FN, RN et lutte contre le VIH/sida : reconnais ton ennemi
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Le Front national et le VIH… c’est une vieille histoire. Ce n’est pas du passé, plutôt du passif. Les sorties sérophobes éructées des années 80 de Jean-Marie Le Pen, trouvent, aujourd’hui encore, de très pénibles prolongements dans le parti dirigé par sa fille Marine Le Pen, bien qu'il soit devenu "Rassemblement national" en 2018.
Depuis 35 ans, cette formation politique instrumentalise le VIH/sida pour faire passer ses messages. Elle a toujours considéré les personnes séropositives et les communautés les plus concernées par le VIH comme des cibles. Elle a préconisé l’isolement des malades et décliné les lettres du mot sida en slogans politiques nauséabonds. En France, aucun parti n’a été aussi loin dans la violence de sa communication. Nous nous sommes dit qu’il était utile de le rappeler en faisant l'historique du FN, une première fois, en 2017. En 2022, alors que Marine Le Pen accédait au second tour de l'élection présidentielle après 5 ans de politiques banalisant les idées de l'extrême droite sous Emmanuel Macron, nous avions dû, hélas, y rajouter de nombreux paragraphes.
Que s’est-il passé depuis ? Marine Le Pen a perdu l'élection, mais le RN est entré en force à l’Assemblée nationale lors des législatives de 2022 avec 89 élus-es et un mot d’ordre pour les députés-es d’extrême droite : PAS DE VAGUE. Conséquence de cette ligne de conduite, destinée à donner à la formation extrémiste un vernis de parti de gouvernement, on observe moins de propos ouvertement racistes et LGBTQIphobes en public et sur les réseaux sociaux par les soldats-es de Le Pen que par le passé. Il en demeure pas moins que parfois le vernis craque, comme nous le verrons ci-dessous.
1987 — 2017
1987 : « les sidaïques sont de véritables bombes virologiques »
La violence du discours Front national à l’encontre des personnes séropositives a commencé dès 1987. C’était il y a plus de trois décennies.
Le grand hebdomadaire LGBT de l’époque, Gai Pied, publie en avril 1987 une interview de François Bachelot, représentant de Jean-Marie Le Pen sur les questions de santé et député FN. Celui qui est aussi médecin cancérologue explique : « Les sidaïques sont de véritables bombes virologiques. On ne fera pas de progrès dans la lutte contre le sida sans isoler les patients ». C’est ce bon docteur Bachelot qui a soufflé le terme « sidatorium » à Jean-Marie Le Pen.
Quelques semaines auparavant, ce même François Bachelot prodiguait déjà ses conseils racistes et antisémites dans une interview à Libération (13 février 1987) : interrogé sur le VIH, il met en garde les Africains « à qui il va falloir expliquer qu’il ne peuvent pas tout faire de leur vie sexuelle ». Mise en garde aussi pour les « Israélites » des risques d’infection « du fait de la circoncision ».
1987 : « le sidaïque est une sorte de lépreux »
« Je vous rappelle qu’un sidaïque hospitalisé coûte entre 500 000 et un million de francs par an et que le nombre de ceux-ci double tous les huit mois (…) dans les conditions actuelles, il y a rupture très grave de l’équilibre de la Sécurité sociale », explique Jean-Marie Le Pen, de passage à l’émission politique L’Heure de Vérité, le 6 mai 1987. Et d’ajouter : « Le sidaïque est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une sorte de lépreux ». Suivant les conseils du docteur Bachelot, Jean-Marie Le Pen demande la création de « sidatoriums ».
1987 : quand Jean Marie Le Pen suggère à des députés de « s’injecter de la salive de sidaïque »
Le 2 juin 1987 à l'Assemblée Nationale Jean Marie Le Pen intervient : « Mme Barzach [alors secrétaire d’Etat à la Santé] ramasse les plumes et se les plante où je pense ». Et manifestement dans un très bon jour, le parlementaire d’extrême droite interpelle vivement deux de ses collègues députés François Doubin et André Rossinot, en les invitant à « s'injecter de la salive de sidaïque. Ça, ça prouverait au moins qu'ils sont courageux. À moins qu'ils ne se sentent déjà protégés par le fait qu'ils sont peut-être déjà malades ».
Concernant la genèse du mot "sidaïque", certains spécialistes en linguistique comme Maurice Tournier se sont penchés sur ce néologisme utilisé par Le Pen père et inventé en 1986 par le journaliste d’extrême droite Guillaume Faye. Ils font remarquer que l’un des seuls mots de la langue française utilisant une construction similaire est le mot "judaïque". Un néologisme légèrement teinté d’antisémitisme donc.
1990 : quand le FN traduit SIDA par « Socialisme Immigration Drogue Affairisme »
Les slogans indécents, les néologismes à double sens, c’est la marque de fabrique du FN, toutes périodes confondues. Ce slogan est dans lignée du « sida mental » inventé par Louis Pauwels en 1986 dans un éditorial du Figaro Magazine.
