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    L’Actu vue par Remaides : « Croi 2025 : traitements à longue durée d’action, l’avenir de la prise en charge du VIH ? »

    • Actualité
    • 14.03.2025

     

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    La salle de plénière de la Croi 2025 au  Moscone Convention Center de San Francisco.
    Photo : Fred Lebreton

    Par Bruno Spire, Luis Sagaon-Teyssier et Fred Lebreton

    Croi 2025 : traitements à longue durée d'action, l'avenir de la prise
    en charge du VIH ?

     

    La plus grande conférence scientifique américaine sur le VIH, les hépatites et les infections opportunistes (Croi) s’est tenue à San Francisco (États-Unis) du 9 au 12 mars 2025. Comme chaque année, la rédaction de Remaides vous propose une sélection des temps forts et des infos clefs. Retour sur la journée du mercredi 12 mars 2025.
     

    Note de la rédaction : le terme CAB-LA est beaucoup utilisé dans cet article. Il désigne la Prep injectable à longue durée d’action (une injection tous les deux mois) par cabotégravir (nom commercial : Apretude). Ce traitement n’est pas encore commercialisé en France (son prix est en cours de négociation).
     

    CAB-LA et nouvelles stratégies : vers une Prep plus accessible et efficace ?

    Les options actuelles de Prep orale montrent leurs limites, notamment pour certaines populations comme les femmes, qui restent très exposées au VIH. L’anneau vaginal à la dapivirine, conçu pour une protection prolongée, a prouvé son efficacité, mais son observance reste insuffisante chez les jeunes femmes de 18 à 21 ans. Les études HPTN083 et 084 ont démontré que le CAB-LA constitue une alternative prometteuse, avec une protection stable jusqu’à 36 semaines et une efficacité comparable entre hommes et femmes. Toutefois, cette option implique des injections fréquentes et soulève des défis en matière de résistance et de diagnostic des séroconversions. Le lénacapavir représente une avancée majeure, avec une administration semestrielle et une efficacité proche de 100 %. Les rares séroconversions observées concernent des personnes déjà résistantes au traitement, mais des effets indésirables, notamment des nodules douloureux au point d’injection, compliquent son utilisation. Une nouvelle formulation intramusculaire, administrée une fois par an, est en cours de développement et pourrait révolutionner la prévention du VIH. Toutefois, l’accès à cette innovation reste incertain, notamment dans les pays à faibles ressources, en raison des obstacles réglementaires et financiers.

    Dépistage du VIH et Prep : un défi pour une mise à l'échelle efficace

    Le dépistage du VIH joue un rôle central dans l’expansion de la Prep, mais il reste un
    obstacle majeur à sa généralisation. Actuellement, seules 3,5 millions de personnes utilisent la Prep dans le monde, loin des dix millions nécessaires pour atteindre les objectifs de prévention d’ici 2025. L’accès à la Prep est freiné par la nécessité de tests cliniques souvent complexes et coûteux. Toutefois, la dispensation de la Prep orale a évolué : grâce à la fiabilité des autotests, il est désormais possible d’obtenir la Prep sans passer par un test en clinique ou en laboratoire. Cette approche est déjà mise en place dans plusieurs pays, comme le Népal, la Thaïlande, le Brésil et l'Eswatini (anciennement Swaziland). L’OMS a confirmé que l’utilisation des tests rapides, y compris les autotests, ne pose pas de risque accru de faux positifs ou de résistances. Leur généralisation pourrait ainsi faciliter l’essor de la Prep à longue durée d’action. Cependant, au-delà du dépistage, il est essentiel de simplifier l’ensemble du parcours d’accès à la Prep en proposant des stratégies abordables et différenciées pour toucher un plus grand nombre de personnes exposées à un risque de contracter le VIH.

     

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    Un aperçu de la salle de présentation des posters à la Croi 2025. Photo : Fred Lebreton

    Prep à longue durée d'action : des obstacles multiples à une généralisation rapide

