L'actu vue par REMAIDES : "Le coming out VIH télévisé d’une drag queen"
- Actualité
- 10.06.2024
Par Fred Lebreton
VIH : Le coming out télévisé d’une drag queen
Ces dernières années, on assiste à une plus grande visibilité des personnes vivant avec le VIH. C’est une très bonne chose qui permet de montrer la réalité des parcours, la diversité des personnes qui vivent avec le VIH et de sortir des caricatures. Cette visibilité assumée (qui doit rester un choix individuel et ne pas être une contrainte) contribue grandement à lutter contre les stéréotypes qui créent et entretiennent la sérophobie. Aujourd’hui, voici les parcours de la drag queen Q, véritable star des réseaux sociaux, et de Joseph Kibler qui, né avec le VIH, témoigne sur les réseaux sociaux. Remaides fait les présentations.
VIH : Le coming out télévisé d’une drag queen
Faire un coming out VIH public à la télévision n’est jamais anodin. Même dans une émission queer et inclusive comme peut l’être RuPaul's Drag Race, dont la 16ème saison américaine vient d’être diffusée. C’est le cas de la drag queen Q, véritable star des réseaux sociaux avec ses 128 000 abonnés-es sur Instagram. Diagnostiquée séropositive en 2021 à l’âge de 24 ans, la drag queen n’avait jamais parlé de son statut sérologique à sa famille avant de le dire, en mars dernier, pendant un épisode du concours TV de drag diffusé mondialement. Dans un entretien accordé à Poz Magazine, Q revient sur ce moment fort quand elle a défilé avec une robe ornée d’un ruban rouge inspirée de l’œuvre de Keith Haring : « Quand j'ai su que nous faisions un défilé des années 80, j'ai pensé que c'était une opportunité pour moi d'être plus directe sur mon statut et de me fixer un ultimatum pour en parler à ma famille et être une voix pour quiconque se sentait aussi effrayé que moi. Je voulais vraiment rendre hommage à la génération de personnes queer que nous avons perdues et qui pourraient encore être en vie aujourd'hui si les politiciens, les gouvernements et les responsables de la santé avaient pris la situation plus au sérieux et s'étaient plus souciés des personnes queer en général ».
Si l’artiste queer assume totalement son statut sérologique, une crainte subsistait, la réaction de sa famille : « Je n'ai honnêtement aucun problème à être visible publiquement en tant que personne vivant avec le VIH. Je ne ressens aucune honte. Parfois, avec la stigmatisation à laquelle vous devez faire face, les gens veulent que vous ressentiez de la honte pour cela. Mais je suis arrivée à un point où je veux en parler ouvertement et être une figure publique pour les personnes séropositives. Mais, j'avais peur pour ma famille. J'ai parlé à ma mère avant que l'épisode ne soit diffusé — elle sait, et ma famille sait également. Ma mère s'inquiète quand il pleut trop dehors alors j’avais peur qu’elle s’inquiète plus encore pour moi. Je sais comment j'ai été traitée différemment par certaines personnes à cause de mon statut sérologique, ce qui m'a certainement rendu prudente quant au fait de le dire à certaines personnes ».
Et si Q avait un conseil à donner aux personnes vivant avec le VIH qui hésitent à en parler ? « Faites-le vraiment quand vous vous sentez prêt. Ne laissez personne vous mettre la pression parce qu'au final, la décision vous revient. C'est votre vie. C'est votre santé. Mais si vous le faites, assurez-vous d'avoir un bon environnement de soutien et des personnes autour de vous qui vous aiment. Peu importe comment votre coming out est perçu, il y a des personnes qui vous aiment, vous soutiennent et vous voient pour la personne incroyable que vous êtes ».
Né avec le VIH, il témoigne sur les réseaux sociaux
Une expérience lors d'un camp de théâtre, lorsque Joseph Kibler avait 17 ans, a changé sa vie à jamais. Né avec le VIH et une paralysie cérébrale, il a décidé, lors d'un exercice de jeu théâtral, de partager son statut sérologique avec une salle remplie d'inconnus-es. Plutôt que lors d'un camp de théâtre rempli de jeunes acteurs-rices en herbe, il partage désormais des histoires de sa propre vie sur les réseaux sociaux. Récemment, certaines de ses vidéos sur TikTok et Instagram sont devenues virales ; alors qu'il compte près de 125 000 abonnés-es, l'une de ses vidéos récentes a même atteint six millions de vues.
© Joseph Kibler (compte Instagram)
Ce type de coming out VIH public n’est pas possible pour toutes les PVVIV. Dans une interview accordée à TheBody, Joseph Kibler revient sur les raisons qui l’ont poussé à faire ce coming out sur les réseaux sociaux. « En grandissant, on m'a dit de ne pas parler de mon statut sérologique. Quand j'ai découvert que j'étais séropositif, j'avais 11 ans. Je l’ai découvert par accident. Un médecin qui n'était pas mon médecin traitant, qui ne savait pas que ma mère ne m'avait pas encore informé, a laissé échapper l'information. Et sur le chemin du retour, elle m'a tout dit : pourquoi j'avais le VIH, que mon père avait été infidèle et qu'il avait contracté le VIH, puis il l'avait transmis à ma mère. Et, c'est ce dont mon frère jumeau est décédé. [Elle m’a aussi dit] que je ne pouvais rien dire à personne [sur mon statut] parce que les enfants [dans ce cas] étaient harcelés et expulsés des écoles (…) Donc, je suis resté silencieux à ce sujet pendant environ huit ans. J'ai commencé à en parler. Une fois que j'ai ouvert cette vanne, je ne pouvais plus reculer. Je n'ai pas de place dans ma vie pour les personnes qui ne peuvent pas comprendre et accepter cela. Donc, c'est un peu un mécanisme de défense où je me dis : « Eh bien, je vais partager cette information sur moi ». Si vous ne pouvez pas le supporter, alors nous pouvons simplement aller dans des directions différentes. Partager était très facile pour moi. Et j'ai trouvé que les gens commençaient à s'y identifier ».
L’acteur et militant de la visibilité parle aussi de la charge mentale que peut représenter un coming out VIH sur les réseaux sociaux et les réactions, pas toujours positives, que cela provoque : « C’est 50-50, entre les personnes qui disent : « Je suis tellement content d'entendre ça et que vous éduquiez les gens », et puis les personnes qui disent : « C’est dégoûtant, qu'est-ce qui ne va pas chez vous ? ». L'ignorance est toujours très profonde. Et, au début, c'était difficile. Vous pouvez dire que vous développez une forme de résilience aux commentaires négatifs, mais quand cela se manifeste, [l'application] vous envoie littéralement des notifications chaque minute, ou quand quelque chose devient viral, c'est même chaque seconde, et vous êtes confronté à des personnes qui disent simplement : « Dégoûtant, vous êtes dégoûtant ! ». Et Joseph Kibler d’ajouter : « C'est épuisant. À quel moment arrêtez-vous de vous fixer sur les choses négatives ? Vous obtenez quelque chose qui devient viral et vous avez mille commentaires de gratitude, d'appréciation, d'amour et de soutien. Et puis, vous avez quatre commentaires horribles et les pires choses que l'humanité a à offrir sous la forme d’un petit texte. Et vous ne pouvez pas vous empêcher de vous fixer là-dessus. C'est difficile. J'apprends encore tous les jours ».