation des opinions, nourri par certains discours politiques et médiatiques, et exacerbé par les réseaux sociaux et l’usage des algorithmes », indique l’AFP.

    Les « défaillances » de la dématérialisation dans les services publics
    L’autorité administrative indépendante s’inquiète aussi du non-recours en matière de discrimination, corroboré par la baisse des réclamations reçues en 2024 (- 15 %).
    Sur un autre sujet, le rapport de cette année met « en exergue la fragilisation continue des services publics, alors que la dématérialisation ne cesse d’éloigner davantage les personnes les plus précaires de leurs droits ». Selon la DDD : « Plus d’un tiers des réclamations reçues concerne aujourd’hui le droit des étrangers, principalement des demandes de renouvellement de titres de séjour, illustrant l’impact concret d’une dématérialisation mal pensée sur les parcours de vie ». « Des personnes diligentes (...) sont ainsi placées dans l’irrégularité et perdent leur emploi, du simple fait des défaillances de la plateforme dédiée », note le rapport.
    Il faut donner aux usagers-ères « la possibilité d’interagir avec l’administration par plusieurs canaux et pas seulement via le numérique » pour garantir un accès équitable aux services publics, estime Claire Hédon dans un entretien à Ouest-France, publié mardi 25 mars.
    Les difficultés rencontrées par les usagers-ères ressortissants-es étrangers-ères ont été nettement aggravées depuis le déploiement de « l’Administration numérique pour les étrangers en France » (ANEF), qui s’est imposée comme canal unique entièrement dématérialisé pour les demandes de titres de séjour et de renouvellement. « Le manque de solutions, d’accompagnement et de moyens de substitution au numérique sont criants et laissent de nombreuses personnes sans preuve de leur droit au séjour. Les conséquences peuvent rapidement devenir catastrophiques pour les personnes, et en chaîne : perte d’emploi, perte de logement, perte des prestations sociales, etc. Par ailleurs, ces dysfonctionnements entraînent des répercussions notables sur la saturation des services en préfecture », expliquent les services de la DDD. C’est pourquoi la Défenseure des droits a publié un « rapport sur l’administration numérique pour les étrangers en France », assorti de 14 recommandations.

    Les risques de l’IA
    L’utilisation de plus en plus massive de l’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien (recrutement, recommandations sur les réseaux sociaux, décisions administratives, etc.) fait aussi peser « des risques majeurs sur les droits et libertés », rappelle la DDD. « L’usager a besoin de savoir à quel moment l’IA est utilisée ou non et s’il y a une intervention humaine », fait valoir Claire Hédon, tout en évoquant le « risque discriminatoire » engendré par les algorithmes.

    Des réclamations sur les enjeux environnementaux
    En 2024, la DDD a aussi été saisie de réclamations en matière environnementale concernant des pollutions de l’air, du sol ou encore des nuisances sonores notamment « liées à des ouvrages ferroviaires ou routiers ». La saisine de la Défenseure des droits a « ainsi (pu) s’avérer utile afin que les autorités publiques réalisent les travaux nécessaires à la résorption des « points noirs bruits », relève le rapport.

    Un bilan chiffré
    L’an dernier, la Défenseure des droits a reçu au total plus de 225 000 sollicitations, 140 996 réclamations et demandes d’informations, 84 196 appels aux plateformes téléphoniques. Au total : 53 437 médiations ont abouti à un règlement à l’amiable et 216 décisions ont été rendues.
    La Défenseure des droits, héritière du Médiateur de la République et mis en place en 2011, intervient dans cinq domaines : les usagers-ères du service public, la protection des enfants, les discriminations, la déontologie des forces de sécurité et la protection des lanceurs d’alerte.
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    En bref, d'autres infos Droits

    Athlétisme : la Fédération internationale instaure le prélèvement buccal pour déterminer le genre des athlètes