    Malgré huit millions d’initiations de Prep en 2024, principalement financées par le fonds américain Pepfar et concentrées en Afrique subsaharienne, son déploiement à grande échelle reste entravé par plusieurs facteurs. La disponibilité des produits, le manque de financements et les défaillances des systèmes de santé dans les pays à faibles ressources limitent l’accès à ces outils de prévention pourtant essentiels. L’histoire de la Prep orale a montré qu’il peut s’écouler une décennie entre la démonstration de son efficacité et sa généralisation. Pour éviter un tel retard avec les nouvelles formulations injectables comme le CAB-LA et le lénacapavir, il est crucial d’accélérer l’octroi de licences volontaires pour favoriser la production de génériques. En attendant, un approvisionnement prioritaire dans les régions les plus touchées doit être garanti. L’implication des gouvernements des pays à faibles ressources est indispensable pour mobiliser des financements alternatifs et assurer un accès équitable. L’accompagnement scientifique et réglementaire doit permettre d’accélérer l’homologation des génériques, tandis que l’engagement des communautés est essentiel pour lutter contre la discrimination et sensibiliser aux nouvelles options de prévention. La recherche appliquée, un financement international pérenne et l’intégration de la Prep à longue durée d’action dans les services de santé sont des conditions incontournables pour une mise à l’échelle efficace.

    CAB-LA : une meilleure rétention en Prep aux Etats-Unis

    Une étude menée au sein du consortium de soins Kaiser Permanente, qui compte 5,4 millions de membres, montre que l’utilisation du CAB-LA en Prep reste faible, mais que son observance et sa rétention sont supérieures à celles de la Prep orale. Administré par une équipe dédiée et des médecins en soins primaires, le CAB-LA permet d’atteindre des populations moins enclines à utiliser la Prep orale, notamment les personnes noires et latines, renforçant ainsi l’accès à la prévention du VIH pour des communautés souvent sous-représentées.

    CAB-LA : une meilleure couverture pour les jeunes populations clés au Brésil

    En Amérique latine, où les cas de VIH augmentent depuis 2010, la mise en place de la Prep orale a été lente. L’étude ImPrEP CAB au Brésil a analysé l’efficacité du CAB-LA auprès de jeunes hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), de personnes non binaires et transgenres âgées de 18 à 30 ans. Parmi les 1 447 participants-es inclus-es, 83 % ont opté pour le CAB-LA et 17 % pour la Prep orale. Le taux de couverture était nettement supérieur avec le CAB-LA (95 % contre 58 % pour la Prep orale), et aucune séroconversion n’a été observée parmi ses utilisateurs-rices, contre une dans le groupe prenant la Prep orale. Par ailleurs, plus de 95 % des injections ont été réalisées dans les délais prévus, démontrant une bonne rétention. Ces résultats montrent que le CAB-LA est une option efficace pour améliorer la protection et lever certaines barrières liées à la Prep orale, notamment chez les jeunes populations clés.

    Prep sous FTC/TAF chez les femmes : une protection efficace malgré une observance variable

    L’étude PURPOSE 1 a analysé les cas de VIH parmi les utilisatrices de la Prep sous FTC/TAF (nom commercial Descovy, une autre version du Truvada non commercialisée en Europe), en les comparant à celles sous lénacapavir (LEN). La majorité des séroconversions ont été observées dans le groupe FTC/TAF, principalement en raison d’une observance insuffisante, qui diminuait avec le temps. Toutefois, même avec une prise moyenne de trois comprimés par semaine, la protection restait efficace, tandis que les séroconversions concernaient surtout les femmes prenant deux comprimés ou moins par semaine. Aucun retard de diagnostic n’a été constaté, et le risque de résistance est resté faible. Ces résultats confirment que le FTC/TAF constitue une option viable pour la Prep orale, à condition d’un suivi adapté pour renforcer l’adhésion au traitement.

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    Une présentation du Patchwork des Noms sur la scène du Moscone Convention Center.
    Photo : Fred Lebreton.

    Dépistage du VIH sous CAB-LA : des performances limitées des tests ARN

    L’étude HPTN 084 a évalué la fiabilité des tests de charge virale (ARN) pour le dépistage du VIH chez les utilisateurs-rices de CAB-LA comparé au TDF/FTC (Prep orale par Truvada), dans sa phase ouverte. Avec 1 927 participants-es sous CAB-LA sur 2 462 au total, le protocole incluait des tests rapides, sérologiques et des analyses de charge virale. Les résultats montrent que les tests ARN ont une faible performance pour détecter le VIH dans ce contexte, ce qui peut entraîner un retard au diagnostic et favoriser l’émergence de résistances. Cette étude souligne la nécessité d’adapter les stratégies de dépistage pour les personnes sous CAB-LA afin d’améliorer la détection précoce des infections.