En mars 1990, Jean-Marie Le Pen déclare : « La voie du déclin où la France s'est engagée [...] peut se résumer dans une formule qui serait celle du SIDA politique, dont les initiales signifieraient : Socialisme, Immigration, Drogue et Affairisme ». Cette campagne, le député d’extrême droite la défend le 7 décembre 1990 à l'Assemblée Nationale. Il explique alors : « D'ardentes campagnes basées sur le signe SIDA vont être menées partout. Ce sigle veut dire : "S comme socialistes, gaspilleurs et destructeurs, I comme immigration tiers-mondiste, D comme délinquance, désordre, décadence, A comme affaires, car les scandales politico-financiers sont devenus le pain quotidien honteux du système ». L’affiche et son slogan suscitent une très forte polémique et finissent devant les tribunaux.
Le 23 mai 1991, la Cour d’appel de Lyon condamne l’utilisation de ce slogan, l’affiche est interdite. Et les juges d’expliquer : « L'utilisation du terme SIDA pour stigmatiser l'immigration, qui représenterait un danger aussi grave que la maladie, porte une atteinte intolérable à la dignité des malades, qui ont droit au respect et à la solidarité et également une atteinte intolérable à la dignité des populations immigrées ».
Afiiche sérophobe du Front National - photographie prise à l'exposition « VIH/sida, l'épidémie n'est pas finie ! » par Fred Colby
1990 : le « sida social » de Bruno Mégret
Ancien responsable du FN, longtemps numéro 2 du parti dont il n’est plus membre aujourd’hui, Bruno Mégret a toujours beaucoup écrit et passe pour un des théoriciens de l’extrême droite française. Dans un ouvrage intitulé "La Flamme", il parle de « sida social » pour dénoncer le « cosmopolitisme [qui est] une sorte de maladie de l'esprit qui conduit à rejeter son identité propre pour se considérer comme citoyen du monde et à regarder l'univers comme sa patrie ». Et Bruno Mégret d’expliquer : « Cette maladie, le cosmopolitisme, a des effets aussi pernicieux que dévastateurs. En instaurant un véritable culte de l'autre, en accueillant sans réserve comme un bienfait systématique tout ce qui vient de l'étranger, elle agit sur la nation à la façon du sida sur le corps humain : elle détruit les défenses immunitaires, celles qui justement permettent à l'organisme de se protéger des corps étrangers indésirables et nocifs ». Ambiance.
1993 : « 500 000 séropositifs » à cause du socialisme, première sortie sérophobe de Marine Le Pen
En mars 1993, à 24 ans, Marine Le Pen est candidate pour le Front national pour la première fois aux élections législatives, à Paris. Dans sa profession de foi, elle dénonce le bilan du PS, au pouvoir depuis 1998 : « 4,5 millions de chômeurs, 4 millions de délits et de crimes, 7 millions d'immigrés, 500 000 sans-abri » et... « 500 000 séropositifs ». 500 000 séropositifs ? Un chiffre sorti de nulle part : les estimations les plus hautes n’ont jamais dépassé 200 000 personnes en France. Les personnes vivant avec le VIH sont aujourd’hui environ 170 000 sur le territoire français.
1993 : le tract abject du Front National Jeunesse
En 1993, le FNJ sort un tract bien en phase avec les valeurs du parti. Son contenu ?
- « Ne pas intégrer le caractère obligatoire du dépistage dans le cadre d'un plan de lutte contre le sida revient à refuser de lutter efficacement contre la contamination » ;
- « Ne pas se prémunir contre l'importation du sida et de la tuberculose via les flux migratoires nord/sud relève de l'inconscience ou du suicide. A fortiori, lorsqu'il s'agit de femmes misérables qui, à l'instar des Ghanéennes venant chercher fortune en France, tombent dans la prostitution, autre milieu propice à la contraction de la maladie » ;
- « Il faut dès aujourd'hui inventer ou plutôt réinventer la prostitution propre et organisée » ;
- « Considérant que la prévention, au-delà du seul préservatif, doit intégrer un retour à une certaine moralité et à des pratiques sexuelles plus saines et conformes à la nature humaine, il convient en conséquence de lutter contre la permissivité » ;
- « Il faut exiger la séronégativité des étrangers souhaitant séjourner plus de trois mois sur le territoire national. L'obtention d'un visa sera désormais lié à un examen médical préalable ».
1997 : à Toulon, AIDES jugée indésirable par le FN
La ville de Toulon, remportée par le FN aux élections municipales de 1995, supprime toute subvention à l'association AIDES. « La municipalité de Toulon [a] décidé de ne plus subventionner AIDES car elle considère que l'argent des contribuables ne doit pas servir à financer le prosélytisme homosexuel et les prises de position politiciennes de cette association », explique alors Jean-Marie Le Chevalier, maire de Toulon de 1995 à 2001.
2007 : préservatifs, ça capote pour Le Pen père !
En avril 2007, Jean-Marie Le Pen est, une fois encore, candidat à l'élection présidentielle. Le 5 avril, il s'est opposé à la distribution de préservatifs dans les lycées. Fidèle au comique troupier, il conseille à « ceux que ça travaille » de recourir au « manu militari », sous-entendu à la masturbation. À la même période, le candidat d’extrême droite est interrogé, lors d’un débat organisé à Sciences-Po Paris par le magazine Elle sur le thème : « Ce que veulent les femmes ». On lui pose une question sur la distribution gratuite de préservatifs dans les établissements scolaires. Il réitère : « Pour ceux que ça travaille, je conseille le manu militari, ce sont des méthodes plus simples ».
