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Brutale ! Elle l’est sans doute la couverture de Remaides que vous avez en mains. Elle témoigne de notre profonde inquiétude et de notre colère à l’issue des deux derniers grands rendez-vous de la lutte contre le sida : la conférence de Durban, cet été et celle de reconstitution des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida à Montréal, cet automne. Notre inquiétude vient du panorama mondial de la lutte contre le VIH qu’ont dessiné les interventions et présentations à Durban. Bien sûr, des efforts importants ont été réalisés ces dernières décennies. Des progrès notables ont été accomplis en prévention, dans la prise en charge, l’accès aux traitements. Mais, il faut bien constater qu’ils n’ont pas suffi à enrayer l’épidémie. Celle-ci ne recule pas ; dans certaines régions, elle progresse même. En Europe orientale et Asie centrale, par exemple, les nouvelles infections ont augmenté de 57 % entre 2000 et 2015. La couverture en antirétroviraux atteint 21 %. Le nombre de décès a triplé entre 2000 et 2014.
Alors, où en sommes-nous ? Chaque mois, 100 000 personnes meurent du sida dans le monde ; 160 000 personnes sont nouvellement infectées. On nous explique — pour nous rassurer ? — que de grands progrès ont été obtenus dans l’accès aux traitements. C’est vrai. Mais comment s’en contenter puisqu’au niveau mondial, la couverture en antirétroviraux n’est aujourd’hui que de 46 % ; qu’elle atteint péniblement 24 % en Afrique de l’Ouest et centrale. Inquiétude aussi car nous n’arrivons pas collectivement à supprimer toutes les barrières qui subsistent et qui nous empêchent d’être plus efficaces contre l’épidémie. De nombreux travaux scientifiques, présentés à Durban, ont montré où se situaient les blocages et leurs conséquences. Là encore, les chiffres sont parlants : 13 millions de travailleuses et travailleurs du sexe, près de huit millions de personnes consommatrices de drogues injectables, 16 millions d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, un million de femmes trans n’ont pas accès à des services de prévention, de dépistage et de soin qui leurs sont adaptés. Autre exemple : l’intérêt de la PrEP (prophylaxie pré-exposition) est largement reconnu et scientifiquement validé. Pourtant, seuls six pays au monde l’ont mise en place. Cet outil efficace pour les groupes les plus exposés semble, de façon assez inexplicable, dédaigné. J’y vois comme un symbole et le signe d’une incompréhension majeure des moyens d’en finir avec l’.épidémie. Nous ne pourrons pas en finir avec le VIH si certains s’obstinent à ignorer les besoins des groupes et populations les plus exposés. Nous ne pourrons pas roussir si certains continuent de bafouer leurs droits, de leur refuser l’accès aux soins et à tous les outils de prévention. Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe, un peu partout dans le monde, à des degrés divers, sans que personne ne semble en mesure d’inverser le mouvement.
La colère, elle, est en réaction à l’optimisme béat de certains, à une certaine forme de fatalisme, au renoncement, au manque à la parole donnée. De cela, nous avons pu voir les conséquences à la conférence de Montréal. Il est incompréhensible que des organisations non gouvernementales importantes de la lutte contre le sida reprennent à leur compte les arguments de la crise et se bornent à demander le minimum syndical en matière de financement. Il est incompréhensible, alors que tous les signaux sont au rouge, de choisir le statuquo comme l’ont fait les autorités françaises. Il est surprenant et pénible de voir, à l’issue de la conférence de Montréal, le contentement quasi général d’avoir réuni treize milliards de dollars pour le Fonds mondial étalés sur trois ans. La seule question qui vaille est : "Est- ce suffisant ?" La réponse est non. L’Onusida l’explique d’ailleurs très bien1. Les pays riches, les pays en développement et le secteur privé "doivent s’unir pour accroître les investissements globaux dans la prévention et le traitement contre le VIH de 19 milliards de dollars disponibles en 2014 à 26 milliards de dollars par an d’ici à 2020". Nous sommes bien loin du compte. Elle naît de là la colère : de voir que certains acteurs et décideurs ne semblent toujours pas comprendre qu’il est réellement possible de mettre fin à l’épidémie de sida dans le monde, que les outils existent et qu’ils marchent. La fin de l’épidémie n’est plus une utopie, mais à la condition d’accélérer la riposte, d’abord en atteignant les objectifs fixés par l’ONUSIDA pour 20202. Pour cela, il faut investir davantage, faire plus, faire mieux. Certains s’y refusent ou y renoncent.
Sans doute, est-elle brutale cette image… Soyons de plus en plus nombreux à nous inquiéter, à éprouver cette colère. C’est ainsi que nous obtiendrons que la réalité soit tout autre.
Aurélien Beaucamp, président de AIDES
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Accélérer l’action pour mettre fin au sida, ONUSIDA, rapport de la réunion de haut niveau 2016 sur la fin du sida, Assemblée générale des Nations Unies, 8-10 juin 2016.
Assemblée générale des Nations Unies, 70ème session, avril 2016.