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    L’actu vue par REMAIDES : Rémission du VIH : de nouvelles pistes de recherche

    • Actualité
    • 10.09.2024

     

    Romuald Portrait

    © Nina Zaghian

    Par Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie
     

    Rémission du VIH : de nouvelles pistes de recherche

    Deux informations principales font l’actu, ces dernières semaines, dans le champ du VIH. Il y a d’abord la présentation dans la revue scientifique Nature Medicine du cas de Romuald, connu sous le surnom du « patient de Genève ». Romuald, suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par la Pre Alexandra Calmy, est le seul à avoir connu une rémission du VIH suite à une greffe de moelle osseuse non porteuse de la mutation CCR5 delta 32. L’autre info concerne la découverte d’un rajeunissement des lymphocytes T CD8+ après 20 ans de traitement de l’infection par le VIH. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu VIH
     

    Rémission du VIH : de nouvelles pistes de recherche à la suite du cas de Romuald

    Le cas de Romuald, connu sous le surnom du « patient de Genève », est présenté dans la revue scientifique Nature Medicine, rapporte l’Institut Pasteur. « Dans le monde, un total de sept personnes (deux patients de Berlin, un de Londres, un de Düsseldorf, un de New York, un de City of Hope et un de Genève) sont considérées comme probablement « guéries » ou en rémission durable de l’infection par le VIH après avoir reçu une greffe de moelle pour le traitement d’un cancer du sang. Romuald, le « patient de Genève », suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), est le seul à avoir connu une telle rémission du VIH suite à une greffe de moelle osseuse non porteuse de la mutation CCR5 delta 32. Cette mutation génétique rare est connue pour rendre les cellules CD4 naturellement résistantes au VIH », précise l’Institut.
    Le cas publié dans Nature Medicine a été caractérisé dans le cadre d’une étude coordonnée par la Pre Alexandra Calmy, infectiologue, responsable de l’Unité VIH du service des maladies infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et vice-doyenne de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE) et le Pr Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur (Paris), en collaboration avec l’Institut Cochin et le consortium IciStem. Contrairement aux cas précédents, où la présence de la mutation CCR5 delta 32 semblait avoir joué un rôle décisif dans l’issue concernant le VIH, l’étude publiée aujourd’hui démontre que les cellules de l’organisme de Romuald restent susceptibles à l’infection par le VIH. Malgré cela, le virus reste indétectable, près de trois ans après l’interruption du traitement antirétroviral.

    Dans une interview accordée à Remaides en mars dernier, Romuald témoignait de ce qu’a représenté, pour lui cette greffe de cellules souches : « Il faut comprendre que le traitement d'une leucémie n’est pas anodin. Je suis passé par une chimiothérapie et une radiothérapie intenses, qui avaient pour but de détruire toutes les cellules atteintes par la leucémie. C'est un traitement qui est très, très, très lourd (…). Je me suis retrouvé trois mois en chambre stérile dans un endroit que je ne connaissais pas, en plus avec mon handicap. J’ai eu un décollement de la rétine en 1993, sans lien avec le VIH, et depuis je ne vois quasiment plus. Quand on est voyant, on est plus autonome, mais moi, je me suis retrouvé dans cette chambre, tout seul, comme dans une bulle ».

    L’article, qui parait dans Nature Medicine, détaille les hypothèses, sur lesquelles travaillent les équipes de l’UNIGE, des HUG et de l’Institut Pasteur, pour tenter d’expliquer la rémission chez ce patient exceptionnel. La présence de cellules de l’immunité innée à fort potentiel anti-VIH pourrait contrer l’éventuel rebond du virus à partir des quelques cellules infectées qui pourraient rester dans l’organisme. D’autre part, le traitement immunomodulateur que reçoit Romuald pour contrôler les réactions entre le greffon et son hôte, expérimentées à répétition depuis la greffe, pourrait contribuer à éviter la réactivation virale. Finalement, ces réactions dites « greffon contre hôte » pourraient avoir mené à une élimination tellement efficace du réservoir viral que la mutation CCR5 delta 32 n’est plus nécessaire car plus aucun virus capable de se multiplier ne resterait dans l’organisme. Ces hypothèses ouvrent d’importantes pistes de recherche visant la rémission de l’infection par le VIH.