2012 : dépistage obligatoire : le FN est pour
Le Front national défend depuis assez longtemps le dépistage obligatoire du VIH. On en trouve, par exemple, mention dans son programme en 2012 : « Décréter un dépistage obligatoire dans les cas suivants : pour le personnel soignant, lors de l’examen prénuptial et pour les victimes de viols. » On parle bien ici de dépistage obligatoire et pas de proposition de dépistage comme cela se fait aujourd’hui sans aucun problème et dans le respect du choix des personnes. Mais en matière de santé aussi, l’extrême droite aime beaucoup la contrainte.
2015, David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen : VIH pour… « Virus Intellectuellement Handicapant »
Actuel directeur de la campagne présidentielle de Marine Le Pen, sénateur du Var, maire de Fréjus, David Rachline et sa conseillère Sonia Lauvard attaquent en août 2015 le mouvement des Jeunes Républicains, dont les militants font une tournée des plages et distribuent notamment des préservatifs. Tous deux expliquent : « Les Républicains souhaitent peut être, avec ces préservatifs, protéger les touristes contre les idées néfastes de leur parti, à moins que ce ne soit pour les protéger du syndrome du VIH (Virus Intellectuellement Handicapant), qui frappe ce mouvement depuis bien trop longtemps ». Un élégant combo de sérophobie, de validisme et de psychophobie !
2015 : le FN trouve normal qu’on laisse les usagers-ères de drogues se contaminer
Pas de surprise, le FN s’oppose à toute politique de réduction des risques. En matière d’usage de drogues, c’est donc le conservatisme le plus étriqué et l’absence de vision de santé publique qui prévalent. C’est notamment le cas à propos des programmes d’échanges de seringues. Le 2 octobre 2015, on délibère à l’Assemblée départementale du Vaucluse. Au moment d’accorder, par vote, les autorisations au président du Conseil départemental pour verser des subventions à des associations dont AIDES, des élu-e-s d’extrême droite se déchaînent : « On ne comprend pas que cette association [AIDES] fournisse des seringues pour que les toxicomanes s'enfoncent davantage dans la drogue ».
Pour rappel, la mise à disposition de seringues stériles à la fin des années 80 a permis de faire chuter de façon spectaculaire les contaminations au VIH parmi les usagers-ères de drogues : ces derniers-ères représentaient 30 % des contaminations en 1987, contre moins de 2 % aujourd’hui.
2015 : pour Kelly Betesh, candidate FN aux élections régionales, le sida n’existe pas
Négationniste un jour, négationniste toujours. Kelly Betesh est modèle pour les affiches du parti et candidate comme conseillère régionale en 2015. La jeune femme est dixième sur la liste parisienne du FN pour les élections régionales en Ile-de-France. Elle commence alors à gagner en notoriété… à son corps défendant. Elle voit sur I-Télé un reportage qui évoque le nombre de femmes vivant avec le VIH en France et se lâche sur Twitter. Elle y explique que « le sida n’existe pas » et que c’est « l’arnaque du siècle ». Évidemment, ces propos suscitent un tollé et la jeune responsable de la section FN des V et VIèmes arrondissements de Paris fait son mea culpa. Détail cocasse : au moment où elle faisait ces déclarations, Kelly Betesh préparait le concours de médecine !
2016 : la campagne de prévention de Santé Publique France attaquée
La sortie en 2016 de la campagne de prévention de Santé Publique France mettant en scène des couples gays révèle des dissonances au sein du FN. En fait, tout le monde au FN est contre… sauf Florian Philippot qui défend une campagne qui décrit des « situations réelles » et estime même que « cette campagne est efficace » (France Info, novembre 2016). Le vice-président du FN Louis Aliot et Nicolas Bay, secrétaire général du parti, parlent de « propagande communautariste » et « d’indécence ». Président du groupe FN au conseil régional des Pays de la Loire, Pascal Gannat dénonce « une provocation libérale libertaire, communautariste LGBT et immigrationniste ». Interrogée sur les maires qui ont interdit cette campagne, la députée Marion Maréchal-Le Pen explique : « Je pense que ces maires ont eu raison, ça ne tient pas tellement à la question de l’homosexualité, mais surtout à la façon dont sont présentés les comportements sexuels, et que ces affiches sont à la vue de tous, notamment […] à la sortie d’un certain nombre d’écoles ».
Robert Ménard, maire de Béziers, rattaché au mouvement Bleu Marine (d’extrême droite donc) fait partie des maires qui ont censuré la campagne de Santé publique France. Il est même allé plus loin en détournant le slogan officiel de la campagne pour un message qui prône la fidélité.
Parlementaire européen, Bruno Gollnish se montre très prolixe à propos de la campagne de Santé Publique France. Le 24 novembre 2016, il explique sur son blog : « Campagne de prévention contre le sida : une aggravation du risque légitimée ». Le 7 décembre 2016, il est interviewé par Samuel Régnard sur Fréquence ESJ. Le journaliste lui parle du film d’animation Sausage Party et de la campagne. Le député d’extrême droite explique : « Toutes ces affiches que l’on voit dans les rues prennent acte de la promiscuité sexuelle, alors qu’on sait tous que, outre le préservatif, la meilleure façon de se préserver du sida, c’est la fidélité et la continence ! ». Et Bruno Gollnisch de trancher : « Le vagabondage sexuel est une des causes du sida ».
