L’actu vue par REMAIDES : « Jeux Olympiques : la promesse trahie »
- Actualité
- 10.07.2024
© Anthony Leprince pour Studio Capuche
Par Paul Rey-Fauvinet
Jeux Olympiques : la promesse trahie
La bouche en cœur, ils-elles nous l’ont promis, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris vont déboucher sur une société plus inclusive. Merci Monsieur Macron, merci les membres du gouvernement, merci le comité d’organisation des jeux (COJO), de ces belles avancées sociales que vous nous apportez, vraiment. Grâce à une chouette mobilisation policière sans précédent, vous arrivez enfin à nettoyer le bas de ma rue à Stalingrad, de tous-tes ces consommateurs-rices de crack qui m’empoisonnent l’existence. Leur courir après jour et nuit, casser leur matériel stérile distribué par les associations, les fatiguer en les empêchant de s’asseoir sur les bancs publics et sur le mobilier urbain, ce sont de très belles idées innovantes. Grâce à ces actions de pointe qui font honneur à la créativité policière, nous pouvons espérer qu’aucun-e touriste ne tombera sur elles-eux cet été, c’est précieux ! D’ailleurs, ne pas leur proposer d’alternative dans le parcours de santé, c’est brillant ! Nos finances publiques s’en porteront d’autant mieux.
Comme vous êtes sur tous les fronts et d’une particulière efficacité, vous arrivez également à nettoyer les abords des sites olympiques de tous-tes les migrants-es et sans-abris. Courir après et frapper une personne en situation irrégulière vendant des brochettes sur le parvis de la gare de Saint-Denis, c’est tellement plus judicieux que d’essayer d’accélérer sa procédure de demande d’asile pour l’insérer dans la société. Je dois dire aussi que je suis conquis par ces expulsions de sans-abris en dehors de l’Île-de-France. Que chacun-e prenne sa part, Paris ne peut plus accueillir toute la misère du monde ! Mais surtout, qu’on puisse profiter sereinement de ces JOP et se donner quelques jours de répit face au danger permanent que représentent ces précaires ensauvagés pour nous et nos enfants.
Vous n’oubliez pas non plus de préserver notre patrimoine culturel, c’est notable. Raser les buissons du jardin des Tuileries où des hommes sans honte pratiquent du sexe déviant au pied du Palais du Louvre, c’est restaurer la grandeur de la France ! Et puis, ils trouveront bien à pratiquer ailleurs, ces gens-là. Certains tout de même — c’est hilarant — considèrent que l’existence de ce lieu de débauche, depuis le 18e siècle, en ferait un lieu de culture. Quelle outrecuidance ! Nos visiteurs-ses méritent mieux, pas question de leur offrir ce spectacle. Ne vous laissez pas influencer par ces associations qui vous disent que ça éloignera les occupants des buissons de la prévention et du soin, c’est peut-être vrai, mais ils sont adultes, qu’ils se responsabilisent.
Au risque de vous paraître trop flatteur, en vous attaquant à la prostitution, c’est la société tout entière que vous améliorez. Brutaliser, utiliser la force contre les travailleurs-ses du sexe aux bois de Boulogne et de Vincennes, c’est un mal pour un bien. Prendre des arrêtés anti-stationnement, quelle idée de génie ! Mettre des contraventions et assécher les revenus de ces pauvres prostituées les remettra dans le droit chemin : il suffit de traverser le bois pour trouver un emploi, n’est-ce pas ? Au moins pourrons-nous nous reposer de l’effervescence de ces JOP tranquillement et en famille, lors d’un après-midi au bois.
Alors, inclusifs ces JOP, vraiment ?
Nos décideurs-ses méritent surtout la médaille d’or de l’hypocrisie. En réalité, ces JOP servent un projet politique. Ils-elles justifient un nettoyage social de grande ampleur, fondé sur du tout-répressif et l’usage de la force, sans considération sociale, ni sanitaire. Dans leur tentative de régaler l’électorat d’extrême droite, l’exécutif préfère montrer les muscles et mettre la poussière sous le tapis, instrumentaliser et persécuter les plus précaires plutôt que de leur proposer des solutions durables.
Les associations alertent et il est temps de les écouter : ces JOP sont un désastre social et sanitaire, bien loin de la promesse d’inclusion. Les situations décrites plus haut ne sont pas fictives, elles ont été rapportées et documentées par mes collègues militants-es de AIDES, et remontées à la Défenseure des Droits.
Les sans-abris méritent des centres d’hébergement et un accompagnement social vers la réinsertion, pas d’être délogés-es tous les deux jours. Les migrants-es qui ont fui la misère ou la persécution méritent une procédure assouplie de demande d’asile et un accueil digne, pas d’être pointés-es du doigt et considérés-es comme des envahisseurs-ses. Les travailleurs-ses du sexe méritent d’être protégés-es de leurs clients violents, pas d’être pourchassé-es et amenés-es à se cacher au plus profond du bois, là où ils-elles s’exposent à encore plus de violence. Les hommes qui aiment les hommes et pratiquent le sexe dans les buissons méritent une prévention face aux risques sexuels, pas qu’on leur enlève les rares espaces où ils peuvent enfin exprimer leur différence, leur préférence, sans être jugés.
Sur le podium des valeurs de nos décideurs-ses : brutalité, renoncement, démagogie. Paris 2024 : vive les jeux olympiques de l’exclusion.
Paul Rey-Fauvinet est volontaire et référent JOP (Jeux olympiques et paralympiques) pour AIDES Île-de-France