L'actu vue par REMAIDES : "VIH : des nouvelles du monde"
- Actualité
- 19.03.2024
© Studio Capuche
Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
VIH : des nouvelles du monde
La reconnaissance de l’intérêt du Tasp qui fait basculer une décision de justice en Italie ; L'Afrique inquiète des conditions de la prolongation du plan américain Pepfar dans la lutte contre le sida ; Le lien entre le réchauffement climatique et le VIH dans le monde ; les difficultés des pays à s’entendre dans le domaine de la prévention des futures pandémies ; Un jugement attendu sur la prise en charge de la Prep dans le cadre de l’Obamacare… les sujets n’ont pas manqué ces dernières semaines dans le monde concernant le VIH et les maladies infectieuses. La rédaction de Remaides fait le point.
Le Tasp emporte une décision judiciaire en Italie
Depuis l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie avec Georgia Meloni comme cheffe du gouvernement, le contexte est compliqué pour la lutte en faveur des droits LGBT+ et plus largement pour la lutte contre le VIH/sida. C’est dans ce contexte qu’un partenaire italien de la Plateforme Europe de Coalition PLUS, coordonnée par AIDES, a fait part d’une bonne nouvelle dans le champ de la lutte contre le VIH. En Italie comme dans de nombreux pays, il est possible de poursuivre en justice dans le cas d’une exposition présumée au VIH lors d’un rapport sexuel. Le 22 février 2024, le tribunal de Bari, la capitale des Pouilles, sud du pays, a acquitté un homme qui avait été accusé de « blessures graves » par une ex-partenaire avec laquelle il avait eu un rapport sexuel, non protégé par le préservatif, peu après l'avoir rencontrée. La plainte portait sur le fait que l’homme vivant avec le VIH n'avait pas déclaré qu'il était séropositif avant la relation. Aux termes des débats, les juges ont estimé que « les actes accomplis étaient incapables de provoquer » l'infection de la partenaire. L'homme a, en effet, été considéré comme étant dans un état « d'impossibilité de transmission du virus » du fait de l’indétectabilité de sa charge virale ». L’affaire avait démarré en 2018 et vient donc de trouver sa conclusion comme le rapporte cet article (en italien) publié le 24 février dernier dans le Corriere del Mezzogiorno, lié au célèbre quotidien Corriere della Serra.
VIH : l'Afrique demande la prolongation de Pepfar
Lancé en 2003 par le président George W. Bush, le Pepfar (Plan présidentiel d'urgence de lutte contre le sida) est l'un des principaux contributeurs mondiaux en matière de lutte contre le sida (tests, prévention, accès aux traitements). Le programme bénéficiait jusqu'il y a peu d'un large soutien du Congrès américain, mais récemment, les parlementaires américains-es ne l'ont pas renouvelé pour cinq ans supplémentaires, du fait de controverses sur l'avortement. Pour faire simple, les élus-es les plus conservateurs-rices demandent à ce que l’aide bilatérale accordée par Pepfar ne puisse pas bénéficier aux structures de santé sexuelle et reproductive qui ne se positionnent pas contre les interruptions volontaires de grossesse. Réunis récemment à Addis Abeba (Éthiopie), les chefs-fes d'État africains-es ont décidé d’envoyer « un message clair demandant la réautorisation du Pepfar », a déclaré à la presse Jean Kaseya, directeur du CDC-Afrique, en marge du sommet de l'Union africaine. « Nous devons aller vite. Les statistiques montrent que chaque jour des jeunes gens sont touchés », a-t-il ajouté. Et d’expliquer : « Perdre notre jeunesse signifie tuer notre économie et stopper notre développement ». Le Pepfar fournit chaque année 1,6 milliard de dollars à la lutte contre le sida en Afrique, selon Jean Kaseya. Les experts-es estiment que les énormes avancées enregistrées sur le continent, avec de nombreuses vies sauvées, grâce au Pepfar seront remises en cause si le programme s'arrête. Selon l'ONU, seuls 10 % des besoins de financement de la lutte contre le sida pour 2025 sont remplis. En 2022, 39 millions de personnes à travers le monde vivent avec le VIH, selon l'Onusida. Quelque 20,8 millions d'entre elles vivent en Afrique de l'Est et australe. Près d'un quart — 9,2 millions de personnes, dont plus de 600 000 enfants — de ceux qui vivent avec le VIH dans le monde n'ont pas à accès à des traitements vitaux. L'ONU s'est fixé en 2015 comme objectif que le sida ne soit plus une menace de santé publique d'ici 2030. Selon Jean Kaseya, l'Afrique est toujours dans la course pour tenir cet objectif. Le continent, a-t-il ajouté, organisera un sommet cette année pour discuter du financement de la lutte antisida. Même sans être prolongé, le Pepfar ne s'arrêtera pas brutalement, des fonds étant encore dans les tuyaux, mais ses partisans-es estiment que les professionnels-les de santé et les autres bailleurs ont besoin de l'assurance d'un engagement à long-terme des États-Unis.
