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    L’Actu vue par Remaides : « Hépatites virales en France… le début de la fin ? »

    • Actualité
    • 25.10.2024

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    Hépatites virales en France...
    le début de la fin ?

     
    Où en est-on de l’élimination des hépatites virales en France ? Spécialiste des hépatites virales, le professeur Stanislas Pol (Université de Paris, Hôpital Cochin, AP-HP, Département d’hépatologie) répond que nous sommes sur « le chemin ». Cet expert a écrit le texte d’ouverture d’un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) qui « illustre la situation française en 2024 de différents axes d’élimination, les méthodes, leur faisabilité, les résultats et leurs limites, permettant d’identifier de nouvelles pistes pour concrétiser l’espoir d’une élimination ». « L’amélioration du dépistage des hépatites virales reste l’axe crucial et sa précocité, l’acuité des techniques et leur répétition en cas de persistance de l’exposition aux risques optimisent la cascade de soins », avance l’hépatologue. L’Actu vue par Remaides revient sur les infos clefs de ce numéro.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé pour objectif l’élimination des infections par les virus des hépatites chroniques d’ici 2030. Elle est définie par une réduction de 10 % de la mortalité, l’accès au diagnostic de 90 % des personnes infectées et aux traitements de 80 % d’entre elles, rappelle le Pr Pol. L’expert constate que cet « objectif ne sera probablement pas atteint pour l’ensemble des pays, même si quinze pays à haut revenu [dont la France] sur quarante sont sur la voie de l’élimination grâce à des politiques proactives, intégrant les trois piliers d’une politique d’élimination efficace incluant dépistage, accès aux soins et aux traitements (préventifs, comme la vaccination, et antiviraux), et suivi des patients ».
    Aujourd’hui, une des difficultés qui se posent est que la détection du VHC se fait par la « positivité du test sérologique », puis la « détection de l’ARN VHC par une technique sensible de biologie moléculaire sur un second échantillon biologique ». « C’est une limite, particulièrement pour les populations vulnérables (usagers de drogues, migrants, travailleurs du sexe) pour lesquelles l’observance des recommandations reste aléatoire et l’altération du réseau veineux chez les usagers de drogues peut constituer un frein majeur au dépistage », explique le professeur Pol. Pour cette raison, le dépôt de sang capillaire sur papier filtre (DBS) est largement utilisé et son évaluation dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) et les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) a fait l’objet d’une étude (voir plus bas). Elle confirme la faisabilité de cette modalité de dépistage, montrant un taux de positivité élevé des marqueurs sérologiques d’infection par les VHC, VHB et VIH (respectivement 16,3 %, 1,3 % et 1,3 %) dans ces structures où 55 % des personnes avaient un ou plusieurs facteurs de risques d’exposition aux virus des hépatites.
    Chez les personnes usagères de drogues, la nécessité du dépistage et sa répétition, du fait de la permanence du risque infectieux est un des axes pour en finir avec l’épidémie de VHC. On sait que la guérison de l’hépatite C permet une réduction de 50 % des nouvelles infections dans les communautés exposées au risque. Se pose aussi l’enjeu de l’accessibilité aux antiviraux à action directe. Une étude a porté sur cette question. Elle montre les variations temporelles et régionales de la primo-prescription d’antiviraux à action directe du VHC (AAD) par les médecins généralistes, autorisée en 2019 pour augmenter l’accès aux traitements. Les résultats sont plutôt décevants (voir plus bas) puisque ce ne sont que 2,7 à 8,3 % des personnes primo-traitées selon les régions qui le sont par leur médecin généraliste, pour près de 16 000 personnes éligibles à une prise en charge simplifiée selon les recommandations de la Haute Autorité de santé.

    Dans sa conclusion, le professeur Pol explique que la « France reste bien placée dans la perspective de l’élimination des hépatites virales  B, C et D. L’évaluation de la triade d’élimination dépistage/accès aux soins/traitements antiviraux et vaccination antivirale B obligatoire montre que les politiques proactives d’accès au dépistage et aux traitements ont déjà porté leurs fruits, mais elles devront être amplifiées pour faciliter l’accès aux populations défavorisées (dépistage du VHB, qui sera gratuit avec le IST-Test pour les moins de 26 ans, et vaccination des migrants, amplification des politiques de réduction des risques). Les traitements curatifs supposent que le dépistage d’amont ait été effectué, et le « reflex testing » systématique, possible pour VHB/VHC et VHD, est une façon d’améliorer la cascade de soins. L’histoire du VHB et la disponibilité du vaccin depuis 1980 qui promettait une éradication du VHB pour l’an 2000 nous invite à l’humilité et à la vigilance : les outils efficaces et le dévouement des acteurs de terrain ne suffisent pas ; ils doivent être doublés d’une volonté politique internationale sans faille pour l’élimination ».

