L'actu vue par REMAIDES : "1er décembre en France : des chiffres, des pistes et quelques moments forts"
- Actualité
- 12.01.2024
© Cédric Daniel
Par Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie
1er décembre en France : des chiffres, des pistes et quelques moments forts
Comme chaque année, le 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, a connu son lot de rapports officiels, d’interventions, de présentations des données épidémiologiques récentes pays par pays, dont la France. Cette période a aussi été l’occasion de quelques temps forts. L’équipe de Remaides fait le point sur quelques infos clefs, analyses et événements.
On "marche" à Paris !
Dix-huit heures. Les larges portes de l’entrée principale du cimetière du Père Lachaise sont déjà fermées. Devant elles, des militants-es d’Act Up-Paris, l’organisateur historique de la Marche du 1er décembre à Paris, règlent la sono et les derniers préparatifs pour les futures prises de paroles. Régulièrement des participants-es, venus-es à l’appel d’associations de lutte contre le sida et de défense des droits des personnes LGBT+ (Act Up-Paris, Sidaction, AIDES, Le PASTT, l’Inter-LGBT, la fédération Parapluie rouge, le Patchwork des noms, le Planning familial, etc.), rallient le point de rendez-vous de la Marche. Ils-elles seront plusieurs centaines à marcher depuis ce site jusqu’à République. Cette année, Act Up-Paris commémore les 25 ans de sa permanence des droits sociaux. Pour cette édition 2023, l’association a retenu comme slogan de la Marche : « Séropos, précaires : la France nous préfère morts-es ! », un slogan éprouvé qui correspond bien à l’air du temps comme on l’a compris à l’écoute des différentes prises de paroles dont celles des Mains paillettes (Association sourds-es. queer et signants-es.), du Planning familial, de la Fédération Parapluie rouge (TDS) et d’Act-Up Paris. Elles ont toutes exprimé de la colère, de l’inquiètude aussi et l’envie de se battre.
Médias : le VIH passe (un peu) dans l'ombre !
Le phénomène n’est certes pas nouveau, mais on peut avoir l’impression qu’il s’intensifie. Cette année, quasiment aucun grand journal de presse écrite n’a mis le VIH en une. Et le seul quotidien qui l’a fait a commis la bourde de l’année (on y revient). Pas de gros titre, ni même de mention du VIH, de la Journée mondiale en une de Libé (ni même la veille d’ailleurs) ; pas davantage en une du Monde, du Figaro, etc. Cette année aura néanmoins été marquée par la venue en France de Romuald, qui vit avec le VIH depuis 1989, connu sous le nom du « patient de Genève ». Il s’agit d’un cas de « rémission profonde » du VIH suite à une greffe de moelle dans le cadre du traitement d’une leucémie. Romuald a a accordé plusieurs interviews dont une au Parisien (30 novembre) titrée : « Je n’y croyais pas » : Romuald nous raconte comment il a vaincu le VIH » et une autre à France Inter où il était l’invité de Sonia Devillers. Il a aussi accordé une interview à Remaides qui devrait être publiée dans le numéro de printemps du journal, en mars prochain.
Même si les grands quotidiens ont joué les abonnés absents le D day… la plupart des titres ont publié sur le VIH sur leurs sites web. Le Monde a choisi un des angles les plus intéressants du contexte actuel français : « VIH : les migrantes d’origine subsaharienne, victimes oubliées du virus en France ». De son côté, Libération (1er décembre) a consacré un article aux personnes nouvellement diagnostiquées : « Ils ont découvert leur séropositivité cette année : « D’anciens partenaires ont tenu des propos insultants » Quant au Figaro (santé), il a proposé (1er décembre) un très costaud dossier sur avancées de la recherche fondamentale ou clinique : « Microbiote, « natural killers », thérapie génique : les nouvelles pistes de recherche contre le VIH-sida ». De son côté, France 24 (1er décembre) a traité du VIH au Kenya, sous l’angle : « Les travailleurs du sexe moins exposés grâce aux traitements préventifs gratuits ». International encore avec La Croix (1er décembre) qui a consacré un article à cette info : « VIH : les nouveaux cas en hausse de 30 % dans l’Union européenne ». Enfin, les sites d’infos communautaires (LGBT+, VIH/sida…) ont publié ou relayé qui des articles, qui des tribunes, etc.