Réchauffement climatique et VIH : l’effet des sécheresses
Les sécheresses ont le potentiel d'augmenter la propagation du VIH chez les femmes vivant dans les régions rurales d'Afrique, ont découvert des chercheurs-es de l'Université de Bristol (Royaume-Uni). Les résultats de l’étude, publiée le 20 février dans la revue AIDS and Behavior, suggèrent que la sécheresse déclenche des changements de comportements, alors que les populations luttent contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire par le biais d'activités telles que le travail du sexe. En raison du réchauffement climatique, les sécheresses devraient devenir de plus en plus fréquentes à l'avenir, ce qui pourrait entraîner une augmentation des cas de transmission du VIH. L'Afrique subsaharienne sera l'une des régions les plus touchées par le changement climatique, avec des risques croissants de sécheresse causés par des changements dans les précipitations et un stockage d'eau limité, ainsi que des ressources limitées pour soutenir l'adaptation et une capacité limitée à la mettre en œuvre. La sécheresse est une tendance continue, qui s’aggrave en Afrique subsaharienne. La proportion de terres connaissant une sécheresse sévère est passée de 5 % à 15 % depuis 1901.
Le Dr Adam Trickey, auteur principal de l'étude, basé à l'École de médecine de Bristol explique : « Les femmes vivant dans les zones rurales d'Afrique subsaharienne qui avaient récemment été exposées à la sécheresse étaient plus susceptibles de contracter le VIH que celles qui n'avaient pas été exposées à la sécheresse. Le fait que nous ayons constaté cela chez les femmes vivant dans les zones rurales, mais pas chez les femmes vivant dans les zones urbaines, ni chez les hommes vivant dans les zones rurales ou urbaines corrobore des études antérieures indiquant que le mécanisme par lequel la sécheresse peut accroître le risque de VIH est que la sécheresse pousse les femmes qui dépendent de l'agriculture pour gagner leur vie à se livrer à des activités sexuelles rémunérées pour de l'argent ou de la nourriture ».
Pour arriver à cette conclusion, l'équipe de recherche a combiné des données provenant de cinq enquêtes nationalement représentatives portant sur plus de 100 000 personnes adultes de 15 à 59 ans, réalisées en 2016 en Eswatini (ex-Swaziland), au Lesotho, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie. Ils-elles ont relié ces enquêtes aux données de précipitations et ont calculé si chaque ménage se trouvait dans une zone ayant connu moins de pluie que d'habitude entre 2014 et 2016 par rapport à la période de 1981 à 2016. Ce critère a été utilisé pour définir les zones de sécheresse. Ils-elles ont ensuite utilisé des modèles statistiques pour calculer si les personnes exposées à une sécheresse étaient plus susceptibles d'avoir récemment contracté le VIH, que celles qui n'y étaient pas exposées. « Nos résultats fournissent des preuves supplémentaires des liens entre la sécheresse et l’augmentation de la transmission du VIH parmi les femmes vivant dans les zones rurales de l'Afrique subsaharienne via la pauvreté et les changements de comportements sexuels. Des interventions visant à atténuer cet effet de la sécheresse sur la transmission du VIH devraient être envisagées », concluent les auteurs-rices de l’étude.
