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    L’Actu vue par Remaides : « Fonds mondial : 70 millions de vies sauvées et des progrès menacés »

    • Actualité
    • 15.10.2025

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    Conférence IAS. Photo : DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Fonds mondial : 70 millions de vies sauvées et des progrès menacés

    Le 10 septembre, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (dit Fonds mondial) a publié son Rapport annuel sur les résultats. Le document met en « lumière de grandes avancées dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme » ; avancées qui se résument en « 70 millions de vies sauvées ». Le rapport met collectivement en garde sur l’avenir de la lutte contre ces trois pandémies. L’équation est simple : « Sans un engagement et des investissements renouvelés, les progrès durement acquis pendant des décennies risquent d’être anéantis. » La sortie, attendue, de ce document à quelques semaines de la huitième reconstitution des ressources du Fonds mondial, rappelle l’enjeu du moment : la réussite de cette reconstitution « si l’on souhaite conserver une trajectoire qui mènera à l’élimination de ces maladies mortelles ». Remaides revient sur les infos marquantes.

    D’abord une bonne nouvelle. Elle se résume à un chiffre incroyable ; celui des personnes sauvées des trois pandémies ― que sont le sida, la tuberculose et le paludisme ―, depuis la création du Fonds mondial en 2002 : « 70 millions de vies ».
    En moins d’un quart de siècle, le Fonds mondial (s’appuyant sur un partenariat inédit entre les gouvernements nationaux, les communautés touchées et les professionnels-les et agents-es de santé de première ligne) a réduit « le taux de mortalité combiné du sida, de la tuberculose et du paludisme de 63 % », et le « taux d’incidence combiné de 42 % ».

    « Ces résultats montrent qu’avec des outils efficaces, de solides partenariats et un investissement soutenu, nous pouvons mettre la santé mondiale sur la bonne voie, a affirmé Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial. Mais dans un contexte géopolitique en évolution rapide, il n’y a pas de place pour la complaisance. La communauté de la santé mondiale doit agir plus rapidement pour se défragmenter, éliminer les doubles emplois et faciliter la tâche des pays qui collaborent avec nous. Le Fonds mondial s’est engagé à opérer des changements audacieux pour maximiser l’impact de chaque dollar investi, répondre aux besoins changeants des pays et accélérer la transition vers des systèmes de santé dirigés et financés par les pays. » 

    Ce discours tient de l’invitation à l’action et vise à rassurer les bailleurs internationaux particulièrement sollicités dans le contexte de reconstitution des fonds pour le nouveau cycle du Fonds mondial. Le message est clair : financer le Fonds mondial est utile ; cela donne des résultats (les 70 millions de vies sauvées) et les progrès ont été majeurs mais restent fragiles. Le rapport revient sur les résultats concernant les trois pandémies.

    VIH et sida
    En 2024, dans les pays où le Fonds mondial investit, 88 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique, 79 % de ces personnes étaient sous traitement antirétroviral et 74 % des personnes sous traitement avaient une charge virale indétectable, souligne le Fonds mondial. De plus, 85 % des femmes enceintes vivant avec le VIH étaient sous traitement antirétroviral. « Il s’agit des niveaux les plus élevés jamais enregistrés pour chacun de ces indicateurs », commente l’institution. Par ailleurs, l’utilisation de la Prep est montée en flèche : en 2024, 1,4 million de personnes en ont bénéficié dans les pays où le Fonds mondial investit, soit une augmentation de 325 % par rapport à 2023. Autre élément clef : fin 2024, le Fonds mondial s’est engagé à faire bénéficier deux millions de personnes du lénacapavir, une Prep injectable tous les six mois aux résultats très prometteurs.

    Dans les pays où le Fonds mondial investit, le taux de mortalité liée au sida a diminué de 82 % et le taux d’incidence du VIH a diminué de 73 % depuis 2002.