Prep : carton rouge et amende honorable pour 20 minutes
Rageant. Le seul quotidien qui a mis le VIH à l’honneur de sa une le 1er décembre a décidé de titrer contre la Prep: « Journée contre le sida. Au plus Prep des risques », assorti de ce sous-titre : « Le recours au traitement préventif contre le VIH aurait tendance à réduire les précautions et augmenter les autres infections transmissibles ». Une prouesse en 2023 ! Un titre qui a valu de nombreux commentaires catastrophés et critiques au journal gratuit. « En fait, si c’est pour discréditer le SEUL outil de prévention qui a permis de faire baisser la courbe des contaminations de façon spectaculaire dans les villes où elle est déployée : ne parlez pas du VIH ! Cette Une de @20Minutes est une HONTE ! », a ainsi tweeté Fred Lebreton, journaliste à Remaides. Les protestations ont été si nombreuses et si fortes que le journal a finalement fait son mea culpa : « @20Minutes avait choisi aujourd’hui de consacrer sa Une à la Journée internationale contre le sida, conscient que la sensibilisation et l’appel à la prévention auprès du plus grand nombre demeure encore crucial. Notre rédaction a voulu aborder en particulier la question de la Prep. Ce traitement préventif est un moyen efficace contre le VIH et a résolument participé à endiguer la propagation du virus. Nous tenons à clarifier que, contrairement à ce que notre Une pourrait lassier penser, il n’existe pas de corrélation directe entre l’utilisation de la Prep et une augmentation des IST (…). Cette nuance est cruciale pour une compréhension précise de la situation, et nous présentons nos excuses à nos lecteurs cette formulation maladroite et erronée, ne reflétant pas le contenu de l’article ». « Trop tard, le mal est fait » ont commenté de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux, ironisant sur le fait que ce mea culpa publié sur Twitter et Instagram n’aura pas la même visibilité que la Une controversée.
Une série de portraits aux Petits Bonheurs
Les Petits Bonheurs, association créée en 2008, a pour but de soutenir, d’accompagner et de « stimuler » les personnes vivant avec le VIH ou malades du sida, particulièrement isolées socialement et affectivement. À l’occasion du 1er décembre, l’association organisait ses premières portes ouvertes dans son local situé près de Pigalle à Paris. Un moment convivial auquel se sont rendus des usagers-ères de l’association, mais aussi des partenaires comme l’Agence régionale de santé d’Île-de-France ou l’équipe du laboratoire Viiv Healthcare. Thibaut Vignes, le directeur des Petits Bonheurs, nous propose une petite visite guidée du local et nous présente un projet en cours réalisé par et pour les usagers-ères. Une expo photo de personnes concernées avec leurs portraits et un témoignage écrit réalisé lors d’ateliers d’écritures. « Les usagers se sont réunis quatre fois pour écrire leurs textes. On leur a demandé de raconter un souvenir lié à leur histoire avec Les Petits Bonheurs, de se raconter, de se décrire », explique Thibaut. Il nous présente les portraits de Norbert, un homme sénior décrit comme « intello », qui a écrit son propre texte et Sonia qui a les yeux fermés sur la photo car malvoyante. En raison de son problème de vue, Sonia n’était pas en capacité d’écrire son texte donc elle a rencontré l'intervenante bénévole qui a écrit un récit à partir de leurs entretiens. Les usagers-ères ont accepté de témoigner à visage découvert et cette expo sera présentée lors des États Généraux des personnes vivant avec le VIH du 25 au 27 mai 2024, à Paris. « Ce qui est pour nous exceptionnel parce que, vraiment, d'habitude, on a des personnes qui ne veulent pas s'exposer et là, elles ont accepté assez rapidement, ce qui est très nouveau. Les deux photographes ont fait le travail avec chaque personne pour construire la mise en scène autour de leur récit », explique Thibaut. Cinq portraits ont été réalisés à ce jour, un sixième est en cours. L’objectif est de réaliser douze portraits, mais aussi des témoignages audios pour les personnes qui ne sont pas en capacité de lire ou d’écrire. « Nous voulons faire une expo qui soit la plus inclusive et immersive possible. Les personnes auront le choix, si elles le souhaitent, de lire elles-mêmes leur texte », précise le directeur des Petits Bonheurs.