    CAB-LA : une Prep injectable efficace et bien tolérée

    L'étude PILLAR, une recherche de phase 4 menée sur 17 sites aux États-Unis, a évalué l’implémentation en conditions réelles du CAB-LA, une injection à longue durée d’action pour la Prep. Les résultats après douze mois sont encourageants : aucune séroconversion pour le VIH et un taux de rétention élevé par rapport à la Prep orale, avec peu d’abandons liés aux effets indésirables. Sur les 201 participants-es, seuls-es onze ont signalé des effets indésirables, principalement des douleurs au site d’injection. L’étude a recruté un large éventail de participants-es, notamment des personnes trans et des populations latino et afro-américaines, dépassant ainsi ses objectifs et confirmant le potentiel du CAB-LA pour toucher de nouvelles populations. De plus, 22 % des participants-es avaient abandonné la Prep orale depuis plusieurs mois avant de rejoindre l’étude, ce qui souligne l’attrait du CAB-LA comme alternative durable et mieux adaptée aux besoins de certains groupes exposés à un risque de contracter le VIH.

    Un implant injectable pour la Prep et la contraception

    Cette étude a évalué un implant combinant le CAB (cabotégravir) pour la prévention du VIH et le MPA (acétate de médroxyprogestérone) pour la contraception, testé sur un modèle animal (le singe macaque). Actuellement, les options disponibles impliquent, soit des comprimés quotidiens, soit des injections à distance, voire des anneaux vaginaux, mais aucune ne combine ces deux fonctions en un seul dispositif. L’implant testé assure une diffusion prolongée des deux molécules pendant plus de six mois, avec une suppression complète et réversible de l’ovulation chez les macaques. Il est bien toléré, totalement amovible en trois mois et présente une faible migration au-delà de six mois. Ces résultats prometteurs ouvrent la voie au développement d’une solution injectable combinée, offrant une protection à long terme contre le VIH et une contraception efficace pour les femmes doublement exposées à un risque de grossesse non désirée et de contracter le VIH.

    Covid long : un défi majeur de santé publique

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    Roger Paredes, chef du département des maladies infectieuses à l'hôpital Germans Trias i Pujol (Badalona-Barcelone, Espagne), lors de sa présentation à la Croi 2025 sur le Covid long. Photo : Fred Lebreton.

    Lors de la dernière plénière de cette Croi 2025, le Dr Roger Paredes, chef du département des maladies infectieuses à l'hôpital Germans Trias i Pujol en Espagne, a présenté le Covid long comme un enjeu majeur de santé publique. Ce syndrome post-infectieux, qui touche plus de 400 millions de personnes dans le monde, peut se manifester par plus de 150 symptômes, dont une dizaine sont particulièrement caractéristiques. Il résulte d’un dysfonctionnement immunitaire lié à des lésions dans les tissus provoquant une réponse inflammatoire anormale. Des anomalies biologiques ont été identifiées chez les personnes atteintes : persistance de l’ARN viral, présence d’antigènes du Sars-CoV-2 dans 30 % des cas, inflammation thrombotique avec des micro-thromboses, et même accumulation de protéines spike dans certaines cellules cérébrales, expliquant les troubles neurologiques et psychiatriques observés. On note également des dysfonctions mitochondriales responsables d’une fatigue musculaire intense ainsi qu’un déséquilibre du microbiote intestinal. Malgré ces avancées, il n’existe actuellement aucun traitement efficace, rendant la vaccination essentielle pour limiter les risques de développer un Covid long et éviter les réinfections. Roger Paredes a insisté sur la nécessité d’investir dans la recherche et de promouvoir des essais cliniques adaptatifs pour mieux comprendre et traiter ce syndrome, tout en rappelant que les personnes touchées souffrent également de stigmatisation.

    La prise de poids sous traitement VIH : un défi de santé
     

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    Jordan E. Lake (University of Texas Health Science Center, Texas, États-Unis), lors de son intervention sur le surpoids et l’obésité qui touchent de plus en plus les personnes vivant avec le VIH.
    Photo : Fred Lebreton.

