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    AIDS 2024 : « Mettre les personnes au premier plan »

    • Actualité
    • 22.07.2024

     AIDS 2024 IAS

    © Fred Lebreton et Léo Deniau

    Par Fred Lebreton et Thierry Tran

    AIDS 2024 : « Mettre les personnes au premier plan »

    Chaque été, tous les deux ans, a lieu la grande conférence mondiale sur le VIH, organisée par l’IAS (International AIDS Society). AIDS 2024, se déroule, cette année, à Munich (Allemagne) du 20 au 26 juillet. Au programme, deux jours de pré-conférence, cinq jours de conférence et un grand village associatif avec des activistes venus-es de toute la planète, dont AIDES. La rédaction de Remaides est sur place pour une couverture des moments forts. Premier épisode sur la pré-conférence. 

    Willkommen in München! (Bienvenue à Munich !)

    Dimanche 21 juillet 2024, notre délégation qui compte plusieurs militant-es de AIDES (salariés-es et volontaires) est arrivée, la veille, à Munich. Quelques mots sur la ville hôte de cette 25ème conférence AIDS. Munich, capitale de la Bavière, est une ville du sud de l'Allemagne connue pour son riche patrimoine historique, sa culture florissante et son style de vie moderne. Avec une population de plus de 1,5 million d'habitants-es, Munich allie tradition bavaroise et modernité. Son centre historique, Marienplatz, est célèbre pour le magnifique Neues Rathaus (Nouvel Hôtel de Ville) et son célèbre carillon, tandis que la Frauenkirche, avec ses tours jumelles emblématiques, domine le paysage urbain. Munich abrite également des musées de renommée mondiale comme le Deutsches Museum, l'un des plus anciens et des plus grands musées des sciences et de la technologie au monde, et les galeries de la Pinakothek, qui présentent des chefs-d'œuvre de diverses périodes artistiques. Outre ses attractions culturelles, Munich est connue pour son Oktoberfest annuel, la plus grande fête de la bière au monde, qui attire des millions de visiteurs-ses venus-es profiter de son atmosphère animée, de sa musique traditionnelle et, bien sûr, de la bière bavaroise (à boire avec modération !). Munich est aussi une ville verte, avec des parcs étendus comme l'Englischer Garten, l'un des plus grands parcs urbains au monde.

    Une Princesse et un héros

    Mais revenons à nos moutons ou plutôt à la grande messe mondiale du VIH. Un petit déjeuner à peine avalé, un bus puis un métro et nous voici arrivés-es au Centre international des congrès de Munich qui accueille la pré-conférence, puis la conférence proprement dite pendant sept jours. Le lieu est immense. À l’extérieur, un grand lac et beaucoup de verdure. Il faut d’abord récupérer son badge puis chacun-e cherche sa salle (il vaut mieux prendre un plan tant le lieu est labyrinthique). De nombreux-ses congressistes ne sont pas encore arrivés-es. Certains d’ailleurs n’arriveront jamais (lire l’encart ci-dessous sur les refus de visas à des activistes Ougandais-ses). L’évènement aujourd’hui, c’est l’ouverture du Global Village, une immense salle où a été installé un grand village associatif. En déambulant de stand en stand, on peut observer la richesse et la diversité de la communauté de la lutte contre le sida de par le monde. Dans un coin, un stand de communautés africaines avec des ventes d’objets d’art qui vont servir à financer des programmes de prévention sur place. Plus loin, un stand LGBT+ où une drag queen discute avec une jeune personne non-binaire, etc.

    Tout à coup, un moment d’effervescence envahit la salle. Deux « stars » de la lutte contre le sida viennent de faire leur entrée entourée de photographes, gardes du corps et attachés-es de presse. Il s’agit de la Princesse Stéphanie de Monaco connue pour son engagement dans la lutte contre le VIH en tant que présidente de Fight AIDS Monaco depuis 2004 et ambassadrice itinérante de l'Onusida depuis 2006. Avec elle justement, la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima. Les deux femmes — et leurs entourages  — vont de stand en stand et posent avec des activistes. Pas plus de cinq minutes à chaque stand le temps d’échanger quelques mots. Ce ballet millimétré est très bien orchestré. 