VIH, IST : récap-express des chiffres et tendances 2022
Rappel rapide sur les principales informations présentées par SpF le 24 novembre dernier concernant la surveillance du VIH et des IST en France. C’est pour celles et ceux qui n’auraient pas encore eu le temps de découvrir une présentation complète des données 2022.
- Des taux de dépistage du VIH et des IST en augmentation
L’activité de dépistage augmente en 2022, pour l’ensemble des IST. Le nombre de dépistages des trois IST bactériennes (Chlamydie, gonococcies, syphilis) a continué à augmenter en 2022, une dynamique observée depuis plusieurs années, à l’exception d’une baisse ponctuelle en 2020. En 2022, 2,6 millions de personnes ont bénéficié au moins une fois d’un dépistage remboursé d’une infection à Chlamydia trachomatis, 3 millions d’un dépistage d’une infection à gonocoque et 3,1 millions d’un dépistage de la syphilis. L’activité de dépistage du VIH a atteint un niveau supérieur à celui de 2019 avec 6,5 millions de sérologies VIH réalisées par les laboratoires de biologie médicale.
- Hausse des diagnostics des IST bactériennes
Le nombre de diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis, à gonocoque et de syphilis a augmenté sur les dernières années. L’infection à Chlamydia trachomatis est désormais plus diagnostiquée chez les hommes que chez femmes. Les cas de gonococcie et de syphilis sont majoritairement diagnostiqués chez des hommes, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) représentent la majorité des cas.
- Une baisse des découvertes de séropositivité VIH contrastée
Le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2022 a été estimé entre 4 200 et 5 700, nombres inférieurs à ceux de 2019, ce qui, dans un contexte d’augmentation du volume de dépistage, est encourageant quant à la dynamique de l’épidémie, explique SpF. L’évolution est contrastée en fonction des populations. Le nombre de découvertes de séropositivité continue à diminuer chez les HSH nés en France, ils représentent 27% des découvertes de séropositivité en 2022. La diminution observée depuis 2016 s’explique probablement par la croissante adoption de la Prep dans cette population. A l’inverse, le nombre de découvertes continue à augmenter chez les HSH nés à l’étranger. Plus de la moitié des découvertes en 2022 (56 %) ont concerné des personnes nées à l’étranger, qu’elles aient été contaminées par rapports hétérosexuels ou par rapports sexuels entre hommes, d’où l’importance de garantir à cette population un accès aux soins et d’intensifier les actions de prévention à leur égard.
Par ailleurs, des données concernant l’usage de la Prep en France ont été rendues publiques à l’occasion du 1er décembre. Un article revient sur les résultats et leurs enseignements.
