Par Jean-François Laforgerie
 

Cannabis : une enquête et des retours d'expériences sur la légalisation

 
La légalisation du cannabis aux États-Unis est engagée depuis longtemps. Il était temps d’en faire le bilan. Une enquête et des retours d’expériences font l’objet d’un rapport réalisé par l’OFDT à ce sujet. L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives vient également de publier un article sur la légalisation du cannabis en Allemagne, se demandant s’il ne s’agissait d’une « réforme contrariée ». De son côté, la Californie va autoriser les cafés dédiés au cannabis, tandis qu’en France, sous la plume d’Agnès Cadet-Taïrou, chercheuse à l’OFDT, on s’interroge sur  « Alcool, alcoolisation, alcoolisme, dépendance, addiction : définitions et chiffres français ». La rédaction de Remaides sur le point.
 

La légalisation du cannabis aux Etats-Unis : une enquête, des retours d'expériences et un rapport de l'OFDT

L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a récemment publié les résultats de l’enquête Astracan (Pour une analyse stratégique des politiques de régulation du cannabis). Elle porte sur les pratiques de régulation dans trois juridictions américaines — État de Washington, Oregon, Californie — dans le cadre de la légalisation du cannabis à usage « récréatif ». Comme l’expliquent les auteurs-rices du rapport, la légalisation du cannabis est « avant tout un processus complexe d’une transition vers la sphère légale ». « Il s’agit pour les autorités publiques de construire les conditions d’émergence d’un marché utile à l’économie locale capable de supplanter une économie souterraine florissante, mais en poursuivant également des objectifs de santé publique et de justice sociale », expliquent-ils-elles. Ce rapport met en lumière la grande diversité des modèles de régulation du cannabis, un système de gouvernance complexe, ainsi que la dynamique puissante de l’innovation commerciale accompagnant la légalisation. En fin de rapport, les auteurs-rices reviennent sur un point clef. Une des promesses de la légalisation est, en effet, d’apporter, via les recettes fiscales, des ressources permettant de renforcer le financement de programmes d’intérêt public, en particulier la prévention et la prise en charge des personnes usagères de drogues, mais aussi le suivi épidémiologique de la légalisation permettant d’évaluer son impact sur les comportements d’usage et ses effets sanitaires. Qu’en est-il en pratique ? Les auteurs-rices expliquent que « les recettes fiscales générées par la légalisation ont rapidement augmenté dans tous les États, stimulées par les chiffres de ventes. La Californie se distingue des autres États par les volumes de recettes fiscales collectées, dépassant un milliard de dollars par an. Par exemple, en 2023, la Californie a collecté 1,1 milliard de dollars de recettes fiscales, contre 142 millions de dollars dans l’Oregon (uniquement au titre de la taxe d’État). Le marché du cannabis s’est révélé très porteur et profitable pour les États. Ainsi, dans l’État de Washington, chaque année depuis 2019, les recettes fiscales liées à la vente de cannabis dépassent le produit fiscal généré par la vente d’alcool ».

La légalisation du cannabis en Allemagne : une réforme contrariée ?

L’Allemagne est le premier grand pays de l’Union européenne à légaliser le cannabis à usage personnel. « Si cette réforme marque un changement radical d’approche dans la politique des drogues, elle a été édulcorée par rapport au projet de loi initial de la nouvelle coalition tripartite au pouvoir, pour tenir compte des réserves de la Commission européenne et de certains Länder. La légalisation « à l’allemande » est très strictement encadrée et néanmoins contestée, illustrant les controverses en Europe entourant le statut légal du cannabis ». Telle est l’analyse développée par Ivana Obradovic, politiste, spécialisée dans l’analyse des politiques publiques liées aux drogues et directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) dans un article (La légalisation du cannabis en Allemagne : une réforme contrariée ?) de l’OFDT, consultable gratuitement en ligne.

La Californie va autoriser les cafés dédiés au cannabis

À partir de 2025, les cafés dédiés au cannabis seront autorisés en Californie. L’État a légalisé l’usage récréatif de la plante en 2016. Ce changement est important pour le secteur légal car, malgré la légalisation du cannabis, les magasins qui le vendent restent bien moins populaires que le marché noir, souligne l’AFP. « À l’heure actuelle, nos petites entreprises de cannabis ont du mal à rivaliser avec les vendeurs de drogues illégales qui ne respectent pas la loi et ne paient pas d’impôts », a expliqué l’auteur de la loi, Matt Haney, en saluant son adoption, cité par Le Monde. Le texte, promulgué lundi 30 septembre par le gouverneur démocrate Gavin Newsom, rentrera en vigueur au 1er janvier prochain. Il autorise les commerces vendant du cannabis à servir des plats chauds et des boissons non-alcoolisées.

Alcool, alcoolisation, alcoolisme, dépendance, addiction : définitions et chiffres français

Dans son article intitulé « Alcool, alcoolisation, alcoolisme, dépendance, addiction : définitions et chiffres français », Agnès Cadet-Taïrou, chercheuse à l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, propose quelques repères pour appréhender les évolutions des usages d’alcool en France. Première observation : la décision publique en matière de prévention des risques de l’usage d’alcool y est fortement contrainte par le poids économique et l’influence de la filière vinicole. Deuxième donnée, la multiplicité des termes et l’évolution des concepts qui décrivent les usages d’alcool créent de la complexité. Troisièmement, la consommation d’alcool des Français-es continue de régresser. L’âge d’initiation recule. La baisse des niveaux d’usage des lycéens-nes s’intensifie depuis 2018, y compris pour la pratique des alcoolisations ponctuelles importantes (API). La part des usages quotidiens devient marginale chez les jeunes adultes. La pratique des API n’est pas réservée aux jeunes générations, notamment chez les hommes. Enfin, les repères de consommation sont relativement bien connus, mais pas toujours respectés pour autant. De fait, la consommation d’alcool des Français-es demeure très élevée au regard de ses conséquences : seconde cause de mortalité évitable, on l’estimait responsable de 41 000 décès en 2015.