    Bruce Richman portrait

    Bruce Richman © Fred Lebreton

    Un peu plus loin, nous repérons Bruce Richman. Impossible de ne pas aller le voir. Bruce fait partie de ces activistes infatigables dans la lutte contre le VIH. Ouvertement gay et séropositif, son combat depuis 2012 est de faire connaître le message « U = U » (Undetectable = Untransmittable ou Indétectable = Intransmissible) au plus grand nombre. Pour cela, il a fondé, en 2016, Prevention Access Campaign (PAC), une initiative basée à New York qui vise à faire la promotion de « U = U » dans le monde. Bruce est très occupé (et très sollicité), mais il accepte gentiment de poser pour quelques photos et il promet de discuter avec nous un autre jour. Bruce fait partie des héros de « U = U ». Il nous répond humblement qu’il s’agit avant tout d’une lutte collective et que nous (l’association AIDES et Remaides) en faisons intégralement partie. D’ailleurs, quelques heures plus tard, le militant nous cite en exemple sur son compte X (ex Twitter) : « C'était merveilleux de rencontrer @Fred_Colby aujourd'hui ! Saviez-vous que @assoAIDES a lancé une campagne #UequalsU dans 70 villes en France dès novembre 2017 ? ». Un héros humble. 

    « J'espère encourager d'autres personnes vivant avec le VIH à prendre la parole »

    Le thème de cette 25ème édition de la conférence IAS est : « Mettre les personnes au premier plan ». Pour les organisateurs-rices, cela signifie penser aux solutions du point de vue des personnes qui sont les plus affectées. C’est en ce sens que l’IAS a invité des personnes vivant avec le VIH à prendre la parole lors de la cérémonie d’ouverture du Global Village. C’est le cas de Zachary Willmore, un jeune tik tokeur américain ouvertement gay et séropositif : « Je me suis donné pour mission de montrer aux gens qu’on peut s’épanouir après un diagnostic VIH. Je voulais être la voix de ma génération, dire aux gens que même lorsque nous nous sentons mal, nous méritons l'amour et une vie normale ». Et le jeune activiste de poursuivre : « Je veux qu’on se réapproprie le terme « folle », parce que dans les années 80 et 90, il était utilisé contre notre communauté pour nous faire sentir mal dans notre peau, et je pense qu'il est important de remettre en question les normes de genre. J'espère encourager d'autres personnes vivant avec le VIH à prendre la parole afin que nous puissions non seulement travailler à réduire le nombre de nouvelles acquisitions du VIH, mais aussi aider les personnes qui contractent le VIH à se sentir normales. En favorisant une communauté qui met les personnes au premier plan, nous veillons à ce que personne ne se sente seul ou honteux ».

    « This Is Us » (« Voici qui nous sommes »)

    exposition collectif ATLASAu fond de la salle, une exposition attire notre attention. Des panneaux géants mettent en lumière des personnes : Un homme noir queer pose sa tête sur un autre homme avec tendresse ; une femme africaine hétéro prend la pose en tenue traditionnelle ; Alexandr, un homme russe qui vit à Moscou, semble vouloir sa cacher derrière le col roulé de son pull ; un homme sénior et gay montre fièrement sa vie dans le milieu fétish cuir de Berlin ; un chauffeur routier hétéro sud-africain pose devant son camion ; Fardad, un homme queer originaire d’Iran et installé aux Pays-Bas, montre ses tatouages,  son vernis à ongle et ses talons hauts… Leur point commun ? Toutes ces personnes vivent avec le VIH et ont accepté d’être VISIBLES.

    Avec chaque photo, un texte qui raconte une partie de leur histoire. Cette expo incroyable a été réalisée par le collectif ATLAS (© Fred Lebreton) : « Nous avons rencontré des personnes gays et hétérosexuelles chez elles. Nous avons ri avec les jeunes et les personnes âgées. Nous avons rendu visite aux personnes transgenres et aux travailleurs du sexe. Nous avons écouté les migrants, les chauffeurs routiers, les survivants et les personnes récemment diagnostiquées. Nous avons embrassé ceux que nous connaissons tous et ceux qui sont inconnus de la plupart d'entre nous. This Is Us (« Voici qui nous sommes ») est une exposition multimédia qui donne un visage et une voix aux 39 millions de personnes vivant avec le VIH ». L'équipe d'ATLAS composée de producteurs-rices, cinéastes, photographes et écrivains-nes a voyagé dans plus de quinze pays sur cinq continents pour rencontrer et parler avec beaucoup d'entre elles.