Parfois, on réagit vite, trop et mal ! C’est le cas de Marie-Pierre Amilhau, élue FN et conseillère municipale à Troyes. L’élue découvre sur Internet une prétendue affiche de la campagne de Santé Publique France. Problème, elle prend pour argent comptant un photomontage avec une image pornographique, la mention « Sodomie Fellation Bondage » et le slogan officiel. Manifestement très contente d’avoir levé ce lièvre et outrée que le gouvernement socialiste ait décidé de lancer une telle campagne, elle dénonce sur Twitter cette campagne… qui n’est qu’un fake. Gros embarras, réactions en chaîne. L’élue FN est contrainte de fermer son compte Twitter après ce sérieux dérapage.
2016 : les migrants-es, cause de tous les maux...
Ce n’est une découverte pour personne, mais le FN entretient depuis sa création un discours xénophobe qui cible évidemment de façon obsessionnelle les personnes migrantes… y compris en matière de santé. Un exemple ? Au Parlement européen, en 2016, la députée d’extrême droite Mireille d’Ornano, une des fidèles de Jean-Marie Le Pen, interpelle la Commission européenne et dénonce dans une de ses interventions en séance « l’influence des flux migratoires sur le VIH ».
2017 : une nouvelle charge contre l’AME… et les étrangers-ères
Avec une constance qui tient de l’obsession. Le Front national s’est toujours opposé à l’Aide médicale d’État (AME) dont il prétend qu’elle serait « l’une des pompes aspirantes de l’immigration illégale à 1 milliard d’euros ! ». Un argument d’ailleurs répété régulièrement et conservé dans la matrice politique du mouvement lorsque le parti d’extrême droite change de nom en 2018 pour devenir le Rassemblement national (RN). En septembre 2021, Marine Le Pen explique sur Twitter : « L’AME est un puits sans fond qu’il faut supprimer d’urgence. Le poids financier de cette prise en charge réservée aux clandestins est mirobolant pour un pays dont le système hospitalier est déjà mal en point ». Dans son programme 2022 sur le volet Santé, le mouvement d’extrême droite propose de « transformer » l’AME actuelle en « un dispositif qui prenne en charge pour les adultes les seuls soins urgents, comme dans tous les pays de l’Union européenne ». Le groupe de réflexion Terra Nova, classé à gauche, avait estimé dans un avis rendu public que supprimer l'Aide médicale d'État permettrait de faire peu d'économies (en 2017, elles représentaient 0,4 % de l'ensemble des dépenses de santé en France) et pourrait « nuire à la santé des Français ». De façon générale, le projet du RN concernant les personnes étrangères est de permettre une « discrimination légale ». Marine Le Pen souhaite, en dépit des engagements internationaux de la France, restreindre de 75 % les arrivées liées à la vie familiale et au droit d’asile, rappelait récemment Le Monde. Le parti d’extrême droite prévoit dans une éventuelle réforme constitutionnelle d’exclure toute politique qui entraînerait « l’installation d’un nombre d’étrangers sur le territoire national de nature à modifier la composition et l’identité du peuple français ».
2018 — 2021
2018 : une homophobie salement... salée
Le politicien d’extrême droite Jean-Marie Le Pen est condamné le 28 novembre 2018 à Paris pour des propos polémiques visant les homosexuels, et parmi eux le policier tué dans l'attentat des Champs-Élysées en 2017. À 90 ans, l'eurodéputé a été condamné pour avoir fait le lien entre « pédophilie » et homosexualité, et pour avoir affirmé que « les homosexuels, c'est comme le sel dans la soupe : s'il n'y en a pas assez c'est un peu fade, s'il y en a trop, c'est imbuvable ». Il avait également critiqué l'intervention du compagnon de Xavier Jugelé, policier assassiné sur les Champs-Élysées, lors de ses obsèques. Le tribunal correctionnel a estimé que ces trois séries de propos constituaient une injure publique contre les homosexuels, mais aussi, pour la formule « sel dans la soupe », une provocation à la haine ou à la violence. Bien sûr, on peut avancer que les saillies homophobes du père (qui sont nombreuses) ne sont pas le registre de sa fille, mais on verra qu’en matière de droits LGBT la position de la cheffe de file du RN (voir en 2021) reste dans la lignée de l’héritage familial. Par ailleurs, nombreux-ses sont les élus-es qui se trouvent « sanctionnés-es » par le parti à la suite de propos racistes, antisémites, voire homophobes.