AIDES entre inquiètude et interpellation de l'Etat
Dans son communiqué à l’occasion du 1er décembre (30 novembre), AIDES se montre pessimiste quant à une fin de l’épidémie de VIH en France. « Découvertes de positivité au VIH, dépistages tardifs, données insuffisantes : à ce rythme-là, nous n’y arriverons pas ! » explique l’association. Elle pointe une trop faible baisse des découvertes de séropositivité — elle est estimée entre - 11% et - 1%. « Si cette donnée représente une bonne nouvelle dans la lutte contre le VIH/sida », AIDES considère « ce résultat comme décevant lorsqu’il est mis en perspective avec la diversité et l’efficacité des outils de prévention à disposition en France et en comparaison avec d’autres pays. À titre d’exemple, au Royaume-Uni, entre 2012 et 2018, le nombre de découvertes de nouvelles transmissions a chuté de 71,4% chez les hommes ayant des relations sexuelles entre hommes alors qu’il n’a baissé que de 32 % entre 2012 et 2022 en France ». Autre point d’inquiétude : « des dépistages nombreux mais insuffisamment ciblés pour atteindre notre objectif [de fin de l’épidémie, ndlr] ». Et l’association d’avancer : « Rappelons qu’avant la survenue de l’épidémie de Covid-19, les associations et les pouvoirs publics s’étaient fixé comme objectif que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique dans le pays, prérequis à la fin de l’épidémie. Nous l’expliquions déjà il y a un an et le répétons aujourd’hui : retrouver un niveau d’avant-Covid n’est pas suffisant, les dépistages doivent cibler les publics les plus exposés au risque de transmission du VIH ». L’association se dit aussi inquiète des « dépistages tardifs qui nourrissent l’épidémie ». Ainsi, en 2022, 43 % des infections à VIH ont été découvertes à un stade tardif de l’infection. Un chiffre qui ne baisse pas par rapport aux années précédentes. AIDES rappelle « qu’un dépistage au stade tardif constitue une perte de chance en termes de prise en charge individuelle et un risque de transmission du VIH aux partenaires avant la mise sous traitement antirétroviral. Notre association s’inquiète de la surreprésentation des hommes hétérosexuels nés à l’étranger et des femmes nés-es à l’étranger dans les cas de découverte de l’infection à VIH au stade tardif avec respectivement 60 % et 51 % de découvertes tardives. Au lieu de remettre en cause le droit à la santé pour tous-tes en laissant prospérer les débats autour de l’aide médicale d’État ou du droit au séjour pour soins, l’État doit mettre fin à ses politiques répressives à l’égard des personnes étrangères et améliorer significativement la lutte contre l’épidémie en France », tacle l’association.
Enfin AIDES ne se satisfait toujours pas des données épidémiologiques françaises. « Constatant qu’aucune amélioration n’a été proposée concernant l’insuffisance des données annuelles transmises par Santé publique France, nous demandons à nouveau à l’État d’améliorer sans tarder la surveillance épidémiologique du VIH en optimisant le dispositif de la Déclaration Obligatoire (DO) et en intégrant à terme le VIH dans la liste des pathologies traitées par le système d’information LABOé-SI ». Un récent avis du Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) en indique d’ailleurs l’enjeu : « La réalisation des objectifs de santé publique que notre pays s’est fixé, tant dans le cadre de la stratégie nationale de santé sexuelle qu’en référence à ses engagements internationaux, s’en trouve compromise ». Dans un contexte où « nous disposons de tous les outils nécessaires pour mettre fin à l’épidémie d’ici 2030 : la Prep, le Tasp, les préservatifs internes et externes, le dépistage, le TPE les centres de santé communautaires. Des campagnes de grande ampleur doivent être déployées pour assurer leur promotion », souligne l’association. « Il est indispensable que l’État prenne ses responsabilités et mène des politiques ambitieuses de soutien aux associations proposant de la réduction des risques en santé sexuelle auprès des groupes les plus exposés », conclut AIDES.