Accord de prévention des pandémies : le patron de l'OMS craint l'échec
Avenir noir ? Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus s’est montré pessimiste, lundi 22 janvier, sur la capacité des pays membres de l’instance onusienne à « trouver un accord pour mieux combattre les pandémies » avant le mois de mai, alors que l’urgence suscitée par l’hécatombe de la Covid-19 s’estompe. « Les générations futures ne nous pardonneront peut-être pas » de ne pas tenir les engagements pris au plus fort de la pandémie qui a mis l’économie mondiale à genou et coûté la vie à des millions de personnes, a mis en garde Tedros Adhanom Ghebreyesus, au premier jour de la réunion du Comité exécutif de l’Organisation mondiale de la santé. Les 194 États membres de l’OMS ont convenu de négocier un accord international visant à s’assurer que les pays soient mieux équipés pour faire face à la prochaine catastrophe sanitaire, voire la prévenir. L’objectif était de sceller l’accord lors de la réunion annuelle de 2024 de l’Assemblée mondiale de la santé, l’organe décisionnel de l’OMS, qui se réunira le 27 mai. « Le temps presse et si personne n’est prêt à bouger, l’ensemble du projet risque de capoter », a prévenu le docteur Tedros, soulignant aussi « les tombereaux de désinformation qui circulent pour miner toute velléité de conclure un texte ». Les dirigeants-es du monde entier s’étaient engagés-es à boucler les négociations sur l’accord sur la pandémie et à toiletter les amendements au Règlement sanitaire international (RSI) d’ici mai. Ces deux initiatives doivent permettre d’éviter les cafouillages et dysfonctionnements qui ont freiné la lutte contre la pandémie de Covid-19. « Je crains que les États membres ne respectent pas cet engagement. Le temps presse. Et il reste des questions en suspens qui doivent être résolues », a déclaré le chef de l’OMS. « L’échec de l’accord sur la pandémie et des amendements au RSI constituerait une occasion manquée que les générations futures ne nous pardonneront peut-être pas », a-t-il lancé, demandant aux pays de faire preuve de courage et de compromis. « Vous ne parviendrez pas à un consensus si chacun reste campé sur ses positions. Tout le monde devra donner quelque chose, sinon personne n’obtiendra rien ». « J’exhorte tous les États membres à travailler de toute urgence et avec détermination pour parvenir à un consensus sur un accord solide qui contribuera à protéger nos enfants et petits-enfants des futures pandémies », a-t-il insisté, cité par l’AFP.
L’accord en cours de négociation viserait à garantir une meilleure préparation mondiale et une réponse plus équitable aux futures pandémies, celle de Covid-19 ayant vite montré les limites de la solidarité mondiale avec l’apparition des premiers vaccins, en quantités insuffisantes, souvent réservés aux pays du Nord. Le chef de l’OMS a souligné que tous les pays avaient besoin de la capacité de détecter et de partager les agents pathogènes présentant un risque, ainsi que d’un accès rapide aux tests, traitements et vaccins. Le chef de l’OMS a aussi qualifiées de « complètement fausses » les affirmations circulant notamment sur les réseaux sociaux selon lesquelles l’accord céderait la souveraineté des États membres à l’OMS ou lui donnerait le pouvoir d’imposer des confinements et des mandats de vaccination. « Nous ne pouvons pas permettre que cet accord historique, cette étape importante dans la santé mondiale, soit saboté », a-t-il martelé. En mai 2023, l’OMS a déclaré la fin de la Covid-19 comme « urgence de santé publique de portée internationale », son niveau d’alerte le plus élevé. Mais, parallèlement, l’organisation ne cesse de mettre en garde contre un « laxisme excessif » envers une maladie qui continue de faire des milliers de morts dans le monde. Le Néerlandais, Roland Driece, qui co-préside les négociations, a souligné que le projet avait condensé un processus de sept ans en deux ans. Pour lui l’accord doit être ambitieux, innovant et comporter des engagements clairs. Concernant les désaccords, il a déclaré que les pays européens voulaient que davantage d’argent soit investi dans la prévention des pandémies, tandis que les pays africains voulaient s’assurer d’avoir accès aux connaissances et au financement nécessaires pour que la prévention fonctionne aussi pour eux. Et bien sûr un accès adéquat aux moyens comme les vaccins et les traitements. Et Roland Driece de conclure qu’il reste deux sessions de deux semaines pour faire un travail « extrême ».