    ➡️​ Pour découvrir les photos et les histoires derrière les photos

    DOSSIER À SUIVRE DANS LE SECOND EPISODE MARDI 23 JUILLET 2024

    Point de vue d’un-e militant-e français-e au congrès IAS en Allemagne

    « Quelle chance pour moi de participer à cette conférence IAS en Allemagne ! Je possède une relation spéciale avec ce pays au sein duquel j’ai étudié un an en ERASMUS. Biberonné-e à la promotion de l’amitié franco-allemande, j’ai développé avec l’Allemagne un lien tel que pour moi, passer d’un pays à l’autre est très fluide.

    Pour mon premier jour de conférence, je prends le temps de visiter de Global Village où sont réunies les associations, un très bel espace d’expression militante et artistique pour les communautés et leurs représentants-es. L’existence même d’un tel espace dédié est le résultat de plusieurs décennies de confrontation et d’interaction entre les mondes militants et de la recherche scientifique. En parcourant les allées, je m’arrête tout d’abord sur le stand du NSWP, le réseau mondial des projets relatifs au travail du sexe (TDS). J’y rencontre une représentante de l’association de TDS berlinoise que j’interroge sur le travail du sexe en Allemagne. Bien que le travail du sexe soit légal dans ce pays, il demeure encore partiellement criminalisé. Mon interlocutrice souligne la complexité des démarches administratives, les différences d’application des lois d’un état fédéral (Land) à l’autre et combien la législation est déconnectée de la réalité malgré la consultation des associations concernées. Ainsi la lutte pour les droits continue de part et d’autres de nos frontières communes avec des contextes différents, mais des revendications communes pour la santé et la sécurité des personnes concernées.

    Juste après avoir quitté le stand, j’aborde de nouveau le sujet des frontières sur le stand de l’EATG (Groupe européen s’intéressant au traitement du VIH/sida). En prenant pour exemple la coopération transfrontalière de l’arc alpin, je soulève plusieurs questions : quelles différences d’accès aux soins et à la prévention autour de la frontière franco-allemande, quels enjeux de lutte contre le VIH dans la coopération franco-allemande ? Le chargé de communication m’évoque un séjour à Bâle lors duquel il est allé voir le point triple où se rejoignent les territoires français, allemand et suisse. Au-delà de l’amusement (tout relatif) de pouvoir se rendre dans trois pays différents en quelques seconde, il souligne surtout l’absence de tout édifice évoquant le passage d’une nation à l’autre. L’absence de frontières dans la lutte contre le VIH, c’est comme ça que ça devrait être, pensons-nous. Nous avons des choses à apprendre les uns-es des autres de chaque côté du Rhin, notamment quand on est confrontés aux même situations.

    D’ailleurs, j’en discute un peu plus tard avec des militantes lesbiennes hébergées dans les locaux de la Deutsche Aids Hilfe, la plus grande structure de lutte contre le VIH/sida d’Allemagne. Montée de l’extrême droite, santé sexuelle des femmes, invisibilisation des personnes vieillissantes, nos combats sont bien les mêmes. Nous évoquons l’importance et le besoin de disposer de lieux commun où peuvent se croiser les associations, les militants-es, afin d’échanger, s’organiser et se fédérer. Je me sens proche de ces activistes. Je me sens faire partie de cette communauté militante européenne. La lutte contre le VIH est une lutte internationale qui mobilise de nombreux-ses acteurs-rices à travers le monde. La fin de l’épidémie sera le résultat d’une coopération mondiale et transfrontalière ou ne sera pas. La curiosité et l’ouverture vers d’autres cultures plus largement représente, selon moi, un premier pas vers cet objectif commun néanmoins menacé par les dynamiques de division des crises politiques et des conflits armés comme en Ukraine. »

    Par Thierry Tran (secrétaire de région AIDES Bourgogne Franche-Comté)

    Des participants-es originaires des pays du Sud privés de visa !

    La conférence AIDS 2024 est le plus grand congrès mondial sur les aspects scientifiques, socio-politiques et civiques du VIH. Plus de 15 000 scientifiques, médecins et activistes provenant de plus de 175 pays sont attendus à Munich, du 22 au 26 juillet 2024. Cependant, plusieurs activistes ont signalé que le traitement lent des demandes de visa touristique dans les consulats allemands mettait en péril leur participation. Le Dr Frank Mugisha, activiste LGBT de renommée internationale, originaire d'Ouganda, a publié sur X (ex Twitter) : « Malheureusement, de nombreuses personnes des pays en développement et des communautés vulnérables manqueront cette conférence importante en raison de problèmes de visas. Quand les inégalités prendront-elles fin ? #AIDS2024 ». Certains activistes ont critiqué l'IAS pour avoir organisé leur conférence mondiale dans un pays du Nord (c’était déjà le cas avec la précédente, à Montréal), en suggérant que si la conférence se tenait dans un pays du Sud ou dans un pays à revenu faible ou intermédiaire, de tels problèmes de visas ne se produiraient pas.

