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    L’Actu vue par Remaides : « Christophe Martet décoré au Sénat pour une vie de combats »

    • Actualité
    • 26.06.2025

    brossat

    Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat et Christophe Martet à la remise de la médaille du Sénat, le 24 juin 2025. Photo : Xavier Héraud

    Par Fred Lebreton

    Christophe Martet décoré au Sénat
    pour une vie de combats

    Mardi 24 juin 2025. Palais du Luxembourg, « restaurant des Sénateurs ». Dans un petit salon beige, feutré et intimiste, une quinzaine d’invités-es assistaient à un moment chaleureux et militant. Ian Brossat, sénateur PCF de Paris, a remis la médaille du Sénat à Christophe Martet, figure incontournable du militantisme et du journalisme LGBT+ et VIH. Remaides y était.

    « Tu as raconté nos vies, nos colères, nos espoirs »
    « Cette médaille, c’est d’abord une reconnaissance de ton parcours, de ton engagement, de ta contribution inestimable à la lutte contre le VIH/sida et à la défense des droits des personnes LGBT. C’est aussi un hommage rendu à une visibilité de vies longtemps maintenues dans l’ombre. » a déclaré Ian Brossat, en s’adressant à Christophe Martet. Le sénateur PCF a retracé le parcours du journaliste et militant, avec admiration. Dans les années 1980, alors que le silence tuait et que la peur faisait office de politique publique, Christophe Martet a choisi de parler, de s'engager. Il rejoint Act Up à New York, puis Act Up à Paris, qu’il présidera entre 1994 et 1996. « Tout au long de ta vie militante, tu as fait partie de ceux qui ne baissent jamais les bras, qui refusent l’injustice et transforment l’indignation en action. » Ian Brossat a rappelé comment, grâce à l’action collective, la lutte contre le sida est devenue un enjeu public, politique, et comment Christophe Martet a su porter cette conviction : « Face au silence et au mépris, il fallait des voix, des visages, des actes : les tiens ont compté immensément. »
     

    ANNE SOUYRIS

    La sénatrice écologiste de Paris, Anne Souyris, le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat,
    Christophe Martet et son mari Solomon dans les salons du Sénat, le 24 juin 2025.
    Photo : Xavier Héraud

     

    Journaliste, militant, fondateur de médias communautaires comme Yagg, Christophe Martet a poursuivi le combat sur le terrain de l’information, en donnant la parole à celles et ceux que les grands médias continuaient d’ignorer. « Tu as raconté nos vies, nos colères, nos espoirs… et je devrais le dire au présent. Car, malgré ta retraite, tu continues, peut-être même plus qu’avant. » En effet, depuis 2023, Christophe préside Vers Paris Sans Sida où il incarne cette ambition d’une capitale sans nouvelles infections VIH à l’horizon 2030. Le sénateur de Paris a salué son engagement de terrain, sa proximité avec les associations, les professionnels-les de santé, son écoute constante.
    « On vit une période rude : les attaques contre les droits des personnes trans se multiplient aux États-Unis, et des propos tout aussi indignes émergent ici. C’est d’autant plus symbolique de te remettre cette médaille au Sénat. » Ian Brossat a conclu son discours en évoquant un souvenir personnel : « Je suis heureux de le faire devant vous deux [Christophe Martet et son mari Solomon, ndlr], car j’ai eu l’honneur de célébrer votre mariage, la veille du mien. Cela me touche profondément. Cette médaille est une reconnaissance méritée. Bravo, Christophe. »

    « Cultivons la joie et l’enthousiasme, malgré tout »
    Visiblement ému, Christophe Martet a remercié individuellement chaque personne présente dans la salle à commencer par sa sœur Marie et son mari Solomon. Il a confié, avec humour et lucidité, qu’en 1991, son regard sur le Sénat était radicalement différent : « À l’époque, je disais que ça ne servait à rien, que ça coûtait un milliard de francs et qu’on ferait mieux d’utiliser cet argent pour autre chose. ». Le militant qui vit avec le VIH depuis plus de 40 ans, a rappelé combien son parcours doit à des figures aujourd’hui disparues. D’abord sa mère, « une femme admirable », puis son père, ses amis « beaucoup disparus du sida, avec un chagrin toujours vif ». Il évoque aussi Jean Le Bitoux, fondateur du journal Gai Pied, qui l’avait encouragé à écrire un reportage sur Act Up New York, ou Cleews Vellay, qui lui a confié la présidence d’Act Up-Paris en 1994, peu de temps avant de mourir des suites du sida.  « Je le dis souvent : on n’accomplit rien tout seul. Ce que j’ai pu faire, c’est grâce à vous, ici présents ou absents. » Pour conclure, Christophe Martet a cité l’écrivain et philosophe Guillaume Le Blanc : « Contre la lâcheté et l’indifférence, ayons le courage de la vie à plusieurs. Le collectif rend les épreuves plus supportables, il crée de nouvelles allures de vie. Même minuscules, les micro-actions et micro-célébrations partagées ont l’immense pouvoir de créer de la joie. » Et le militant d’ajouter : « Cultivons la joie et l’enthousiasme, malgré tout, dans ce monde parfois effrayant. Soyez heureux. Restez comme vous êtes. Continuons de nous battre pour partager un peu de joie. »

     

    FRED

    Christophe Martet et Fred Lebreton (Remaides) en interview au Sénat, le 24 juin 2025.
    Photo : Xavier Héraud

    « C’est avant tout la reconnaissance d’un combat collectif »
    Interrogé par Remaides à la suite de cette remise de médaille, Christophe Martet garde la tête froide : « On ne va pas se mentir, ça fait toujours plaisir de recevoir une médaille ! Mais pour moi, c’est avant tout la reconnaissance d’un combat collectif. ». Le président de Paris sans sida insiste : ce qu’il célèbre avec cette distinction, c’est surtout l’engagement partagé par beaucoup d’autres. Il salue Ian Brossat comme un « sénateur engagé » qui a su porter les luttes LGBT, notamment en faisant son coming out sur Yagg. » Christophe Martet évoque un moment fondateur : son tout premier reportage sur Act Up-Paris en 1991, portait sur une manifestation… devant le Sénat. « À l’époque, le Sénat voulait criminaliser la transmission du VIH, voire réintroduire un délit d’homosexualité. C’étaient des mesures extrêmement discriminatoires. » Quelques jours après cette action, il rejoignait Act Up-Paris en tant que militant. Et son regard sur le Sénat était clair : « Je me disais : à quoi ça sert ? Il n’y avait que des gens conservateurs, réactionnaires. » Aujourd’hui, les choses évoluent, lentement. « Ce n’est pas encore une chambre progressiste, mais on peut y mener des combats. Des élus-es comme Ian Brossat, Anne Souyris, Hussein Bourgi ou Rémi Ferraud y participent aujourd’hui. »

     

    martet

    Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat,
    Christophe Martet et son mari Solomon dans les salons du Sénat, le 24 juin 2025.
    Photo : Xavier Héraud