VIH : le Fonds mondial fournira des services d'urgence à 1,3 million de personnes rapatriées en Afghanistan
Solidaire. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a approuvé (22 février) une aide d’urgence de plus de 4,7 millions de dollars. Elle servira à fournir des services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme au 1,3 million d’Afghanes et d’Afghans vivant au Pakistan qui devront retourner dans leur pays dans les prochains mois. Ce montant de 4,7 millions de dollars en fonds d’urgence s’ajoute à une subvention de 66 millions de dollars lancée le 1er janvier 2024 pour une période de trois ans. La subvention est mise en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Il est prévu que 1,3 million de personnes reviendront au pays, ce qui représente plus de 3 % de la population de l’Afghanistan », précise Annelise Hirschmann, directrice du Département Asie, Europe orientale, Amérique latine et Caraïbes du Fonds mondial. « Cette augmentation subite de la population, en particulier dans les régions rurales et difficiles d’accès à la frontière du Pakistan, constitue un risque épidémiologique qui ne pourra être maîtrisé sans un renforcement des services essentiels de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ».
Concernant le VIH, les fonds d’urgence seront utilisés ainsi : proposition de dépistage volontaire aux points de passage à la frontière, services d’accompagnement psychologique, et continuité du traitement des personnes déplacées. « Nous disposons déjà de systèmes pour répondre aux besoins immédiats des personnes rapatriées, qui courent un risque accru de contracter le VIH, la tuberculose et le paludisme », a expliqué Stephen Rodriques, représentant du PNUD Afghanistan. « Avec ce financement d’urgence, nous pouvons réduire encore plus les risques pour la santé de ces personnes, qui sont déjà en situation de précarité ». Concrètement, une clinique mobile financée par le Fonds mondial effectuera des interventions clés, notamment des séances d’information et de sensibilisation sur le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) aux points de passage frontaliers de Torkham et de Spinboldak, et offrira des services d’accompagnement psychologique pour les personnes vivant avec le VIH et les personnes qui consomment des drogues. En outre, la clinique mobile proposera le dépistage volontaire du VIH et d’autres IST, et fournira des médicaments antirétroviraux aux personnes vivant avec le VIH, qu’elle mettra en contact avec les sites de thérapie antirétrovirale dans les provinces. Depuis la prise du pouvoir par les Talibans en 2021, le Fonds mondial a alloué plus de 150 millions de dollars pour la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, l’établissement de systèmes résistants et pérennes pour la santé et la riposte à la Covid-19 en Afghanistan.
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Les Etats-Unis : un jugement sur l'Obamacare et la Prep en attente
Début mars, l'administration Biden a demandé à une cour d'appel américaine de préserver le mandat fédéral qui impose aux assureurs de santé de couvrir les services de soins préventifs, notamment les médicaments contre le VIH et les dépistages du cancer, sans frais supplémentaires pour les patients-es, explique le site d’infos Zonebourse. « Il s'agit de dispositions relatives aux services préventifs qui sont essentielles et qui sauvent la vie de millions d'Américains », a défendu Daniel Aguilar, représentant du gouvernement, auprès de trois juges de la 5ème cour d'appel du circuit américain (Nouvelle-Orléans). L'administration Biden demande à cette juridiction d'annuler la décision d'un juge fédéral qui (si elle est autorisée à prendre pleinement effet), annulera l'obligation faite aux assureurs de couvrir un large éventail de services de santé sans co-paiement. Cette obligation fait partie de la loi de 2010 sur les soins abordables (ACA) dit aussi Obamacare.
L’Obamacare (Patient Protection and Affordable Care Act ou Loi sur la protection des patients-es et les soins abordables) a été adoptée en mars 2010. Elle constitue le principal volet de la réforme du système de protection sociale aux États-Unis avec le Health Care and Education Reconciliation Act. Cette loi a permis la création, au niveau fédéral, d'une « assurance santé universelle », sans pour autant imposer une couverture santé obligatoire à l'exception des enfants. Cette volonté de changer le système de santé avait notamment pour but d'éviter environ 45 000 décès par an, attribués à une couverture santé inadéquate. En 2020, un groupe d'entreprises dirigé par l'exploitant d'un centre de bien-être chrétien basé au Texas, Braidwood Management, a intenté une action en justice au sujet de l’obligation de prendre en charge la Prep, dans cette couverture médicale. Cette action juridique a été lancée du fait d’oppositions religieuses à la prise en charge de la Prep. Les plaignants ont aussi avancé des motifs juridiques pour justifier du lancement de cette procédure. En mars 2023, le juge de district Reed O'Connor, à Fort Worth, leur a donné raison et a bloqué l'application du mandat de soins préventifs dans tout le pays, rappelle Zonebourse. À suivre.