    Signe des temps. La Fédération internationale d’athlétisme a annoncé mardi 25 mars avoir approuvé l’introduction d’un test de prélèvement buccal pour déterminer si une athlète est biologiquement une femme. Pour Sebastian Coe, qui préside World Athletics, cette décision est un « moyen très important de créer de la confiance et de maintenir l’attention absolue sur l’intégrité de la compétition » féminine. « C’est important de le faire parce (...) qu’il ne s’agit pas seulement de parler de l’intégrité du sport féminin, mais de la garantir », a déclaré Sebastian Coe lors d’une conférence de presse. La décision du conseil de World Athletics a été prise après une large consultation, a-t-il ajouté, soulignant que cette « nouvelle politique résistera aux éventuelles contestations juridiques. » Depuis 2018, le règlement de World Athletics impose aux athlètes présentant des « différences de développement sexuel » (DSD) de faire baisser leur taux de testostérone par un traitement hormonal pour pouvoir participer aux compétitions internationales dans la catégorie féminine. Ce règlement a été validé l’année suivante par le Tribunal arbitral du sport (basé en Suisse), puis confirmé par le Tribunal fédéral de Lausanne, qui a mis en avant en 2020 « l’équité des compétitions » comme « principe cardinal du sport », au motif qu’un taux de testostérone comparable à celui des hommes confère aux athlètes féminines un « avantage insurmontable ».
    En 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé que l’athlète sud-africaine Caster Semenya, privée de compétitions par ce règlement, avait été victime de discrimination et d’une violation de sa vie privée. Sans toutefois invalider le règlement de World Athletics, qui a saisi dans cette affaire la Grande chambre de la CEDH, sorte d’instance d’appel.

    Immigration : le Sénat adopte deux textes des républicains chers à Bruno Retailleau

    Rétention allongée pour les personnes étrangères dangereuses, prestations sociales conditionnées à une durée de résidence très allongée : la droite sénatoriale a relancé les débats sur l’immigration en faisant adopter mardi 18 mars deux propositions de loi fidèles à la ligne du ministre de l’Intérieur. La droite sénatoriale, première force de la Haute assemblée, a fait avancer deux initiatives déjà portées dans le passé par l’actuel ministre de l’Intérieur. Le premier texte, soutenu par le gouvernement et adopté à 230 voix contre 109, entend « faciliter le maintien en rétention » des personnes étrangères condamnées pour des faits graves. Le texte prévoit d’étendre, de 90 jours maximum actuellement, à 180 jours, voire 210 jours dans certains cas, la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des personnes étrangères frappées d’une décision d’éloignement et condamnées pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Ce délai étendu, qui existe déjà en matière de terrorisme, concernerait également les étrangers-ères non condamnés-es, mais constituant « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », en cas de radicalisation par exemple. L’autre proposition de loi des républicains, adoptée à 204 voix contre 136, cible l’immigration régulière. Elle prévoit de conditionner l’octroi de certaines prestations sociales aux personnes étrangères à une durée de résidence en France d’au moins deux ans, reprenant partiellement des mesures censurées de la loi Immigration portée par Gérald Darmanin dans la précédente législature. Parmi elles, les allocations familiales, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou encore l’aide personnalisée au logement (APL). L’objectif affiché de ce texte est de limiter « l’appel d’air » migratoire que représenterait (mais ce n’est pas confirmé par des enquêtes rigoureuses) le régime social français. En avril 2024, le Conseil constitutionnel avait jugé qu’un conditionnement à cinq ans de résidence était « disproportionné », conduisant Les républicains (LR) à proposer d’abaisser cette durée à deux ans. Le gouvernement a rendu un « avis de sagesse » sur ce texte, ni favorable ni défavorable, la ministre déléguée à l’Autonomie Charlotte Parmentier-Lecocq émettant plusieurs réserves. Elle comme de nombreux parlementaires ont, en effet, constaté que ces dispositions ne pourraient s’appliquer à de nombreux-ses ressortissants-es étrangers-ères en raison des nombreuses conventions bilatérales de sécurité sociale conclues avec des pays tiers, au Maghreb et en Afrique subsaharienne notamment. Ces initiatives vont-elles prospérer dans le parcours législatif ? Interpellé à l’Assemblée nationale par Laurent Wauquiez (patron des LR à l’Assemblée), le Premier ministre François Bayrou a semblé confirmer que ces deux textes « seront examinés de la même manière » pour « progresser » sur le contrôle de l’immigration.

