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    L’Actu vue par Remaides : « Magnus Hirschfeld, un documentaire sur un pionnier méconnu des luttes LGBT+ »

    • Actualité
    • 08.03.2025

     

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    Portrait de Magnus Hirschfeld. Photo : Magnus Hirschfeld Gesellschaft

    Par Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie

    Magnus Hirschfeld, un documentaire sur un pionnier méconnu
    des luttes LGBT+

    Médecin et sexologue, Magnus Hirschfeld fut l’un des premiers à défendre les droits des homosexuels-les et des minorités de genre. Un podcast de France Culture retrace le destin hors du commun de ce précurseur, figure majeure mais longtemps oubliée de l’histoire des luttes LGBT+.
    En fin d’article, deux infos sur des expositions à voir à Paris.

    Un précurseur de la sexologie et des droits des minorités de genre

    Le podcast « Magnus Hirschfeld (1868-1935), à la défense du troisième sexe », un documentaire de Camille Desombre réalisé par Julie Beressi et diffusé sur France Culture, revient sur le parcours du médecin et sexologue allemand, figure essentielle, mais longtemps oubliée de l’histoire des droits LGBT+. Né en 1868 en Prusse dans une famille juive, Magnus Hirschfeld se tourne vers la médecine avant de fonder en 1897 le Comité scientifique humanitaire, la première organisation au monde dédiée à la défense des droits des homosexuels-les. Confronté à la criminalisation de l’homosexualité en Allemagne via le paragraphe 175, il milite pour son abrogation et s’appuie sur la science pour démontrer que l’homosexualité est une réalité biologique et non une « déviance ». Hirschfeld introduit également les notions de « troisième sexe » et de « types sexuels intermédiaires », englobant homosexuels-les, personnes trans et intersexes. Il joue ainsi un rôle clé dans l’émergence de nouvelles identités et luttes politiques. En 1919, il fonde à Berlin l’Institut de sexologie, un lieu unique au monde à l’époque, mêlant centre de recherche, bibliothèque, consultations médicales et espace d’accueil pour les minorités de genre et sexuelles. L’institut devient rapidement un refuge pour celles et ceux que la société marginalise et un centre d’avant-garde pour les premières opérations de réassignation sexuelle. À travers les interventions d’experts-es tels-les que Ralf Dose, Agathe Bernier-Monod, Florence Tamagne, Romain Pinteaux et Gerard Koskovich, ce documentaire met en lumière l’importance de son travail et son impact sur la sexologie moderne et les luttes LGBT+.

    Cible des nazis, effacé de l'histoire puis réhabilité

    Si Magnus Hirschfeld est une figure influente sous la République de Weimar, son engagement progressiste le place rapidement dans le viseur de l’extrême droite. Dès les années 1920, il devient la cible de caricatures antisémites et d’attaques physiques orchestrées par des groupuscules nationalistes. En janvier 1933, les nazis prennent le pouvoir et s’attaquent immédiatement à lui : son Institut de sexologie est pillé, puis ses archives et plus de 10 000 ouvrages sont brûlés lors des autodafés de mai 1933 à Berlin. Contraint à l’exil, il meurt en 1935 à Nice, loin de son pays natal. Après sa disparition, son œuvre tombe dans l’oubli pendant plusieurs décennies, éclipsée par la montée du fascisme et la répression des mouvements homosexuels en Allemagne. Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que son héritage est progressivement redécouvert et réhabilité, bien que son travail ne soit pas exempt de controverses. Son approche scientifique, bien qu’innovante, était en partie influencée par les thèses eugénistes alors courantes au sein de la gauche progressiste de l’époque, et ses travaux contenaient des représentations marquées par le colonialisme. Malgré ces paradoxes, son engagement pour la reconnaissance et la protection des minorités sexuelles en fait l’un des précurseurs des luttes LGBT+ contemporaines. À travers ce documentaire, France Culture réinscrit Magnus Hirschfeld dans l’histoire, en interrogeant ses avancées, ses contradictions et l’empreinte qu’il laisse encore aujourd’hui. Une censure qui fait écho avec celle imposée récemment par l’administration Trump concernant les recherches en sciences sociales sur les personnes LGBT+ (en particulier les personnes trans).  Sur BlueSky, Camille Desombre, auteur et documentariste, a commenté la sortie de son documentaire : « Pour Toute Une Vie sur @franceculture.fr, entre décembre et janvier, je suis parti à Berlin et à Paris sur les traces de Magnus Hirschfeld, fondateur de l'Institut de Sexologie. Un docu qui je crois résonnera avec notre sombre actualité, notamment états-unienne ».
    Pour écouter ce podcast en replay.