    Mais, l’épidémie reste active. Le VIH/sida demeure l’une des principales maladies infectieuses et une « menace importante pour la sécurité sanitaire mondiale ». En 2024, on dénombrait 630 000 décès liés au sida et 1,3 million de nouvelles infections par le VIH dans le monde, soit un chiffre environ 3,5 fois plus élevé que la cible mondiale pour 2025 (moins de 370 000 nouvelles infections).

    Tuberculose 
    En 2023, la couverture du traitement de la tuberculose (toutes formes confondues) dans les pays où le Fonds mondial investit s’est élevée à 75 % ― le plus haut niveau à ce jour, alors qu’elle était de 45 % en 2010. Par ailleurs, 44 % des personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante (résistante à certains traitements actuels) ont commencé un traitement. « Cette même année, 88 % des personnes ayant commencé un traitement pour la tuberculose ont été traitées avec succès et 91 % des personnes vivant avec le VIH atteintes de la tuberculose étaient sous thérapie antirétrovirale », note le rapport du Fonds mondial. Dans cette lutte aussi, les progrès ont été forts. Le Fonds mondial a contribué à un meilleur accès à des outils innovants comme la détection assistée par l’IA ou les radios du thorax numériques au moyen d’un appareil portatifs, dans les pays les plus touchés par la maladie. Cela a permis de diagnostiquer, de traiter et de guérir un plus grand nombre de personnes. 

    « Les efforts déployés depuis 2002 pour assurer un accès équitable aux services de prévention, de dépistage et de traitement, pour détecter et traiter les personnes atteintes de la tuberculose « manquant à l’appel », pour lutter contre la tuberculose pharmacorésistante et pour réduire les prix des produits de lutte contre la maladie ont permis de réduire le taux de mortalité de 57 % et le taux d’incidence de 28 % », indique le rapport.

    Malgré ces indéniables progrès, la tuberculose demeure la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. Selon les estimations, elle a tué 1,3 million de personnes en 2023, et la tuberculose pharmacorésistante demeure une grave menace pour la sécurité sanitaire mondiale. De plus, les « systèmes de santé fragilisés, les conflits et les pressions économiques menacent d’effacer les gains acquis au cours des deux dernières décennies. »

    Paludisme 
    En 2023, dans les pays où le Fonds mondial investit, l’accès à une moustiquaire imprégnée d’insecticide a atteint 61 %, avec un taux d’utilisation de 53 % chez les personnes exposées à un risque d’infection. Il s’agit des niveaux les plus élevés à ce jour, explique le Fonds mondial. Plus de 95 % des personnes présentant des signes et des symptômes du paludisme ont été testées.

    « Les efforts déployés depuis 2002 pour soutenir les agentes et agents de santé communautaires et les solutions locales, pour renforcer l’accès au dépistage, au traitement et aux options de prévention, pour accélérer le déploiement à grande échelle de moustiquaires imprégnées d’insecticide à double principe actif et pour lutter contre la résistance aux médicaments et aux insecticides, ont permis de réduire le taux de mortalité de 51 % et le taux d’incidence de 26 % », mentionne le rapport.

    « La cible de l’élimination du paludisme est à notre portée, comme l’ont prouvé le Suriname et le Timor-Leste, certifiés exempts de paludisme par l’Organisation mondiale de la Santé en 2025 », se félicite le Fonds mondial. Reste que « la multiplication des conflits, les perturbations causées par les phénomènes météorologiques extrêmes et la résistance croissante aux antipaludéens et aux insecticides compliquent les efforts de la lutte contre la maladie. À ce stade, toute diminution des engagements permettrait à la maladie de regagner du terrain avec une intensité dévastatrice, mettant en danger les plus vulnérables ― à commencer par les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes ― et menaçant la sécurité sanitaire mondiale. »