1er décembre 2023 : les messages clefs du CNS
« En 2022, le nombre de nouvelles infections dans le monde a atteint son niveau le plus bas depuis trente ans. Aujourd’hui, une personne séropositive sous traitement efficace a la même espérance de vie qu’une personne séronégative. L’objectif de mettre fin à la transmission du VIH en 2030 est à notre portée », explique le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) dans un communiqué, mais rappelle-t-il, « pour y parvenir, la vigilance et une mobilisation redoublées de l’ensemble des acteurs est indispensable ». Le CNS en fait partie et a choisi de mettre en avant trois idées clefs. La première est de « diffuser et clarifier les messages clés pour lutter contre la discrimination ». Le CNS souligne que les « populations clés exposées au VIH/sida subissent des discriminations liées à leur identité de genre, leur origine, leur orientation sexuelle, la consommation de drogues et leur statut d’étranger. Ces discriminations accroissent leur vulnérabilité au VIH ». Et d’expliquer : « Au même titre que la poursuite de la recherche scientifique, la lutte contre la discrimination, la sérophobie et les LGBTphobies contribue à la lutte contre le VIH ». La deuxième idée clef est de « réaffirmer l’égalité des droits et la solidarité comme des principes fondamentaux de santé publique ». Pour le CNS, l’expérience de la lutte contre le VIH/sida, nous a montré que « renforcer et faciliter l’accès des personnes à leurs droits, en particulier chez les plus vulnérables, est une condition sine qua non au contrôle de l’épidémie » ; d’où l’alerte de l’institution (sa lettre ouverte au président Macron) concernant des restrictionns (voire sa disparition) à l’AME. Dernière piste : « Accompagner les professionnels de santé dans l’appropriation et la mise en œuvre des stratégies combinées ». Le CNS a d’ailleurs pris une initiative à ce propos en co-signant avec l’ANRS ǀ MIE une lettre ouverte aux soignants-es qui « revient sur les grands principes permettant de tendre vers l’élimination de la transmission du VIH ». « Il est essentiel que la combinaison d’interventions médicales et non médicales efficaces pour y parvenir soit promue plus largement auprès des personnes à l’occasion de leurs contacts avec le système de santé : la proposition de dépistage du VIH en présence d’indicateurs d’exposition ou devant des signes de primo-infection, la prescription de la prophylaxie préexposition (Prep) chez les personnes exposées, le traitement précoce des personnes nouvellement diagnostiquées et l’évocation des sujets de santé sexuelle doivent être mis en œuvre de manière systématique », avance le CNS. Et l’organisme de conclure : « Pour atteindre les objectifs de l’Onusida auxquels la France a souscrit, le CNS tient à rappeler qu’une action de santé publique efficace nécessite la réaffirmation des principes d’égalité des droits, de solidarité et de lutte contre les discriminations. La fin de la transmission du VIH d’ici 2030 est possible, mais elle est conditionnée aux principes de respect de la dignité et de l’autonomie des personnes et d’équité dans l’accès aux droits et à la santé ».
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Hausse alarmante des idées reçues et des préjugés sur le VIH... chez les jeunes
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, Sidaction a publié les résultats d’un sondage réalisé en partenariat avec l’Ifop auprès des jeunes âgés-es de 15 à 24 ans Une fois de plus, les préjugés sur le VIH et les discriminations à l’encontre des PVVIH progressent de façon inquiétante. Comme l’explique Sidaction : les indicateurs enregistrés, cette année, sont les plus mauvais depuis la création du sondage en 2009. Evidemment, l’association « s’alarme de cette dégradation marquée » et appelle à « intensifier de façon urgente la sensibilisation sur le VIH/sida et la santé sexuelle en général ».