2019 : l’amalgame homonationaliste comme outil de propagande
La technique de l’amalgame ne concerne pas uniquement le parallélisme entre « pédophilie » et « homosexualité » ; une des grandes spécialités des régimes illibéraux (Hongrie, Pologne…) qui avancent une prétendue protection de l’enfance pour empêcher toute évolution favorable des droits des minorités, notamment sexuelles et de genre. Cette technique de l’amalgame sert parfois d’autres desseins. On en trouve un exemple en février 2019 lorsque Julien Odoul, président du groupe RN au Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté et membre du Bureau national du mouvement, publie un étonnant communiqué où il explique que « la lutte contre l’islamisme homophobe doit devenir une grande cause nationale ». Le mouvement prend prétexte d’un reportage de l’émission Envoyé Spécial qui traite, entre autres, de l’homophobie en banlieue, pour expliquer que les « agressions contre les homosexuels ont explosé » et que « dans l’immense majorité des cas, ces attaques sont liées à l’immigration, au développement du communautarisme et de l’islamisme dans les banlieues ». Et Julien Odoul d’oser ce parallèle : « Dans ces territoires où la République a été chassée et remplacée par l’islamisme, les homosexuels comme les juifs sont pris pour cible et condamnés à vivre cachés ou à déménager ». Évidemment, aucun chiffre ne vient étayer ce qui est une nouvelle charge homonationaliste contre un prétendu « islamisme homophobe ».
2019 : les migrants-es, « c’est comme les éoliennes »
Invitée de l’émission Le Grand Jury, dimanche 14 avril 2019, Marine Le Pen se fend d’une comparaison toxique sur les migrants-es. Interrogée sur l’immigration, thème central de sa campagne pour les élections européennes, la présidente du Rassemblement national tient à défendre la ligne de son allié d’alors Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien et figure de l’extrême droite : « Mateo Salvini ne veut plus d’immigration (…) Les migrants, c’est comme les éoliennes, tout le monde est d’accord pour qu’il y en ait, mais personne ne veut que ce soit à côté de chez lui ! », ose-t-elle lancer. Cette culture de l’insulte est prégnante à l’extrême droite. Elle pollue désormais depuis des décennies le discours politique et pas seulement celui de l’extrême droite.
2021 : pas de critique des lois anti-LGBT
Invitée de la matinale de France Inter, mercredi 23 juin, Marine Le Pen refuse de condamner la loi anti-LGBT récemment votée à Budapest à l’initiative du gouvernement de Viktor Orban. Ce texte a été adopté au prétexte d'interdire la « promotion de l'homosexualité » auprès des mineurs-es. La présidente du RN reprend d’ailleurs, mot pour mot, la rhétorique d’Orban, déclarant : « Je pense qu’il ne faut faire la promotion d’aucune sexualité auprès des mineurs ». « Je suis tout à fait opposée à quelque discrimination que ce soit », tente d’ailleurs de rassurer Marine Le Pen, tout en répétant : « Laissons les mineurs tranquilles ».
2021 : une « dédiabolisation », vraiment ?
Le journal Sud-Ouest explique que le mouvement d’extrême droite a dû retirer l’investiture, après le dépôt des listes, à plusieurs-es candidats-es aux élections régionales ou départementales, qui avaient tenu des propos racistes ou antisémites, ou qui avaient été condamnés pénalement. C’est désormais presque le cas à chacune des élections. Certes, le parti réagit (il n’a d’ailleurs plus le choix), mais cela reste une spécificité : c’est la seule formation politique où ces « dérives » atteignent une telle ampleur. Par ailleurs, le parti fait parfois preuve d’une réelle mansuétude pour ces fautes. En juillet 2021, on apprend ainsi qu’un élu suspendu pour six mois de ses délégations à la suite d’un commentaire raciste en dessous d’une publicité pour la sécurité routière — « Un couple mixte, un noir et une blanche qui font l’amour, trop c’est trop », avait-il écrit, avant de supprimer son message — a été nommé adjoint au maire RN de Fréjus, David Rachline.
2022 — 2024
2022-2024 : moins de propos homophobes, mais des votes qui en disent long
Notre chronologie de la haine s’était arrêtée pendant la campagne des présidentielles de 2022. Que s’est-il passé depuis ? Marine Le Pen s’est retrouvée, une seconde fois, au second tour face à Emmanuel Macron. Elle a perdu, mais le RN est entré en force à l’Assemblée nationale lors des législatives de 2022 avec 89 élus-es et un mot d’ordre pour les députés-es d’extrême droite : PAS DE VAGUE.
Conséquence de cette ligne de conduite, destinée à donner à la formation extrémiste un vernis de parti de gouvernement, on observe moins de propos ouvertement racistes et LGBTphobes en public et sur les réseaux sociaux par les soldats-es de Le Pen que par le passé.
Il en demeure pas moins que parfois le vernis craque, à l’instar de la sortie raciste de l’ex-député (RN) Grégoire de Fournas (« Qu’il retourne en Afrique ! ») à l’encontre de son collègue de la France Insoumise Carlos Martens Bilongo. L’élu d’extrême droite a d’ailleurs été sanctionné par l’Assemblée nationale avec une exclusion de 15 jours.
La cheffe du parti d’extrême droite se veut présidentiable. Mais que se passe-t-il dans les faits ? Quelques exemples parlants : Marine Le Pen soutient en 2021 la loi de Viktor Orban en Hongrie qui interdit toute représentation des LGBT+. Elle affirme être « contre tout prosélytisme sexuel à l'égard des enfants », rappelle le compte « Le Coin des LGBT+ » sur X (ex Twitter) dans un long thread très documenté.