    Face à de telles critiques, l'IAS a utilisé son influence pour aider les délégués-es. Bijan Farnoudi, le directeur de la communication de l'IAS, a expliqué au site TheBody qu'après avoir recueilli les retours de 693 délégués-es qui avaient demandé de l'aide, 82 % avaient obtenu leur visa, 6 % étaient encore en attente, et 12 % avaient été refusés. Le plus grand nombre de ces délégués-es ayant obtenu leur visa provenaient du Kenya, du Nigeria et du Zimbabwe. Pendant ce temps, de nombreux-ses délégués-es de l'Ouganda attendaient encore une réponse du consulat allemand.

    Bijan Linda Joseph Robert est un défenseur du VIH en provenance d'Ouganda qui a reçu en 2023 la Bourse Jeunesse de l'IAS. Il est membre du Programme de Plaidoyer d'AVAC. Il devait prendre la parole lors d'une session pré-conférence de l'AIDS 2024 intitulée « The People Living With HIV Pre-Conference (Living 2024) ». Bien qu'il ait soumis sa demande de visa le 24 juin en fournissant des lettres de son employeur (AIDS Healthcare Foundation Uganda), des lettres de parrainage de GNP+ et de Prevention Access Campaign (PAC), et une lettre d'inscription de l'IAS, son visa a été refusé le 16 juillet. Il a fourni à TheBody un extrait de la lettre de réponse des autorités consulaires, qui disait : « Il y a des doutes raisonnables quant à la fiabilité et à l'authenticité des documents soumis ou à leur véracité. Il y a des doutes raisonnables quant à votre intention de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa ». Sur X, Florence Thune, la directrice générale de Sidaction, présente à Munich, a réagi : « Comme à chaque fois, et de plus en plus souvent hélas, des activistes de la lutte contre le VIH n’obtiennent pas leur visa pour assister aux conférences internationales comme celle à Munich ».

    Sigycop : l'exemple du plaidoyer associatif pour permettre aux personnes séropositives de rejoindre l'armée

    Parmi les posters de AIDES présentés lors de la conférence AIDS 2024 à Munich, attardons-nous sur celui qui concerne le dispositif Sigycop. Jusqu’à 2023, en France, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) étaient exclues de l'armée en raison de l’application d’un barème d’aptitude très nettement en décalage avec la réalité des évolutions thérapeutiques e ces dernières années. Le système de référence Sigycop est utilisé pour évaluer l'aptitude physique des personnes souhaitant rejoindre l'armée. Ce système est également utilisé par les gendarmes, les personnes de la sécurité civile et les pompiers pour déterminer la capacité d'une personne à rejoindre l'un de ces corps. Le système Sigycop utilise une échelle de notation allant de 1 à 5, où 1 ouvre la porte à tous les métiers, tandis que 5 signifie une incompatibilité totale avec toutes les fonctions militaires. Un décret en date du 9 mai 2023 a modifié les critères pour le VIH, permettant aux PVVIH asymptomatiques, traitées depuis plus de douze mois, ayant une charge virale indétectable, un nombre de CD4 supérieure à 500 mm³, et une bonne tolérance au traitement, de rejoindre l'armée, la gendarmerie, la sécurité civile ou les pompiers.

    Pour arriver à ce décret, les associations de santé communautaires ont collaboré avec  les scientifiques et experts-es dans le champ du VIH afin d’élaborer un plaidoyer efficace. Dans un premier temps, de 2020 à 2022, un dialogue s’est installé avec le ministère des Armées. Pour cela, les compétences en plaidoyer (« sensibilisation politique ») ont fusionné avec l'expertise scientifique des spécialistes du VIH (cliniciens-nes, épidémiologistes, etc.). En parallèle, le dispositif Sigycop faisait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État depuis décembre 2020 au nom de six organisations : Adheos, ELCS (Élus locaux contre le sida), Familles LGBT, Flag !, Mousse et Les Séropotes. AIDES s’est joint à ce recours en septembre 2021.

