Contre Trump, Big Pharma et la répression, les militants-es en action !
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Si la conférence internationale sur le sida est évidemment le théâtre de nombreux échanges scientifiques et institutionnels, les activistes du monde entier y sont aussi présents-es pour défendre les droits des communautés les plus durement touchées par le VIH.
Avant l‘ouverture de la conférence AIDS2018, le ton avait été donné par la marche des activistes : les personnes concernées ou vivant avec le VIH avaient bien l’intention d’être au centre des discussions et de porter haut leurs revendications. Un état d’esprit qui ne s’est pas démenti les jours suivant, où les militants-es de tous les pays se sont mobilisés-es pour des actions de sensibilisation parfois très originales.
Mardi, lors de sa visite sur le stand France, de nombreux-ses travailleuses et travailleurs du sexe emmenés-es par le Strass (Syndicat du travail sexuel) ont « zappé » la ministre de la Santé Agnès Buzyn, aux cris de « clients pénalisés, putes assassinées, Buzyn complice ! ». Une marée de parapluies rouges, symbole international des droits des travailleurs-ses du sexe, a ainsi entouré la ministre afin de dénoncer les effets désastreux de la loi de pénalisation des clients, qui précarise les travailleurs-ses du sexe et les expose aux violences tout en multipliant les risques pour leur santé, notamment vis à vis du VIH.
Une situation préoccupante qui sera également pointée le soir lors de la Sex Workers March, ralliant le centre de conférence au fameux quartier rouge d’Amsterdam, et où l’on découvre les situations d’autres pays. On apprend ainsi que dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la Russie ou le Zimbabwe, le fait d’avoir des préservatifs sur soi est utilisé pour « prouver » que les personnes exercent le travail du sexe, et les réprimer. Une pratique catastrophique en termes de prévention, puisqu’elles sont donc nombreuses à éviter de transporter ce moyen essentiel pour se protéger du VIH... Afin d’éviter harcèlement policier, arrestation et même prison !
Mardi toujours, des activistes de différentes associations ont occupé l’espace devant les salles de conférence pour appeler au déplacement de la prochaine conférence de 2020, prévue à San Francisco. Rassemblés-es derrières des bannières « No AIDS2020 in Trump’s USA » et #AIDS2020ForAll, ils et elles assurent qu’il est impossible pour l’International Aids Society de respecter ses valeurs d’inclusivité, de responsabilité et de focus sur les droits humains dans un contexte étatsunien de plus en plus délétère pour les personnes racisées, les usagers-ères de drogues, les immigrants-es, les travailleurs-ses, les personnes trans ou gays, qui se trouvent être les premiers-ères concernées par l’épidémie.
Mercredi aussi, le militantisme battait son plein en marge et au sein de la conférence internationale, avec un « Bad Pharma Tour » qui s’est fini en apothéose… Plusieurs organisations internationales réunies proposaient ces visites d’un genre un peu particulier pour sensibiliser aux enjeux du prix du médicament notamment, en dénonçant les pratiques abusives des laboratoires pharmaceutiques. Plusieurs dizaines de participants-es suivaient donc ce petit groupe d’activistes sur les stands, généralement très grands et très beaux, des industriels du médicament, et découvraient par exemple que la laboratoire Roche, qui génère des milliards de profits chaque année, avait vendu à prix d’or aux gouvernements un médicament contre la grippe H1N1 dont ils savaient depuis plusieurs années l’inefficacité.
Deuxième arrêt de ce tour, le laboratoire ViiV, qui par ses pratiques de prix freine l’accès aux antirétroviraux VIH notamment en Afrique du Sud. Le laboratoire avait par ailleurs promis de vendre à prix coûtant ses médicaments contre le VIH à formulation spéciale pédiatrique, mais ne l’a toujours pas fait. En conséquence, 40% des enfants vivant avec le VIH dans le monde utilisent encore des dosages adultes, avec les effets indésirables qu’on peut imaginer, qui compromettent l’adhérence au traitement et menacent donc leurs vies.
Last but not least, l’arrêt au stand Gilead est l’occasion pour les activistes de dénoncer les prix exorbitants auxquels est vendu le traitement contre l’hépatite C, et qui a permis au laboratoire de générer 66 milliards de profits depuis 2004, pendant que les personnes atteintes meurent faute d’accès au traitement. Le laboratoire pratique également une politique des brevets abusive qui empêche l’arrivée de génériques et l’accès universel aux traitements. Et quand un pays prend des initiatives pour protéger sa population, comme la Malaisie qui a instauré une licence obligatoire qui lui permet de produire elle-même le fameux traitement contre l’hépatite C, les dirigeants-es sont « convoqués » par les représentants-es de Gilead « Non seulement les laboratoires mentent, mais ils menacent et intimident, ils sont complices de la mort » dénonce une activiste locale. Mais une IMMENSE nouvelle a permis de lancer les cotillons et confettis sur le stand, puisqu’on venait d’apprendre que le laboratoire avait perdu son certificat complémentaire de protection sur le Truvada au niveau européen, une manœuvre qui lui permettait de bloquer l’arrivée des génériques dans 28 pays pour le traitement du VIH et la Prep.
Autre temps fort militant de la journée, la signature par de très nombreuses personnalités scientifiques d’une déclaration de consensus contre la criminalisation du VIH. En effet, dans plusieurs pays, non seulement la transmission du virus peut être punie de lourdes peines de prison, mais c’est aussi le cas pour l’ « exposition au risque de transmission » ou encore à la « non divulgation du statut ». Or une personne séropositive en charge virale indétectable NE TRANSMET PAS LE VIRUS. Ces lois ne se basent donc pas sur la science mais placent les personnes vivant avec le VIH dans des situations catastrophiques. Aux Etats-Unis par exemple, des peines de prison de plusieurs dizaines d’années peuvent être prononcées pour une supposée « exposition au risque de transmission », avec une inscription au registre des « sex offenders », comme pour les viols ou les actes de pédophilie… De quoi entretenir une sérophobie tenace et maintenir les personnes vivant avec le virus dans le rejet et l’exclusion.
Ce jeudi, l’activisme était matinal puisque des dizaines de militants-es contre la criminalisation des usagers-ères de drogues ont participé à un « die-in » devant le centre de conférence. Ils et elles entendaient souligner les dommages de la « guerre aux drogues » partout dans le monde. C’est en particulier le cas aux Philippines, où le président Duterte encourage les exécutions extrajudiciaires d’usagers-ères de drogues (réels-les ou supposés-es) qui ont déjà fait des milliers de victimes. Les situations russe et ukrainienne faisaient aussi l’objet d’un focus particulier, puisque l’usage de drogues y est fortement réprimé, et les personnes concernées voient régulièrement leurs droits humains les plus fondamentaux, dont celui à la santé, complètement niés et bafoués. Le tout dans un contexte où les financements pour la réduction des risques sont en baisse, et les infections au VIH en hausse de 33% chez les injecteurs-trices ! « Chase the virus, not people ! » réclamaient donc les activistes, menottes au bras et colère dans la voix.