Le compte rappelle que le Rassemblement national vote systématiquement contre les LGBT+ au niveau local, national ou européen.
À titre d’exemple, à Nice, en 2022, les conseillers municipaux RN ont voté contre les subventions aux associations LGBT+.
Au niveau européen, après l’assassinat de deux jeunes hommes par un militant d’extrême droite devant un bar gay à Bratislava, en Slovaquie, le 13 octobre 2022, le Parlement européen adopte une résolution dénonçant ce crime de haine et appelant à davantage de sécurité pour les personnes LGBTQI+. Les douze eurodéputés-es du RN présent-es à cette séance votent contre, comme le rappelle Têtu. Plus récemment, le 18 avril 2023, le RN s’abstient de voter pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité. Enfin, le 14 décembre 2023, le RN vote contre la résolution visant à reconnaitre « la filiation dans l’ensemble de l’UE des enfants de couples homoparentaux ».
Transphobie crasse !
Depuis 2022, l’extrême droite française au sens large et notamment le RN participent à un mouvement mondial de « panique morale » autour des personnes trans et la soi-disant « théorie du genre » (terme issu de la droite conservatrice) qui est largement dénoncée par les médias réactionnaires et d’extrême droite.
Le RN a ainsi déposé une « Proposition de loi n°2504 visant à protéger les mineurs contre certaines pratiques médicales et chirurgicales en matière de « transition de genre » le 11 avril 2024. L’exposé des motifs démarre ainsi : « La mode sociétale du wokisme déferle sur la France, après avoir essaimé aux États-Unis, en Angleterre et dans les pays nordiques depuis quinze ans. Elle touche tous les domaines de la vie quotidienne, allant dans le sens d’une déconstruction voire d’un déni de l’acquis des connaissances. Cela interroge la société en général et le monde médical en particulier, dans le domaine de la santé somatique comme dans celui la santé mentale, et de facto notre arsenal juridique d’encadrement des bonnes pratiques médicales (…) C’est donc, dans une démarche anticipatrice dans l’arsenal juridique français, pour ne pas voir dans notre pays les dérives et les drames déjà décrits à l’étranger (mutilations dès le jeune âge, impasses de la déassignation…), que se place cette proposition de loi ».
En juillet 2023, c’est au tour du député d’extrême droite Julien Odoul (RN, Yonne) de lancer une nouvelle initiative transphobe. Le Rassemblement national veut interdire certaines compétitions sportives aux athlètes transgenres. Dans cet objectif, une proposition de loi pour « faire concourir les sportifs dans la catégorie correspondant à leur sexe figurant sur leur acte de naissance » a été déposée. Le député dénonce une supposée « dérive » transgenre dans le sport féminin. Lors d’une présentation du texte à la presse, Julien Odoul a expliqué que le texte visait à « préserver le sport féminin » face à une pratique qu'il assimile à « une forme de dopage légalisé », du fait que des sportives transgenres « remportent des compétitions du fait de leur avantage physiologique ». « C'est un vrai danger pour le sport féminin, qui vise tout simplement à remplacer des sportives par des sportifs », croit savoir l'élu d'extrême droite. Persuadé que sa proposition de loi était « consensuelle », le député d’extrême droite espérait convaincre tous-tes les députés-es « attachés à l'égalité des chances » (sans rire !) de rallier sa cause ; cause perdue à ce stade.
De son côté, le programme de Reconquête pour les européennes 2024 affirmait vouloir voter « contre l’idéologie LGBT ». Les membres du parti d’Éric Zemmour multiplient les déclarations transphobes, à commencer par Marion Maréchal. Exemple le plus récent, dans un message publié sur X le 26 mai dernier, la tête de liste Reconquête aux élections européennes, désormais passée au RN, s’en est pris à l'actrice trans Karla Sofía Gascón, primée au festival de Cannes : « C'est donc un homme qui reçoit à Cannes le prix d'interprétation... féminine. Le progrès pour la gauche, c'est l'effacement des femmes et des mères ». Dans les jours qui suivent, six associations de défense des droits des LGBT+ et l'actrice Karla Sofía Gascón, portent plainte en début de semaine pour injure transphobe et outrage sexiste. Quelques jours plus tard, l'intéressée réitère ses propos sur France Inter au micro de Sonia Devillers (à partir de 02:30) :
La même Marion Maréchal n’hésite pas à faire la promotion du livre « Transmania » de Marguerite Stern et Dora Moutot, ce pamphlet transphobe et homophobe qui cherche « à rendre compte des dérives de l'idéologie transgenre » d’après ses autrices. On a les soutiens qu’on mérite…
Toujours dans le registre transphobe, comment oublier (sans être exhaustif) cette question écrite (N°9320) adressée par la députée RN Laurence Robert-Dehault au ministère de l’Intérieur sur « l'incompatibilité des législations relatives à la parité électorale avec celles consacrant le droit à l'autodétermination des personnes transgenres », dont un des arguments tient dans cette phrase : « L'absence de critère objectif dans la détermination d'un syndrome de transsexualisme comporte le risque d'amener à des dérives susceptibles d'entraîner la caducité des lois électorales en matière de parité et, en conséquence, un net recul du droit des femmes ». Transphobe, un jour, transphobe toujours !