    Hausse de 11 % des crimes et délits racistes, xénophobes ou antireligieux en 2024

    Triste époque. Les crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont de nouveau augmenté (+ 11 %) en 2024, après un bond encore plus fort l’année précédente, selon un rapport du ministère de l’Intérieur (SSMSI) publié le 14 mars. En 2024, 9 350 crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont été enregistrés et 6 985 contraventions (+ 6 %), ce qui fait que la police nationale et la gendarmerie nationale ont enregistré « plus de 16 000 infractions » pour ces motifs sur l’ensemble du territoire en 2024, selon ce rapport, indique l’AFP. En 2023, la hausse des crimes et délits avait atteint quelque 30 %, « essentiellement au cours du dernier trimestre, dans un contexte de fortes tensions au Proche-Orient », rappelle le rapport. Sur deux ans, la hausse des crimes et délits atteint 44 %. Comme les années précédentes, les crimes et délits à caractère raciste ont principalement été des injures publiques (52 %), des menaces, ou du chantage (20 %). « Les discriminations et provocations représentent 10 % » des faits, selon le rapport. Du côté des contraventions à caractère raciste, la quasi-totalité a concerné des injures non-publiques (98 % du total). En 2024, les services de sécurité ont également enregistré « 9 700 victimes de crimes et délits à caractère raciste ». Parmi les personnes victimes « les hommes, les personnes âgées de 25 à 54 ans et les étrangers ressortissants d’un pays d’Afrique sont surreprésentés », explique le rapport. Environ 5 000 personnes ont été mises en cause par les services de sécurité, « dont plus de la moitié ont entre 25 et 54 ans ». Géographiquement, Paris « se détache nettement » avec un taux de crimes ou délits à caractère raciste « de trois à quatre fois supérieur à la moyenne nationale ». Le rapport rappelle aussi que la hausse « reflète à la fois l’évolution du phénomène en lui-même mais également celle de la propension de la population à déclarer ces actes et l’amélioration de leur prise en compte par les services de sécurité ».

    Migrants-es : Bruno Retailleau veut allonger la durée maximale de rétention administrative à 18 mois

