Drogues : vers des traitements de substitution plus adaptés
- Actualité
- 20.06.2018
Pour les personnes dépendantes aux opiacés, les comprimés du traitement de substitution par buprénorphine, à dissoudre sous la langue, ne permettent pas toujours de diminuer ou d’arrêter leur consommation, et les injecter comporte de nombreux risques. AIDES et l’ Inserm (SESSTIM) à Marseille ont publié le 15 juin dernier, les résultats d’une étude portant sur l’acceptabilité d’un traitement injectable, sous une forme novatrice et originale.
Exit les rapports arides et la mise en page rigide qu’on associe habituellement aux revues scientifiques ! Pour le rendu des résultats de l’enquête PrébupIV, c’est tout un magazine qui a été publié mi juin, en incluant des témoignages et dessins des usagers et usagères des structures participantes. Un choix de forme qui renseigne aussi le fond de la méthodologie et de l’approche, communautaire et ascendante. Vous pouvez télécharger le magazine ci-contre.
Financée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l’étude PrébupIV s’était fixée 4 objectifs :
- identifier les profils des personnes injectrices de buprénorphine et d’opiacés fréquentant les Caarud (centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) et les Csapa (centre de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie),
- identifier les modalités d’usages des opiacés (dose injectée, fréquence d’injection, pratiques liées à l’injection),
- identifier les besoins de ces personnes usagères de drogues,
- évaluer leur acceptabilité vis-à-vis d’un traitement de la dépendance aux opiacés par buprénorphine injectable.
L’idée était aussi de formaliser et documenter une réalité apparue aux acteurs et actrices de terrain, à savoir que bon nombre de personnes bénéficiant d’un traitement de substitution aux opiacés rencontraient des problèmes en injectant ce traitement destiné à un usage sublingual. En effet, les comprimés de buprénorphine à haut dosage (BHD, plus connue sous le nom de Subutex) comportent des excipients pouvant favoriser des infections ou des abcès.
Grâce au travail conjoint des structures participantes et des personnes usagères, qui ont élaboré ensemble le questionnaire, l’étude a pu se focaliser sur 353 participants-es qui pourraient être éligibles à un éventuel futur traitement injectable. Il s’agissait de personnes dépendantes aux opiacés (ayant consommé plus de 4 jours dans la semaine) et ayant déjà reçu des traitements par voie orale. Parmi elles, 83% ont répondu favorablement à la question de leur acceptabilité vis-à-vis d’un traitement injectable de buprénorphine (et non pas des comprimés écrasés ou un produit illicite).
En examinant les résultats, l’équipe de recherche a pu constater que les personnes déclarant plus de cinq complications liées à l’injection, celles injectant principalement de la buprénorphine et celles n’ayant jamais fait d’overdose étaient plus favorables à recevoir un traitement par buprénorphine injectable. Si le projet voit le jour, à terme, ce traitement pourrait être délivré par les services hospitaliers en addictologie, mais aussi les Csapa. Une seconde lecture des réponses se penchait donc sur l’acceptabilité de ce traitement pris de manière systématique et supervisée en Csapa. Ici, les personnes les plus jeunes et celles qui avaient un logement stable étaient celles qui rejetaient le plus, un accompagnement médical quotidien. En revanche celles qui déclaraient injecter régulièrement de l’héroïne avaient une meilleure acceptabilité.
Autres enseignements de l’étude PrébupIV, les participants-es qui ne parlent pas de leurs pratiques d’injection (8,7 % des 550 participants-es) ont moins de chance d’êtres dépistés-es pour le VHC. "Il apparaît que trop de personnes consommatrices se sentent contraintes de taire leurs pratiques et que ce silence les met en danger, notamment pour l’accès aux dépistages et aux informations nécessaires pour réduire les risques liés à l’injection", explique le journal.
Ces premières analyses permettent aussi de mieux comprendre les pratiques d’injection et notamment la fréquence d’injection (en moyenne trois par jour) et les doses injectées de buprénorphine (en moyenne 12 mg), informations importantes pour l’évaluation d’un futur traitement.
Cette première étape étant franchie, il reste désormais celle de la mise en place d’un essai clinique, qui devrait permettre de valider l’efficacité thérapeutique de ce traitement dans la dépendance aux opiacés et d’obtenir une autorisation de mise sur le marché en France pour la formulation injectable.
Les responsables scientifiques sont Daniela Rojas Castro, directrice, Programme recherche communautaire pour Coalition PLUS et Perrine Roux, chargée de recherche SESSTIM, Inserm UMR1252 à Marseille.