Mais revenons aux chiffres. En 2023, 79 % des jeunes estiment avoir les connaissances suffisantes sur le VIH, les modes de transmission et les moyens de prévention. Un chiffre qui demeure stable par rapport à 2022 (+2 pt). « C’est le plus haut niveau d’information déclaratif obtenu depuis la crise de la Covid-19 qui avait mis à mal la sensibilisation du VIH et de la santé sexuelle. Il faut insister sur le terme déclaratif car on constate qu’il y a encore beaucoup de fausses informations qui circulent. Les idées reçues à propos des personnes vivant avec le VIH n’ont jamais été aussi présentes dans les esprits des 15-24 ans. La stigmatisation que ces préjugés engendrent est plus que préoccupante », observe Florence Thune, directrice générale de Sidaction. Mais de quelles idées fausses s’agit-il ? Eh bien, 30 % des 15-24 ans pensent que le virus du sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive (+ 13 points par rapport à 2022). Un quart des jeunes estiment que le VIH se transmet en s’asseyant sur un siège de toilettes publiques (+ 8 pt), en buvant dans le verre d’une personne vivant avec le VIH (+10 pt) ou en partageant la même assiette (+10 pt). Par ailleurs, un jeune sur trois pense qu’il existe un vaccin pour empêcher la transmission du virus du sida, ou un traitement pour en guérir.
Pour la première fois, l’étude a mesuré la stigmatisation envers les personnes vivant avec le VIH, chez les jeunes et en population générale :
- 44 % des Français-es seraient mal à l’aise s’ils-elles apprenaient que la personne qui garde leur(s) enfant(s) était séropositive ;
- un tiers serait mal à l’aise à l’idée de partir en vacances avec une personne séropositive ;
- une personne sur quatre serait mal à l’aise si son ou sa collègue de travail était séropositif-ve ;
- 31 % des 15-24 ans interrogés-es refuseraient de parler à leur entourage de leur séropositivité avec, parmi ceux-celles-ci, 41 % qui s’y refuseraient par honte ;
- plus d’un quart des jeunes pense qu’une personne séropositive sous traitement peut représenter un danger pour les autres.
« Il est urgent de réagir face à ces stigmates et d’intensifier la sensibilisation et la prévention au VIH/sida. Aujourd’hui, les personnes séropositives sous traitement efficace ne transmettent pas le virus. Pourtant, 63 % des jeunes et de l’ensemble des Français voient dans la séropositivité d’une personne un critère important pour décider de se lancer dans une relation sentimentale avec elle. Ces constats sont atterrants. Il est urgent de réagir pour la santé mentale des personnes séropositives et pour la santé sexuelle des jeunes », a commenté Florence Thune.
➡️ Les résultats complets sont ici
VIH indétectable = ZERO risque de transmission : la parole aux personnes concernées !
Pour le 1er décembre 2023, Actions Traitements (dans un communiqué du 24 novembre) a choisi de mettre en avant le Tasp, en donnant la parole à deux personnes vivant avec le VIH : Thaïs et Pierre. « Pierre n’était pas encore né quand l’équipe de l’institut Pasteur a identifié le virus du sida, le VIH, pour la première fois en 1983. Né en 1985, c’est en 2008 qu’il a appris sa séropositivité, quelques mois à peine après la publication du Rapport Hirschel (ou « Avis suisse ») le 1er décembre 2007. Pourtant, Pierre a dû attendre cinq ans après son diagnostic, avant d’apprendre qu’une personne vivant avec le VIH, prenant un traitement efficace (et avec une charge virale indétectable) ne pouvait pas transmettre le virus à ses partenaires. Malgré l’intérêt évident de cette information scientifique révolutionnaire, confirmée par plusieurs essais cliniques de grande envergure, celle-ci tarde toujours à se diffuser largement auprès du grand public et de l’ensemble des professionnels-les de santé », explique Actions Traitements. Pour Pierre, le Tasp a été un « choc, magique ! ». « Savoir cela m’a permis à nouveau de vivre normalement, d’avoir une sexualité plus sereine », a-t-il témoigné.