    Controverse. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a souhaité mercredi 12 mars prolonger jusqu’à 18 mois, contre trois mois actuellement, la durée maximale dans les centres de rétention administrative (CRA) des personnes migrantes en situation irrégulière. Fixée à 10 jours en 1993, la durée en centre de rétention administrative (CRA) a été portée de « manière exceptionnelle » à 90 jours avec la loi Collomb de 2018, et à 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste. « Aujourd’hui, la durée de rétention maximale en France, elle est de trois mois. En Allemagne, elle est pratiquement d’un an et demi », a souligné Bruno Retailleau sur RTL. « Au Sénat, un texte va être discuté (...) Nous avions prévu au départ d’aligner le régime de tous les individus les plus dangereux sur le régime terroriste qui prévoit 210 jours. Je pense qu’il faut aller au-delà, donc au maximum, c’est-à-dire 18 mois », a-t-il ajouté. Le Sénat a d’ailleurs adopté en parallèle mercredi 12 mars, en commission des Lois, la proposition mentionnée par le ministre, en se positionnant sur une durée maximale de 210 jours. Cette disposition, si elle était définitivement adoptée, concernerait les personnes condamnées pour les crimes ou délits les plus graves et faisant l’objet d’une décision d’éloignement, ainsi que celles non condamnées mais constituant « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Le texte doit être examiné dans l’hémicycle du Sénat, au côté d’une autre proposition de loi sur l’immigration soutenue par Bruno Retailleau, qui vise à conditionner l’octroi de prestations sociales aux étrangers-ères à une durée de résidence en France d’au moins deux ans. Ce texte a lui aussi été adopté en commission des Lois, le même jour.
    Dans un communiqué (13 mars), l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) « condamne la proposition d'allongement de la durée de rétention administrative ». Les ONG réunies dans ce collectif « dénoncent avec la plus grande fermeté la proposition d'allongement de la durée de rétention administrative actuellement discutée au Sénat ». « Dans la droite ligne de la loi du 26 janvier 2024, nous assistons à une surenchère et à un durcissement catastrophique de cette mesure de privation de liberté (…) Nos associations ne cessent d’alerter au sujet des effets délétères sur la santé physique et mentale des personnes enfermées, et cela alors que les données compilées année après année par les différentes associations intervenant en CRA montrent clairement qu'il n’existe aucune corrélation entre la durée de rétention et le nombre d'expulsions. ». Et les ONG d’expliquer : « Alors même que la durée maximale de rétention a été portée à 90 jours en 2018, il n’existe aujourd’hui aucune analyse de ses effets qui pourrait justifier d’allonger davantage l’enfermement des personnes étrangères au seul motif de leur situation administrative. Les conséquences de la rétention sur les personnes sont, en revanche, bien connues : suicides, tentatives de suicide, traumatismes, violations du droit à une vie privée et familiale, violations du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, atteinte à la dignité des personnes, violences policières, etc. Cette nouvelle mesure ne fera qu'aggraver la violence institutionnelle et la maltraitance des personnes retenues. » L’OEE appelle les « parlementaires à rejeter cette proposition d'allongement de la durée de rétention et à refuser de cautionner un dispositif qui dysfonctionne et qui est source de souffrances inutiles. »

    Des organisations dénoncent l'adoption par le Sénat d'une "préférence nationale" déguisée sur les prestations sociales

    Au front. Déposée au Sénat début février, la proposition de loi instaurant une condition de résidence régulière de deux ans pour accéder à certaines prestations sociales a très récemment été adoptée en séance publique. Dans un communiqué, onze organisations (dont Le CATRED, la Cimade, Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la solidarité, le Gisti, Médecins du Monde, l’Uniopss, etc.), « alertent sur la mise en place d’une "préférence nationale" déguisée, qui va exclure de nombreuses personnes étrangères en situation régulière ainsi que leurs enfants, de l’accès aux prestations familiales, aux aides personnelles au logement et à l’allocation personnalisée d’autonomie ». « Si elle est confirmée par un vote à l’Assemblée nationale, ce sera une rupture majeure d’égalité », soulignent les ONG. Pour elles, les conséquences néfastes d’une adoption définitive du texte sont réelles : « Privées de prestations sociales essentielles pour l’accès au logement et aux biens de première nécessité, de nombreuses familles, enfants et personnes âgées plongeraient dans la précarité. Celles déjà en situation de vulnérabilité verraient leurs conditions de vie et leur état de santé se dégrader » ; Le communiqué souligne, par ailleurs, que cette « réforme ne génèrerait pas d’économies » ; tout au contraire, elle pourrait alourdir d’autres dépenses publiques liées au recours aux dispositifs d’urgence (des hôpitaux, de l’hébergement et autres services sociaux), coûteux et moins efficaces. »
    Pour les ONG, cette « mesure remettrait en cause le caractère universel de la protection sociale, qui ne repose pas uniquement sur la contribution directe par le travail. Les prestations familiales et les aides sociales sont fondées sur une exigence de solidarité. En incluant les personnes étrangères et leurs enfants, à égalité avec les nationaux, dès leur admission au séjour, elles sont un gage d’intégration et de cohésion sociale », d’où la critique faite aux parlementaires qui ont voté le texte au Sénat que cette « loi rompt cet engagement « et constituerait « un précédent dangereux qui menacerait le fondement même de notre modèle social. » Les ONG concernées demandent le retrait de cette proposition de loi (LR).