    En bref, deux expositions à voir à Paris

    Expo : S'éclairer sans fin à la lumière des oeuvres d'Edi Dubien

     

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    Jusqu’au 4 mai prochain, l’écrin délicat et sophistiqué du musée de la Chasse et de la nature, à Paris, accueille une grande exposition monographique consacrée à Edi Dubien. Sculpteur, peintre, dessinateur de haut vol, Edi Dubien est un artiste autodidacte français né en 1963. L’artiste est connu pour ses « œuvres d’une profonde poésie et d’une émouvante humanité », qui explorent des thèmes liés à l’identité, à l’enfance et à la relation entre l’humain et la nature. Dans ses œuvres, enfants au regard mélancolique, animaux souvent fardés et végétaux développent des relations d’échange, de coopération, de métamorphose et, certainement, de consolation, explique l’équipe organisatrice de cette très belle et singulière exposition qui s’ouvre (salle du bas du musée) par un tableau de grand format d’un jeune homme qui fait corps avec des animaux (belette, hibou, écureuil) et des plantes.
    Réunissant plus de 200 dessins, ainsi que des peintures (dont certaines très drôles), des sculptures et des installations, pour la plupart inédites, l’exposition se déploie (c’est un peu la marque de fabrique de la maison) dans tout le musée, dans un « dialogue intime avec la collection permanente, les animaux naturalisés et le grand décor de l'hôtel particulier du XVIIIe siècle qui abrite l'institution ».
    Dans son rapport à la nature (plantes comme animaux), Edi Dubien aborde la question de l'identité et de ses déplacements dans ses portraits. « Son travail exprime un intime questionnement sur le genre, l’assignation et la construction de soi, et reflète son parcours personnel », explique le musée.
    Exposition « S’éclairer sans fin », par Edi Dubien, jusqu’au 4 mai au musée de la Chasse et de la Nature.
    62, rue des Archives. 75003 Paris.
    Tél. : 01 53 01 92 40.
    Métros : Hôtel de Ville (ligne 1), Rambuteau (ligne 11), Arts et Métiers (ligne 3 et 11), Etienne Marcel (ligne 4)
    Bus : 29 68 75.
    Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 11h - 18h.
    Nocturnes les mercredis : 18h - 21h30.

    Expo : l'Intime, de la chambre aux réseaux sociaux au musée des Arts décoratifs

    C’est une exposition surprenante que propose le Musée des arts décoratifs de Paris jusqu’au 30 mars 2025. Elle nous embarque dans un voyage souvent étonnant « au cœur de nos jardins secrets à travers une histoire de l’intime du XVIIIe siècle à nos jours ! ». Pour ce faire, les commissaires de l’exposition ont retenu quelque 470 œuvres, peintures et photographies, mais aussi des objets d’art décoratifs, des pièces de mobilier, des accessoires du quotidien (de l’urinoir au miroir, du bâton de rouge à lèvres à la coiffeuse
    et des créations de design qui s’efforcent de nous faire comprendre comment l’intime a évolué. L’intime, ici, aborde bien des aspects : le couple (qu’il soit marié ou pas), la toilette et l’hygiène, la sexualité, la nudité, le rapport aux fluides (la sueur, l’urine, les selles, etc.). Les photographies qui ont été retenues marquent tout particulièrement comme celles de Nan Goldin et de Zanele Muholi. Marquants aussi les très beaux dessins sensuels de David Hockney ou le magnifique tableau d’Edouard Vuillard qui ouvre l’exposition. La huitième salle de l’exposition est consacrée aux « Sexualités : du livre aux sex-toys ». « La représentation des sexualités a fait l’objet de multiples censures. Au XVIIIe siècle, siècle libertin, les images érotiques liées au registre intime se répandent, mais demeurent soumises au « male gaze » ou regard de l’homme sur la femme, y compris dans la représentation des amours féminines. Quant à l’homosexualité, elle est rarement illustrée et jugée négativement. Des débats naissent dès le XVIIIe siècle sur des thèmes comme le « droit de cuissage », faisant éclore la question du consentement. Au XIXe siècle, les tabatières utilisées par les hommes pour chiquer s’ornent d’images pornographiques, dans la continuation du siècle précédent. De nouveaux objets apparaissent dès le début du XXe siècle révélant un souci du plaisir féminin jusqu’à devenir des objets de grande consommation à partir des années 1960- 1970 aux États-Unis : les vibromasseurs. Aujourd’hui, les designers créent des objets destinés au plaisir pour toutes les sexualités », explique un des textes (tous excellents) rédigés par Christine Macel, commissaire générale de l’exposition. Il reste quelques jours encore pour découvrir cette surprenante et très éclairante exposition.
    « L’intime : de la chambre aux réseaux sociaux », jusqu’au 30 mars au Musée des Arts décoratifs. 107, rue de Rivoli. 75001 Paris. Infos au 01 44 55 57 50. Métro : Palais-Royal, Pyramides ou Tuileries.
    Bus : 21, 27, 39, 68, 69, 72, 95.
    Ouvert tous les jours de 11h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.