    Le dépistage des hépatites virales et du VIH dans les Csapa et les Caarud en France entre 2018 et 2023

    Les Csapa (centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) et les Caarud (centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) sont des structures médico-sociales d’addictologie. L’activité de dépistage des hépatites virales (B, D et C) et du VIH a été évaluée dans 26 de ces structures sur une période de six ans (2018-2023), et ce à partir de sang déposé sur buvard. Au total, 588 personnes, majoritairement des hommes (81 %) âgées en moyenne de 44,4 ans ont été dépistées pour un ou plusieurs virus. Trois cent vingt-trois (54,9 %) ont rapporté un ou plusieurs facteurs de risque (usage de drogues, rapports sexuels non protégés par capotes ou traitements). Plus d’un tiers des personnes (33,5 %) évaluées avaient une fibrose significative (≥ au stade F2) dont 11,2 % avaient une cirrhose. Le taux de positivité du VHC (infection active), VHB et VIH était respectivement de 16,3 %, 1,8 % et 1,3 %. Parmi les 96 personnes nouvellement diagnostiquées pour le VHC, 80 ont reçu un traitement par antiviraux à action directe (AAD). La proportion de personnes ayant obtenu une guérison virologique était de 90 %. Pour les personnes nouvellement dépistées pour le VHB (quatre) ou le VIH (deux), quatre ont débuté un traitement anti(rétro)viral.
    Trois cent vingt-trois personnes (54,9 %) ont rapporté un ou plusieurs facteurs de risque. « La consommation de drogues était le facteur de risque le plus souvent rapporté (97,5 %). Les substances psychoactives les plus fréquemment consommées étaient la cocaïne et son dérivé le crack, suivis par l’héroïne, les opiacés et le cannabis. Les modes de consommation les plus fréquents étaient l’injection, suivie par la fumée, le sniff et la voie orale. Quarante personnes recevaient un traitement de substitution aux opiacés (TSO) par buprénorphine (17,5%) ou méthadone (75,0 %). »
    Dans leur conclusion, les chercheurs-ses soulignent deux points :
    - le dépistage des virus des hépatites et du VIH à partir de « dépôt de sang capillaire sur papier filtre (DBS) (…) dans les structures médico-sociales d’addictologie est faisable et facilement implantable sans renforcement de personnels » ;
    - les taux de positivité pour le VHC (infection active), VHB et le VIH étaient largement supérieurs aux prévalences observées dans la population générale. La plupart des cas nouvellement diagnostiqués ont pu bénéficier d’une prise en charge thérapeutique.
    Source : Chevaliez S, Garrigou O, Ortonne V, Carmona D, Bourdel A, Canva  V, et  al. Dépistage des hépatites virales et du VIH dans les structures médico-sociales d’addictologie (CSAPA et Caarud), France, 2018-2023. Bull Épidémiol Hebd. 2024.