    Selon Jordan E. Lake (University of Texas Health Science Center, Texas, États-Unis), le surpoids et l’obésité touchent de plus en plus les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), avec des taux dépassant parfois 50 %, notamment sous certains traitements comme les antiintégrases (INSTI) et le TAF. Cette prise de poids, composée principalement de graisse plutôt que de muscle, peut occasionner des problèmes de santé graves : risque accru d’atrophie cérébrale, d’apnée du sommeil et d’inflammation des tissus. Environ 13 % des PVVIH prennent au moins 10 % de poids après le début du traitement, bien que cela puisse parfois refléter un retour à un poids normal après une période de grande faiblesse. Le passage à un traitement incluant un INSTI est particulièrement associé à cette prise de poids, même chez des personnes qui changent simplement de médicament ou sont nouvellement diagnostiquées. Une augmentation, même modérée (3 à 5 % du poids corporel), peut suffire à accroître les risques cardiovasculaires. Les causes exactes restent mal comprises, mais les INSTI semblent agir directement sur le tissu adipeux en stimulant la croissance des cellules graisseuses. Des facteurs génétiques et l’effet du VIH lui-même sur les cellules graisseuses pourraient aussi jouer un rôle. À ce stade, il n’est pas prouvé que cette prise de poids soit réversible, et des études testent d’autres options, comme le remplacement des anti-intégrases par la doravirine. Cependant, les premiers résultats, comme ceux de l’étude SOLAR, montrent qu’un changement d’anti-intégrase n’a pas d’effet notable sur le poids. Le vieillissement aggrave la situation en augmentant le risque d’une forme d’obésité où la graisse s’accumule tandis que la masse musculaire diminue. À ce jour, les traitements médicaux sont limités, et les nouvelles solutions, comme les médicaments de type incrétine (qui ont un effet sur le diabète, qui diminuent l’absorption du glucose par l’estomac, etc.), présentent un risque d’interactions avec les traitements VIH. En attendant des avancées thérapeutiques, la prévention et les ajustements du mode de vie restent les meilleures stratégies.

    Une amélioration des paramètres de santé des personnes vivant avec le VIH en Espagne

    Avec le vieillissement de la population des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), une étude a comparé l’évolution des événements cliniques et biologiques non liés au VIH sur trois périodes couvrant les 18 dernières années, en Espagne. Les résultats ont montré une nette diminution de la prévalence de ces événements, passant de 3,4 % à 1,2 %, indépendamment de la tranche d’âge. De plus, le délai avant l’apparition d’un problème de santé s’est allongé au fil du temps, et l’âge du premier événement médical a augmenté avec les périodes étudiées. Toutefois, malgré ces progrès, le poids des comorbidités reste similaire chez les personnes vivant avec le VIH les plus âgées, quelle que soit la période analysée.

    Traitement précoce et impact cardiovasculaire : des différences selon le sexe

    L’étude START, menée entre 2009 et 2013, a dû être interrompue plus tôt que prévu en raison d’un nombre accru d’événements dans le groupe où le traitement antirétroviral avait été différé. Une analyse a ensuite comparé les événements cardiovasculaires entre les personnes ayant initié un traitement immédiat et celles l’ayant retardé, ainsi qu’avant et après 2016. Aucune différence d’incidence du premier événement cardiovasculaire n’a été observée entre les groupes ou entre les périodes de l’essai. Cependant, une disparité est apparue selon le sexe : les femmes ayant reçu un traitement immédiat ont présenté moins d’événements cardiovasculaires, contrairement aux hommes. De plus, la nature des événements différait : les hommes étaient plus touchés par des infarctus, tandis que les femmes, en particulier après 50 ans, présentaient davantage d’accidents vasculaires cérébraux.

    Essai REPRIEVE : les statines réduisent les risques cardiovasculaires chez les personnes vivant avec le VIH

    L’essai REPRIEVE avait déjà démontré une réduction de 36 % des événements cardiovasculaires chez les personnes vivant avec le VIH à faible risque cardiovasculaire lorsqu’elles étaient traitées par statines. L’étude, présentée ici, s’est intéressée aux atteintes cardiaques précoces et infracliniques (signe que l'on peut observer chez une personne malade atteinte d'une maladie donnée avant qu'elle n'en présente les symptômes) en analysant des biomarqueurs de l’inflammation selon le niveau de risque cardiovasculaire, la présence de plaques d’athérome (résidu collant composé de graisse, de cholestérol, de calcium et d'autres substances qui se fixe à l’intérieur des artères) et l’exposition aux statines. Les résultats ont montré que l’association de plaques d’athérome, d’une inflammation élevée et l’absence de traitement par statines était corrélée à un risque cardiovasculaire accru. Ces données renforcent l’intérêt d’un traitement préventif par statines chez les personnes vivant avec le VIH, même en l’absence de risque cardiovasculaire apparent.

     

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    Une des diapositives de la présentation qui met en avant le risque en santé de l'augmentation des graisses dans l'organisme pour les personnes vivant avec le VIH. Photo : Fred Lebreton.