Haro contre le « wokisme »
Le « wokisme » est devenu la marotte du RN en avril 2023. Le parti d’extrême droite décide alors de lancer une association parlementaire, ouverte aux députés-es, sénateurs-rices, et eurodéputés-es, pour ferrailler, tous azimuts, contre l'écriture inclusive, la prétendue « propagande LGBT » à l'école, ou la « menace transgenre » pour le sport féminin. C’est une sorte de boîte à idées fielleuse contre les droits des minorités ; des idées destinées à des initiatives législatives. À la manœuvre, le député RN (Loir-et-Cher) Roger Chudeau et l’eurodéputé RN Philippe Olivier, un des plus proches conseillers de Marine Le Pen.
Roger Chudeau fait du « wokisme » un « danger pour la civilisation » qui « va fragmenter la société » en considérant « toutes les minorités les plus improbables comme des victimes systémiques de l'oppression des mâles blancs : les femmes, les LGBT, les musulmans, les obèses, le handicapés, les animaux », rapporte France Inter (12 avril 2023).
Ce combat « contre le poison du wokisme », selon la formule de cette association, prend également la forme d’une attaque en règle contre l’écriture inclusive. L’extrême droite n’aime pas l’écriture inclusive, mais alors pas du tout. On a en un exemple édifiant avec le sénateur RN de Seine-et-Marne, Aymeric Durox. Dans une intervention (30 octobre 2023), il explique ainsi : « Ne nous y trompons pas, les fondements de l’écriture inclusive ne relèvent pas (…) d’une entreprise de modernisation, d’évolution, d’adaptation de la langue française aux temps actuels. Ils sont une démarche idéologique, une entreprise politique, concertée et méthodique, de déconstruction de la langue française. Cette entreprise repose sur un confusionnisme linguistique, fondé sur la croyance naïve que le langage doit refléter ce qu’il désigne, sur une vision dévoyée de l’égalité entre les hommes et les femmes, sur un communautarisme rampant ou clairement proclamé qui ramène chacun à sa communauté d’appartenance au lieu de viser le sentiment d’appartenance à une humanité commune. En ce sens, l’écriture prétendument inclusive est un défi aux universaux de la République française ».
Car au RN, tout se tient. Et le droit à l’émancipation, à l’autodétermination, à l’égalité des droits revendiqués par les minorités (dans quelque domaine que ce soit) sont systématiquement contrecarrés.
Sans états d’AME !
« Il arrive qu’un clandestin soit mieux traité qu’un Français, qui lui, cotise, et n’est pas remboursé intégralement des frais qui sont nécessaires pour se soigner. Je supprime l’AME et je crée une aide vitale d’urgence. Il y a aujourd’hui des visas pour « soins », 26 000 étrangers sont venus se faire soigner sur notre système de santé, on marche sur la tête : c’est profondément injuste à l’égard d’un tiers des Français qui n’arrive pas à se soigner », expliquait Marine Le Pen, lors d’une interview avec Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV-RMC, le 12 janvier 2022.
La cheffe de l’extrême droite française prétend que cette mesure pourrait donner lieu à 1,5 milliards d’économies. On ne sait pas d’où sort ce chiffre. L’extrême droite fait de cette suppression un thème récurrent de campagne. Elle a même lancé une pétition sur le sujet. Lors des débats sur la Loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », l’extrême droite est beaucoup intervenue pour exiger que cette mesure fasse partie du texte ; sans succès.
Haro contre les personnes étrangères
L’immigration est une obsession de l’extrême droite, hier comme aujourd’hui. Le RN l’utilise comme repoussoir et comme agent de la division entre les personnes qui vivent en France.
Répondant au Figaro (17 juin 2024), la responsable d’extrême droite explique ainsi : « Il y a quand même un éléphant dans le couloir des dépenses publiques. Il s’appelle l’immigration. Tout le monde fait semblant de ne pas voir ce qu’il pèse comme poids dans les finances publiques. Quand vous faites entrer 500 000 personnes légalement par an, il faut 4 000 lits d’hôpitaux supplémentaires. Non seulement, on ne les ouvre pas, mais on en ferme, et l’hôpital s’effondre. Il faut aussi instruire leurs enfants. Il faut aussi les loger. Et, oui, il y a une pénurie de logements. Tout le monde dit : on a besoin de plus de policiers, parce qu’il y a plus d’insécurité. Mais, l’insécurité, c’est aussi lié à l’immigration massive, dérégulée ».
Et tout est à l’envi. À l’Assemblée nationale, cette détestation de l’autre imprègne toutes les interventions, sur à peu près tous les textes, y compris ceux qui ne traitent pas directement de l’immigration. Bien entendu, on en retrouve la trace dans de nombreuses questions (orales comme écrites) adressées au gouvernement. Un exemple : la députée RN Bénédicte Auzanot (question N°9565) interpelle le ministre de l’Intérieur sur les refus d’obtempérer à un contrôle de police ; pas seulement sur le nombre car ce qui l’intéresse, c’est que le ministre lui communique « les données et les statistiques sur la nationalité des délinquants routiers et particulièrement pour refus d'obtempérer ».