    Même si ce traitement lourd et coûteux n’est pas transposable aux 40 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde, il donne des pistes de recherche comme l’expliquait Romuald : « C'est là où il y a de l'espoir. Je pense que l’Institut Pasteur et tous les chercheurs à travers le monde sont justement en train d'étudier ces cas de rémissions, dont le mien. Tous ces facteurs sont liés. Il y a la greffe de moelle osseuse, la chimiothérapie, la radiothérapie, le fait que ma charge virale était indétectable pendant des années, etc. La clé de ma rémission est imbriquée avec ces facteurs ».

    Découverte d'un rajeunissement des lymphocytes T CD8+ après 20 ans de traitement de l'infection par le VIH

    L’objectif de l’élimination du VIH chez les personnes vivant avec le virus est d’atteindre une « guérison durable et sans traitement », rappelle une récente communication de l’Inserm. L’une des stratégies pour éradiquer le virus consiste à stimuler les réponses immunitaires, notamment celles dues à l’action des lymphocytes cytotoxiques CD8+. Une étude soutenue par l’ANRS ǀ MIE et menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux, du CNRS (ImmunoConcEpT), a examiné l’évolution des lymphocytes T CD8+ après plusieurs décennies de traitement anti-VIH. Contrairement à ce que les scientifiques attendaient, les résultats montrent qu’il y a un renouvellement des cellules T CD8+, suggérant une capacité du système immunitaire à générer de nouvelles réponses. Les résultats de ces travaux viennent de paraître dans la revue Nature Immunology, indique la communication de l’Inserm. Les lymphocytes T CD8+ sont des cellules essentielles au contrôle immunitaire efficace des virus ou des cancers. Dans le cas du VIH, le devenir de ces cellules des décennies après l’induction de la réponse immunitaire initiale contre le virus est néanmoins peu connu. L’équipe de Victor Appay, directeur de recherche à l’Inserm, s’est donc interrogée sur l’état des lymphocytes CD8+ après des années d’infection contrôlée par les traitements antirétroviraux. Cette étude a été réalisée à partir d’une cohorte unique de personnes vivant avec le VIH-1, qui avaient toutes fait don d’échantillons historiques remontant au début de l’épidémie au début des années 1990 (cohorte IMMUNOCO). Le suivi clinique moyen des patients-es était de 27 ans et se distingue donc par sa durée exceptionnelle. De plus, le vieillissement des patients-es, dont l’âge a augmenté au cours de ce suivi à long terme, représente une variable supplémentaire à considérer, du fait de l’affaiblissement des défenses immunitaires avec l’âge. Au total, sur les 152 patients-es de la cohorte, 28 patients-es ont pu être retrouvés-es pour cette nouvelle étude et des échantillons ont été prélevés chez 20 d’entre eux-elles. À l’inverse de ce qui était attendu, les résultats montrent que, chez les onze patients-es où des cellules T CD8+ spécifiques au VIH ont été détectées, ces cellules présentaient des caractéristiques de rajeunissement. Ce phénomène est dû à l’émergence de nouvelles cellules, plus jeunes et fonctionnelles, au sein du compartiment des lymphocytes T CD8+ spécifique du VIH, explique l’Inserm. Ces nouvelles cellules prennent le pas sur les anciennes dans le cadre d’une reconstitution immunitaire obtenue grâce au traitement antirétroviral à long terme. Cette découverte représente une « contribution fondamentale à la connaissance de l’immunité des cellules T spécifiques du virus, 40 ans après la découverte initiale du VIH-1 ». La prochaine étape consiste à étudier in vitro, puis dans des modèles pré-cliniques et cliniques, comment obtenir des réponses efficaces en stimulant ces nouvelles cellules T CD8+ au potentiel fonctionnel renouvelé. « Ces résultats offrent un nouvel espoir pour le développement de stratégies de guérison du VIH-1 basées sur la réinduction de réponses fonctionnelles des lymphocytes T CD8+ après de longs traitements », souligne Victor Appay, co-responsable de l’équipe « Vulnérabilité et vieillissement du système immunitaire », Inserm U1303 au sein de l’unité ImmunoConcept, Université de Bordeaux.