« Née en 1974, Thaïs a découvert sa séropositivité en 1992, à une époque où les médicaments efficaces (utilisés en trithérapie ou plus) n’existaient pas encore. Depuis d’énormes progrès ont été réalisés, permettant aux personnes séropositives diagnostiquées et traitées d’avoir une espérance de vie similaire à la population générale. Quand Thaïs a entendu dire pour la première fois, quelques mois après l’annonce officielle, que l’efficacité de son traitement antirétroviral lui permettait de ne pas transmettre le virus à ses partenaires, la nouvelle s’est également accompagnée de beaucoup de questions. Il a fallu du temps avant que les avis soient unanimes quant à l’effet protecteur du traitement des personnes séropositives pour leurs partenaires. Un temps qui n’a pas empêché Thaïs de donner naissance à un enfant séronégatif en 2018, alors que quelques années plus tôt son médecin l’avait fortement dissuadée de tenter l’aventure de la maternité », indique Actions Traitements. « C’est mon conjoint séronégatif qui s’est renseigné auprès d’un de ses amis séropositifs et est revenu en me disant : « C’est bon, on peut l’enlever (le préservatif), on ne risque rien ! », rappelle-t-elle.
Outre ces témoignages forts, Actions Traitements a souhaité revenir sur l’annonce majeure de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) concernant le Tasp en 2023. « On parle souvent de risque proche de zéro ou très faible ou quasi nul, en ajoutant parfois que « le risque zéro n’existe pas ». Cela réduit considérablement la compréhension et la portée du message pourtant simple : « VIH indétectable = intransmissible ». L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est saisie du sujet cet été, en publiant des nouvelles directives sans équivoque. L’institution affirme tout simplement qu’avec une charge virale indétectable, il y a ZÉRO RISQUE de transmission du virus par voie sexuelle. Pour cela, l’OMS se base sur les normes internationales selon lesquelles on considère que la charge virale (nombre de copies du VIH par millilitre de sang) est indétectable lorsqu’elle est inférieure à 200 copies ! Or, en France, on dispose de matériel capable de quantifier précisément le niveau de virus jusqu’à 50, voire même 20 copies de virus par millilitre de sang. Cela crée une confusion dans l’esprit de beaucoup de personnes, notamment celles qui s’inquiètent de voir leur charge virale remonter à 60, 100 ou même 180 copies de VIH par millilitre de sang, pensant qu’elles risquent à nouveau de transmettre le virus à leur(s) partenaires. Pourtant, d’après les normes internationales, leur charge virale est toujours inférieure à 200 mml/L de sang, donc INDÉTECTABLE et SANS RISQUE de transmission », analyse Actions Traitements, qui en conclue : « C’est donc d’autant plus important de donner vie à ces informations scientifiques, de faire en sorte qu’elles soient incarnées dans une réalité quotidienne, celle des personnes vivant avec le VIH. Thaïs et Pierre sont deux exemples concrets, parmi les 190 000 personnes vivant avec le VIH en France, de ce que cela change au quotidien d’avoir une charge virale indétectable. Savoir qu’on ne peut pas transmettre le virus à son, sa ou ses partenaires, retrouver une sexualité libérée de la peur de transmettre le VIH, avoir un enfant sans risquer de lui transmettre le virus, etc. Ce sont des conséquences concrètes d’une charge virale indétectable. Se retrouver à faire l’éducation de son entourage, de ses partenaires, voire à bousculer les convictions des professionnels-les de santé qui jalonnent leurs parcours de soins, c’est cela aussi avoir une charge virale indétectable, pour Thaïs et Pierre comme pour beaucoup d’autres ».