    Outre le point sur les trois pandémies dont il est saisi, le Fonds mondial rappelle qu’il contribue par son action au « renforcement des systèmes de santé » et à la « sécurité sanitaire mondiale ». En 2024, le Fonds mondial a investi 2,7 milliards de dollars dans les systèmes de santé et la surveillance des maladies pour la détection, la surveillance et le contrôle des nouvelles flambées épidémiques dans plus de 100 pays. Ce qui fait de lui la « principale source de subventions externes à l’appui de la préparation et de la riposte aux pandémies ». Pour être plus précis, le Fonds mondial explique que ces « investissements ― notamment ceux visant le renforcement des réseaux de laboratoires et de diagnostic ― améliorent non seulement les ripostes nationales au VIH, à la tuberculose et au paludisme, mais également la détection et la gestion des co-infections, comme l’hépatite B, l’hépatite C et le papillomavirus humain [HPV, ndlr]. En outre, ils ont augmenté les capacités nationales de dépistage (…) de maladies à haut risque comme le Mpox, les maladies à virus Ebola et à virus Marburg et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo ».

    Le Fonds mondial rappelle son rôle « face aux conflits et à l’insécurité ». « En 2024, les conflits généralisés et l’insécurité ont continué de menacer les progrès de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme à l’échelle mondiale. ​Les contextes fragiles ― une réalité pour 16 % de la population mondiale ― portent une charge de morbidité disproportionnée, soit près des deux tiers des cas de paludisme, le quart des cas de tuberculose et 17 % des nouvelles infections à VIH ». Dans plusieurs zones de conflits (Ukraine, Soudan, Syrie, Afghanistan, Bangladesh, Éthiopie, Haïti, Mozambique, etc.), le Fonds mondial a veillé « à ce que les services de santé essentiels et les traitements vitaux continuent d’atteindre les personnes qui en ont besoin dans des contextes de crise humanitaire. Mais là encore, les progrès sont fragiles, voire en « péril ». Plusieurs facteurs jouent : le déclin du financement international, des crises qui s’entrechoquent avec le surendettement de certains États, les conflits, les déplacements de populations et l’érosion des droits humains. Ces problèmes se superposent et « menacent la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ― et avec elle, la sécurité sanitaire mondiale ― et mettent des millions de vies en jeu. »

    Le Fonds mondial tenait, fort logiquement, a rappelé ce message alors que va se dérouler dans quelques semaines, la huitième reconstitution des ressources du Fonds mondial. L’institution a d’ailleurs développé un argumentaire spécifique concernant cette échéance majeure de la réponse mondiale aux trois pandémies. Cette huitième reconstitution a été lancée en février 2025. Il s’agit de réunir de nouveaux fonds pour la période 2027-2029. La « reconstitution des ressources doit être réussie si l’on souhaite conserver l’élan de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme » et « empêcher une résurgence qui ramènerait le monde des dizaines d’années en arrière », souligne le rapport. Et d’ajouter : « Un investissement urgent et ciblé est nécessaire pour éviter des conséquences humaines, sociales et économiques dévastatrices. » Difficile d’être plus clair.

    Certains pays (Australie avec 140 millions d’euros, Espagne : 145 millions, Luxembourg : 14 millions et Norvège : 340 millions d’euros) ont déjà annoncé des promesses de dons, tout comme la Fondation du Fonds d’investissement pour l’enfance (CIFF) et Takeda (la plus grande entreprise pharmaceutique japonaise), des partenaires du secteur privé. « Ces engagements mettent conjointement en évidence un rythme qui s’accélère et une détermination mondiale à sauver des vies et à vaincre les maladies infectieuses les plus meurtrières de la planète », veut croire le Fonds mondial. Reste que de nombreux pays, bailleurs importants, n’ont toujours pas fait part du montant de leurs engagements.

    Pour convaincre les pays à renouveler leur engagement, le Fonds mondial rappelle que la «  réussite de la reconstitution des ressources permettrait au partenariat du Fonds mondial de sauver jusqu’à 23 millions de vies durant la période 2027-2029 et de réduire, d’ici 2029, le taux de mortalité combiné du sida, de la tuberculose et du paludisme de 64 % par rapport aux niveaux de 2023, tout en renforçant les systèmes de santé et communautaires pour lutter contre les nouvelles flambées épidémiques et accélérer le cheminement vers l’autonomie. »
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