    Dépistage et diagnostic des hépatites B et C en Cegidd en 2022

    Quel est l’activité de dépistage et de diagnostic des hépatites B et C dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (Cegidd) pour l’année 2022 ? Cette question a fait l’objet d’une étude qui s’est appuyée sur les données de la surveillance SurCeGIDD. Elle repose sur l’envoi sécurisé à Santé publique France des données individuelles concernant les consultants-es en Cegidd. Les tests de dépistage et les diagnostics des hépatites B et C ont été analysés en fonction des caractéristiques sociodémographiques et des comportements sexuels, explique Santé publique France dans un article publié par le BEH.
    En 2022, 529  453  consultations ont été rapportées par 76 % des 304 cegidd recensés en France, un taux de participation en nette augmentation (62,4 % en 2021, 50,3 % en 2020, 45 % en 2018). Les consultants-es étaient majoritairement des hommes cis (64 %) et des jeunes de moins de 30 ans (60 %). « Un total de 141 989 et 141 718 sérologies de l’antigène AgHBs et des anticorps Ac anti-VHC ont été analysées. Les taux de positivité étaient de 1,1% pour l’AgHBs et 0,7 % pour les Ac anti-VHC (dont 12 % étaient positifs pour l’ARN viral). Ces taux étaient plus élevés chez les personnes nées à l’étranger (4 % pour le VHB et 1,6 % pour le VHC), les hommes cis hétérosexuels (0,8 % pour le VHB) et les personnes transgenres (1,4 % pour le VHB et 1,4 % pour le VHC), et les hommes cis ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) (0,5 %) pour le VHC », détaille le BEH. Les taux de positivité étaient plus élevés parmi les personnes ayant consulté en Guyane, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France pour le VHB, dans le Grand Est pour le VHC et en Centre-Val de Loire pour les deux virus. Dans sa conclusion, l’équipe de recherche rappelle que « les hépatites virales B et C restent un problème majeur de santé publique en raison des complications à long terme qu’elles peuvent entraîner (cirrhose du foie, carcinome hépatocellulaire) ». Ces maladies « touchent de manière disproportionnée certaines populations, comme le montrent les taux de positivité élevés observés en cegidd chez les personnes nées à l’étranger et celles en situation de précarité sociale (bénéficiant d’une Puma/CSS/AME ou sans couverture maladie, ou sans emploi) ». « Dans un objectif d’élimination des hépatites virales en France, les cegidd jouent donc un rôle important dans la stratégie de dépistage et de diagnostic, car ils permettent d’atteindre des populations particulières (des personnes à haut risque d’infection par le VHB et le VHC, vulnérables et ayant peu ou pas d’accès au système de santé). Il est donc primordial de maintenir/améliorer la participation des cegidd à la surveillance SurCeGIDD et la complétude des données recueillies. »
    Source : Tamandjou  C, Delmas  G, Chazelle  É, Lot  F, Brouard  C, Comité d’appui thématique SurCeGIDD, et  al. Dépistage et diagnostic des hépatites B et C en CeGIDD en 2022, surveillance SurCeGIDD. Bull Épidémiol Hebd. 2024.

    Traitement du VHC : variations temporelles et régionales des primo-prescriptions d'antiviraux à action directe par les médecins généralistes

    Depuis mai 2019, la « primo-prescription » (prescription initiale) des antiviraux à action directe (AAD) pour le traitement du VHC, initialement réservée aux spécialistes exerçant à l’hôpital, a été élargie à l’ensemble des médecins, pour les personnes éligibles à une prise en charge (PEC) « simplifiée ». Une équipe de recherche s’est fixée pour objectifs de « décrire les variations temporelles et régionales de la part des primo-prescriptions d’AAD effectuées par les médecins généralistes libéraux » et d’en étudier « les facteurs associés en France hexagonale entre 2019 et 2022 ». Les personnes adultes résidant en France hexagonale ayant reçu une primo-prescription d’AAD entre mai 2019 et décembre 2022 ont été identifiées dans le Système national des données de santé (SNDS).
    Parmi les 22 353 personnes identifiées, 1 101 (4,9 %) ont reçu une primo-prescription d’AAD par un-e médecin généraliste. Le pourcentage de primo-prescriptions d’AAD par un-e médecin généraliste variait de 2,7 % en Pays de la Loire à 8,3 % dans le Grand Est. Chez les 15 938 personnes éligibles à une PEC simplifiée, ce type de prescription concernait 855 personnes (5,4 %). « En analyse multivariée ajustée sur la région de résidence, la primo-prescription d’AAD par [un-e médecin généraliste] était plus fréquente chez les personnes ayant reçu des traitements de substitution aux opiacés, et moins fréquente chez celles bénéficiant de l’aide médicale de l’État (AME) ou résidant dans un désert médical », analyse l’équipe dans un article du BEH. Dans sa conclusion, l’équipe de recherche estime que « la primo-prescription des AAD en médecine générale demeure très minoritaire en France hexagonale, avec des différences marquées selon les régions ». « Dans l’objectif d’élimination de l’hépatite C, il est important de soutenir et d’encourager cette pratique, en particulier dans les territoires où le maillage de soins de santé de proximité reste suffisant », souligne-t-elle. Elle fait aussi état de différences marquées selon les groupes concernés, notamment les personnes usagères de drogues. « Alors que le nombre d’initiations de traitement de l’hépatite C diminue, la prescription d’AAD par les médecins généralistes, acteurs majeurs du dépistage de l’infection par le VHC, constitue un levier d’action significatif pour l’élargissement de l’accès aux traitements de l’hépatite C. Il est important de soutenir et d’encourager les [médecins généralistes] à intégrer la prescription d’AAD à leurs pratiques, partout où cela est possible ».
    Source : Marcellin F, Di Beo V, Brouard C, Ramier C, Allier Y, Mourad A, et al. Traitement de l’hépatite C : variations temporelles et régionales de la part des primo-prescriptions d’antiviraux à action directe par les médecins généralistes et facteurs associés, projet ANRS Fantasio 2, France hexagonale, 2019-2022. Bull Épidémiol Hebd. 2024.