VIH, prévention : ce que savent les Français-ses
Une étude Toluna/Harris Interactive, réalisée pour le compte du CRIPS Île-de-France, vient apporter des informations sur les Français-es et la lutte contre le VIH/sida. Spontanément, huit Français-es sur dix déclarent être bien informés-es sur le VIH, comme en 2022 et 2021. Il convient néanmoins de nuancer ce score très positif, puisque seulement une minorité (17 %) estime être « très » bien informés. La fragilité de ce niveau d’information va se vérifier dans les faits, lorsque les Français-es sont interrogés-es sur leurs connaissances en matière de prévention et de dépistage, explique Toluna/Harris Interactive. Concernant la prévention, près de deux tiers des Français-es (64 %) pensent que le préservatif est l’unique mode de prévention contre le VIH. Un-e Français-e sur deux ignore qu’une personne séropositive qui suit correctement son traitement ne transmet pas le VIH (53 %), et qu’il existe un traitement préventif afin d’éviter d’être contaminé-e par le VIH pour les personnes séronégatives (45 %). Autrement dit la connaissance du Tasp et de la Prep est faible, voire mauvaise. Ces avancées en matière de prévention sont particulièrement méconnues chez les personnes les plus âgées. Concernant le dépistage du VIH, une courte majorité des Français-es déclarent être au courant qu’il est gratuit dans tous les laboratoires d’analyses médicales (59 %), et ne nécessite pas d’ordonnance (57 %). Enfin, seule une minorité de Français-es (39 %) estime que les personnes vivant avec le VIH (même récemment dépistées et sous traitement) vivent aussi longtemps que la moyenne des Français-es. Un niveau d’information donc très relatif, et qui s’explique entre autres du point de vue des Français-es interrogés-es par un déficit de prévention en milieu scolaire, note Toluna/Harris Interactive. En effet, 43 % des parents de collégiens-nes ou de lycéens-nes estiment que leurs enfants ne sont pas suffisamment sensibilisés-es en matière de prévention du VIH dans leur établissement scolaire, phénomène d’autant plus important dans les petites agglomérations.
Ce déficit de connaissances n’est, du reste, pas seulement imputable à l’éducation nationale, les professionnels-les de santé ont aussi leur responsabilité. En effet, les Français-es considèrent que c’est le rôle de la plupart des professionnels-les de santé de parler de santé liée à la sexualité à leurs patients-es, et tout particulièrement celui de la/le gynécologue (93 %) et du médecin traitant/généraliste (93 %), indique l’étude Toluna/Harris Interactive. Reste que ce rôle ne semble pas être assumé dans les faits puisque seulement un tiers (33 %) des Français-es déclarent parler de ce sujet avec leur médecin traitant/généraliste, au moins de temps en temps. Hormis une femme sur deux (47 %) qui déclare en parler au moins de temps en temps avec leur gynécologue, les autres professionnels-les de santé n’apparaissent que rarement comme des interlocuteurs-rices concernant la santé liée à la sexualité. Un écart entre perception et pratique que les Français-es appellent à être réduit, puisque plus de deux tiers d’entre eux (68 %) souhaiteraient que les professionnels-les de santé leur posent des questions de routine sur la santé liée à leur sexualité lors de leurs rendez-vous médicaux, à l’instar de ce qui est déjà fait en matière d’usage du tabac ou d’allergologie. Une volonté d’autant plus appuyée chez les moins de 35 ans (73 %), souligne Toluna/Harris Interactive.
➡️ Enquête réalisée en ligne du 13 au 17 octobre 2023. Échantillon de 1 050 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région et taille d’agglomération de l’interviewé(e).
Santé publique France combine sa campagne
Cette année, dans le cadre du 1er décembre, Santé publique France qui ne fabrique pas que des données, a lancé une « campagne d’information sur l’importance de la prévention combinée des IST et du VIH » mais en détaillant chaque outil dans un message ou un spot. Si on voit l’ensemble des affiches et des spots, on a un aperçu de « la diversité » et de « la complémentarité des outils de protection et de dépistage des IST et du VIH (préservatif, Prep, TPE, Tasp, vaccination contre les IST, dépistage) ». Intitulée « Tout le monde se pose des questions sur la sexualité » cette campagne (il s’agit du second volet) a pour objectif d’inciter à « recourir à la prévention combinée et au dépistage », en améliorant le niveau de connaissance de ces outils de prévention, dont certains sont encore méconnus.