     

    Syndrome de fragilité et risque cardiovasculaire chez les personnes vivant avec le VIH : un lien indépendant des statines

    De nouveaux résultats de l’essai REPRIEVE ont confirmé que, comme dans la population générale, le syndrome de fragilité chez les personnes vivant avec le VIH était associé à un risque accru d’événements cardiovasculaires. Un score de fragilité a été établi pour classer les participants-es en trois catégories : absence, fragilité faible et fragilité forte, regroupant respectivement 67 %, 29 % et 4 % des patients-es. Les deux groupes fragiles présentaient un risque cardiovasculaire près de deux fois plus élevé que les autres. En revanche, l’utilisation de statines n’a pas semblé influencer ce risque chez les personnes fragiles, bien que la taille des groupes ait été trop réduite pour tirer des conclusions définitives. Ces résultats soulignent l’importance d’une prise en charge globale du vieillissement chez les PVVIH, au-delà des seules stratégies médicamenteuses.

    Age épigénétique et impact de la semaglutide chez les personnes vivant avec le VIH avec liphypertrophie

    L’horloge épigénétique, qui mesure les modifications des gènes au fil du temps, permet d’estimer un âge biologique distinct de l’âge chronologique. Une étude menée auprès de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) souffrant de lipohypertrophie (accumulation excessive de graisse dans certaines parties du corps, notamment l’abdomen, la nuque ou la poitrine) a analysé la relation entre plusieurs marqueurs de cet âge épigénétique et la morbidité ou la mortalité. Les résultats ont révélé une association entre ces marqueurs et l’apparition d’événements cliniques non liés au stade sida ou de décès. Par ailleurs, la semaglutide, une molécule connue pour réduire l’embonpoint, l’obésité, a montré un effet significatif sur l’âge épigénétique de ces patients-es, avec une réduction pouvant atteindre neuf ans après 32 semaines de traitement, en tenant compte des facteurs de risque classiques. Des études supplémentaires seront nécessaires pour évaluer la durabilité de cet effet.

    Efficacité et acceptablité du traitement injectable CAB et rilpivirine en Afrique

    Une étude a évalué la faisabilité du traitement injectable longue durée à base de cabotégravir (CAB) et de rilpivirine sur le continent africain, en analysant la réponse virologique chez des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ayant opté pour ce mode d’administration. L’essai a inclus plus de 500 participants-es répartis-es en deux groupes : l’un poursuivant un traitement oral, l’autre passant aux injections. Après 96 semaines, la rétention dans l’étude était excellente (98 %) et 81 % des participants-es du groupe injectable ont reçu leurs doses dans les délais. Les taux de succès virologique étaient identiques dans les deux groupes (97 %), avec quatre échecs virologiques dans le groupe injectable, associés à des mutations du virus, contre aucun dans le groupe oral, sans différence statistiquement significative. Le taux d’arrêt du traitement et la tolérance étaient similaires entre les deux groupes. Enfin, 99 % des participants-es sous injection ont exprimé une préférence pour ce mode d’administration.

    Efficacité et tolérance du VH3810109 chez les personnes vivant avec le VIH en contrôle virologique

    L’étude EMBRACE a évalué le VH3810109, un anticorps bloquant la fixation du VIH sur les cellules CD4, chez des personnes vivant avec le VIH en contrôle virologique (charge virale indétectable). Ce traitement, administrable en intraveineuse ou en sous-cutané grâce à un agent facilitant son absorption, a été testé en phase 2. L’essai a comparé trois
    groupes de 50 participants-es recevant soit VH3810109 par intraveineuse ou en sous-cutané tous les quatre mois, en combinaison avec du cabotégravir (CAB) injectable en intramusculaire (IM) tous les quatre mois, soit un traitement oral. Deux cas d’échec virologique avec mutations de résistance ont été observés dans les groupes par intraveineuse et en sous-cutané. Quelques réactions aux sites d’injection ont été signalées, mais la tolérance globale était bonne, avec un meilleur profil en intraveineuse.