    Aligner les lois avec les réalités thérapeutiques est une étape cruciale dans la lutte contre la discrimination et la sérophobie. Cela permet de garantir que : 

    • La discrimination est combattue efficacement sur la base de l'état de santé réel des individus plutôt que sur des suppositions ;
    • Une cohérence entre le cadre réglementaire et les méthodes de prévention actuelles (I = I) ;
    • Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent poursuivre des projets personnels sans être entravées par leur statut sérologique ;
    • La lutte contre la sérophobie demeure une priorité en matière de santé publique.

    ➡️​ Pour en savoir plus sur Sigycop

    Auteurs-rices : Célia Bancillon, Manuela Salcedo, Alicia Maria, Ines Alaoui, Alexia Decouis, Fabrice Pilorgé.
    AIDES, Pantin, France, Coalition PLUS, Community-based research laboratory, Pantin, France

    Leçons apprises de la publication du montant des subventions publiques dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments en France

    Parmi les posters de AIDES présentés lors de la conférence AIDS 2024 à Munich, un focus sur les limites du plaidoyer associatif pour une meilleure transparence des subventions publiques dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments en France. En 2021, la France a mis en œuvre des mesures de transparence pour les subventions publiques dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments, établissant un précédent en Europe. Cette politique a suscité l'espoir de négociations plus équitables entre l'État et l'industrie pharmaceutique et d'un meilleur accès aux traitements. Cependant, les dispositions réglementaires introduites par le gouvernement [celui de Jean Castex, juillet 2020-mai 2022] ont compromis le cadre de la mesure élaborée par la société civile et les parlementaires. 

    « En 2020, nos organisations ont plaidé auprès du ministère de la Santé et des parlementaires pour assurer la transposition de la résolution de l'Assemblée mondiale de la Santé de 2019 sur l'amélioration de la transparence des marchés des produits de santé dans la législation nationale » écrivent les auteurs-rices du poster. À l'automne de la même année, un amendement a été adopté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, stipulant que le montant des subventions publiques reçues pour la recherche et le développement (R&D) de nouveaux médicaments devait être rendu public. « Nos organisations ont exhorté le ministère de la Santé à publier un décret d'application qui garantirait des informations exhaustives, lisibles et diachroniques sur les subventions publiques de R&D. Cependant, nos demandes sont restées sans réponse », déplorent les auteurs-rices.

    Le décret finalement publié stipule que les entreprises pharmaceutiques doivent seulement déclarer les investissements publics directs qu'elles ont reçus au cours de l'année précédente. Le texte ne prévoit pas de sanctions, comptant sur la bonne volonté des entreprises pour divulguer ces informations aux autorités de fixation des prix et au public. Environ la moitié des entreprises sous convention ont fait une déclaration en 2021, et moins de la moitié l'année suivante. En 2021, sur 111 répondants, seules sept entreprises ont déclaré avoir reçu des subventions publiques totalisant 3 082 millions d'euros. En 2022, deux des 87 entreprises ont déclaré avoir reçu des subventions publiques s'élevant à 194 202 €, les autres entreprises ayant indiqué qu'elles n'avaient reçu aucune subvention publique. En revanche, le Leem (le syndicat des entreprises du médicament) a publié une estimation de 47 millions d'euros de subventions publiques reçues pour la R&D en France en 2017. « Ces chiffres prouvent une sous-déclaration significative. Ils compromettent les efforts publics français en matière de R&D, mettent le gouvernement français en position de faiblesse dans les négociations de prix pour les produits de santé, et appellent ainsi à une réponse politique ferme », soulignent les auteurs-rices du poster.

    Les associations préconisent que des mesures de transparence efficaces du financement de la R&D « couvrent les subventions publiques directes et indirectes, avec des sanctions explicites en cas de non-respect de l'obligation de déclaration. « Impliquer les organisations de patients et de santé à chaque étape législative et réglementaire est crucial pour une conception et une mise en œuvre efficaces par les gouvernements », concluent les auteurs-rices.

    Auteurs-rices : Ines Alaoui, Fabrice Pilorgé, Juliana Veras, Théau Brigand, Gautier Centlivre, Xavier Masset.
    AIDES, Pantin, France ; Médecins du Monde, Paris, France ;  Action santé mondiale, Paris, France  ; UAEM France, Paris, France.

     

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