Au Sénat, les rares élus d’extrême droite ont été très actifs pour radicaliser la loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » qui avait pourtant placé la barre, très haut. C’est le cas du sénateur RN du Pas-de-Calais Christopher Szczurek, du sénateur RN du Nord Joshua Hochart, de celui de Seine-et-Marne Aymeric Durox, mais aussi de l’unique sénateur de Reconquête, Stéphane Ravier. Dans les débats parlementaires sur ce texte, ces élus ont montré les ressorts de leur idéologie et les dérives qu’on pouvait craindre. Par exemple, Christopher Szczurek a défendu (le 8 novembre 2023) un amendement visant « à exclure du champ des discriminations l’application du principe de priorité nationale, notion centrale de notre programme plébiscité par 13 millions de Français à la dernière élection présidentielle (…) En effet, les Français doivent bénéficier d’un droit prioritaire – et non exclusif – chez eux dans l’accès au logement social, aux aides sociales ou à l’emploi. Ainsi, il ne s’agit en rien d’une disposition de discrimination ou d’exclusion, mais c’est bien un droit logique et nécessaire, appliqué dans 95 % des pays du monde ».
Prison ferme pour les consommateurs-rices de drogue
En août 2023, après la mort d'un enfant de 10 ans à Nîmes, victime collatérale des violences qui émaillent le trafic de drogue, la classe politique se divise sur la méthode à adopter pour lutter contre les trafics, le trafic de cannabis notamment. À gauche, on plaide pour la légalisation, à droite pour la répression. À l'extrême-droite, le RN plaide pour des peines de prison ferme pour les consommateurs-rices. C'est ce qu'assurait Jean-Philippe Tanguy, alors député RN et président du groupe à l'Assemblée nationale sur BFM TV :
« Il faut alourdir les peines. Quand les enfants de la bonne bourgeoisie, qui consomment de la drogue et font indirectement vivre un enfer aux classes populaires qui vivent dans ces quartiers, iront quelques jours en prison, ou auront des procédures judiciaires lourdes, ça leur rafraîchira l’esprit et ils auront un autre regard sur la drogue », martelait l’élu d’extrême droite.
Plus récemment, en mai 2024, la mesure 19 du plan « Marseille en ordre » proposée par des élus-es RN réaffirmait cette volonté de prison ferme pour les usagers-ères de drogue avec cette proposition : « L’impossibilité d’avoir une peine avec sursis après la première infraction liée au trafic de drogue, consommation incluse ».
Sida : de rares initiatives
En avril 2024, le député RN Mathieu Marchio dépose une proposition de résolution invitant le « gouvernement à renforcer les campagnes de prévention et de promotion de l’utilisation du préservatif afin de lutter contre l’augmentation des infections sexuellement transmissibles », dont le VIH. Pour le parti d’extrême droite, il s’agit certes de lutter contre les IST comme problème de santé, mais aussi de contribuer à endiguer la hausse de l’infertilité : « Alors que l’infertilité touche 3,3 millions de Français, les IST, en forte hausse partout en France et dans le reste de l’Union européenne, figurent parmi les causes majeures de cette infertilité dont la fréquence ne cesse d’augmenter ».
Par ailleurs, dans le Groupe d'études : VIH et sida de la dernière mandature (16ème) qui a pris fin le 9 juin dernier, on dénombrait quatre élus d’extrême droite. En 2022, le parti avait d’ailleurs brigué la présidence de ce groupe, ce qui avait suscité de vifs débats, compte tenu du passé sérophobe du FN (voir ci-dessus). Sans doute pour être dans le symbole, d’ailleurs, dans la foulée, il avait tenté d’avoir la présidence du Groupe d'études sur l’antisémitisme… Oui, eux !
Pot pourri… tout pourri !
Voilà, maintenant chacun-e sait à quoi s’en tenir. Notre « pot-pourri », qui n’est hélas pas exhaustif, montre que depuis trente-cinq ans, les partis d’extrême droite se sont opposés aux mesures efficaces de lutte contre le sida. Pire encore, qu’ils ont toujours prôné une politique d’exclusion, d’enfermement, de stigmatisation des personnes vivant avec le VIH et concernées.
Le FN, ancêtre du RN, est également le seul parti politique à avoir installé les termes « sida » et « VIH » au cœur de son langage politique comme des éléments de disqualification, notamment de ses adversaires.
Si le VIH n'est plus en tête des saillies de l'extrême droite ces dernières années, on voit, en revanche, que les attaques contre les minorités, notamment sexuelles, les personnes étrangères et les revendications d’égalité des droits restent légion. En fait, sont dans le viseur et à des titres divers : de nombreuses personnes particulièrement exposées au VIH.
Toutes ces attaques façonnent les clivages, alimentent la détestation de l’autre et participent à une société moins solidaire, moins généreuse, moins ouverte aux autres. Ad nauseam !
Visuel réalisé par l'agence TBWA pour AIDES en 2017
Par Enzo Poultreniez, Jean-François Laforgerie, Antoine Henry, Diane Saint Réquier, Fred Lebreton & Olga Volfson.
Certains éléments d’analyse proposés dans ce texte s’inspirent des travaux du chercheur Maurice Tournier et notamment de son ouvrage : "Des mots en politique", tome 2, publié en 1997 aux éditions Klincksieck.