    Changement vers doravirine/islatravir : une alternative au Bictarvy

    L’étude de phase 3 MK-8591A-052 a évalué l’efficacité et la sécurité d’un changement de traitement chez des personnes vivant avec le VIH sous trithérapie stable. Les participants-es ont été répartis-es en deux groupes : l’un est passé à une prise unique quotidienne de doravirine/islatravir (DOR/ISL 100/0,25 mg), l’autre a poursuivi son traitement habituel (BIC/FTC/TAF). L’étude a inclus 531 personnes, dont 432 ont changé de traitement, tandis que 171 sont restées sous Bictarvy. Après 48 semaines, la nouvelle combinaison a démontré une efficacité similaire à celle du traitement de référence, avec un taux de suppression virale (charge virale indétectable) proche (91,5 % contre 94,2 %). Les effets indésirables ont été comparables entre les groupes, sans impact négatif sur les lymphocytes ou les CD4. Les taux de CD4 sont restés stables dans les deux groupes, contrairement aux formulations à longue durée d’action de l’islatravir qui avaient montré une baisse des CD4. La tolérance était similaire, bien que quatre cas de réactivation du VHB aient été observés chez des personnes coinfectées. C’est la première combinaison sans anti-intégrase à démontrer une efficacité équivalente à une trithérapie incluant cette classe.

    Une nouvelle bithérapie orale maintient l'efficacité du traitement VIH

    Une étude de phase 3 a évalué le passage d’un traitement antirétroviral standard à une bithérapie combinant la doravirine (DOR) et l’islatravir (ISL) en un seul comprimé quotidien. Cette recherche a inclus 551 personnes vivant avec le VIH, sous traitement efficace depuis au moins trois mois, sans échec thérapeutique antérieur. Après 48 semaines, la bithérapie DOR/ISL a montré une efficacité similaire aux traitements habituels, avec 95,6 % des participants-es maintenant une charge virale indétectable, contre 91,9 % dans le groupe poursuivant leur traitement de base. Les effets indésirables, bien que légèrement plus fréquents avec l’association DOR/ISL (12 % contre 4,9 %), sont restés majoritairement bénins. Aucun arrêt de traitement n’a été causé par une baisse des défenses immunitaires. Ces résultats suggèrent que cette bithérapie pourrait être une alternative efficace et bien tolérée aux traitements conventionnels du VIH.

    Rendez-vous à Denver pour la Croi 2026
     

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    C'est au Colorado, à Denver, que se déroulera du 22 au 25 février 2026 la prochaine
    édition de la Croi. Photo : Fred Lebreton

    Ainsi s’achèvent nos chroniques de la Croi 2025 à San Francisco. Une conférence particulière où la joie de se retrouver ensemble, scientifiques et activistes, s’est confondue avec les craintes de voir les progrès de la lutte contre le VIH s’effondrer à cause des décisions criminelles de l’administration Trump. Un post publié sur Bluesky en ce dernier jour de conférence résume bien l’atmosphère de cette Croi 2025 : « Bien que la Croi 2025 ait été merveilleuse, car j’ai pu revoir de nombreux collègues que j’aime et respecte, entendre leurs histoires sur la suppression de leurs financements et l’effondrement de leurs carrières en temps réel était glaçant. Nous ne sommes plus dans un environnement qui encourage la recherche innovante et le monde académique. Tout est en train d’être détruit… La réalité, c’est que ces coupes budgétaires ont des conséquences bien concrètes, avec la mort qui plane à chaque coin de rue lorsque les patients ne peuvent plus obtenir leurs traitements contre le VIH ou les infections opportunistes. Nous jouons avec la vie des gens à bien des égards. » (Dr Joseph Cherabie, directeur médical de la clinique Prep de l’université de Washington et activiste LGBT+).

    « Il est bon, de temps à autre, de se rappeler que nous ne sommes pas seuls, que nous faisons tous partie d’un grand tout en perpétuel changement, que la vie continue malgré tout et que l’amour, sous toutes ses formes, est toujours possible » ; extrait de Babycakes (1984), quatrième tome des Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin.

    Nous vous donnons rendez-vous pour de nouvelles aventures l’an prochain à Denver (Colorado) du 22 au 25 février 2026 pour la Croi 2026.

    Bruno Spire, Luis Sagaon Teyssier, Fred Lebreton

    Remerciements à Franck Barbier, responsable pôle Parcours et Programmes nationaux ; Offres et dispositifs, pour son aide précieuse à la relecture des articles sur la Croi 2025.
     

    Retrouvez nos articles précédents sur la Croi 2025 de San Francisco :
     

    Croi 2025 : la communauté scientifique en alerte face aux attaques de Trump.

    Croi 2025 : deux nouveaux cas de rémission du VIH.

    Croi 2025 : VIH, Prep, quels traitements demain ?