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    L'actu vue par REMAIDES : "VIH, LGBT+ et discriminations : quelques hauts, beaucoup de bas"

    • Actualité
    • 22.03.2024

    drapeau LGBTQIA+

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

    VIH, LGBT+ et discriminations : quelques hauts, beaucoup de bas

    La réhabilitation des HSH condamnés a été au cœur de l’actualité ces dernières semaines avec l’adoption d’une proposition de loi destinée reconnaître et réparer les préjudices subis. Si on assiste à une avancée en France, ce n’est pas le cas partout. Ainsi, le Tennessee (États-Unis) entend imposer une mesure sérophobe dans une loi anti-travail du sexe ; Au Ghana, le Parlement a adopté une loi anti-LGBT+ qui aura des conséquences sur l’accès aux soins et à la prévention, notamment contre le VIH. C’est dans ce contexte que l’Onusida a relancé sa Journée Zéro discrimination contre toutes les entraves à la prévention et à l’accès aux soins ; une initiative qui a dix ans. Remaides y revient.

    Réhabilitation des gays condamnés : l’Assemblée nationale vote la loi

    Les députés-es ont voté à l’unanimité (331 députés-es sur les 331 présents-es), le 6 mars, en faveur de la proposition de loi destinée à reconnaître et réparer les préjudices subis par les homosexuels en France. Entre 1942 et 1982, des lois discriminatoires avaient provoqué des milliers de condamnations. À la suite du Sénat, l’Assemblée nationale a approuvé à l’unanimité en première lecture la proposition portée initialement par le sénateur (PS) Hussein Bourgi, de l’Hérault.

    L’Assemblée a rétabli le principe d’une réparation financière pour les personnes condamnées pour homosexualité, une mesure qui avait été supprimée par les sénateurs-rices. Elle a également voté la création d’une commission chargée de statuer sur les demandes de réparation financière ; elle aussi rejetée par la majorité sénatoriale. « Il est grand temps de […] dire ce soir au nom de la République française : pardon, pardon aux personnes, aux homosexuels de France qui ont subi 40 années durant, cette répression totalement inique. Notre République n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle sait reconnaître qu’elle a perdu le fil de ses principes fondateurs, la liberté, l’égalité, la fraternité », a souligné le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a dans son propos introductif aux débats. Au Sénat, le ministre de la Justice avait estimé « extrêmement complexe » la « mise en pratique » de la mesure d’indemnisation, prévue dans le texte initial. Cette fois, le ministre a dit « entend(re) et partage(r) » le « souhait […] que l’indemnisation soit précisément fixée dans la loi et soit mise en œuvre par une commission établie ad hoc ». Le garde des Sceaux a néanmoins insisté sur le fait que cette commission pourrait être confrontée à des « difficultés probatoires » : « il ne sera pour certaines personnes pas simple de prouver qu’elles ont effectivement passé un temps déterminé en prison ou qu’elles se sont acquittées de l’amende à laquelle elles avaient été condamnées. Il est donc indispensable que dans la rédaction finale de ce texte, nous fassions en sorte de ne pas créer de déceptions qui résulteraient de ces difficultés probatoires », a-t-il prévenu. Le rapporteur du texte, le député (PS) Hervé Saulignac, a, lui, estimé que la reconnaissance ne pouvait aller sans la réparation. « Je pense que la France est capable de faire ce que l’Allemagne a fait, ce que le Royaume-Uni a fait, ce que l’Irlande a fait, ce que l’Espagne a fait, ce que le Canada a fait », a-t-il plaidé, estimant que le nombre de personnes bénéficiant d’une réparation pourrait se situer entre 200, comme en Espagne, et 400, comme en Allemagne.

    La veille des débats à l’Assemblée nationale, Le Monde avait publié une tribune cosignée par plusieurs militants-es (Flora Bolter, David Cupina, Joël Deumier, Kévin Galet-Ieko, Véronique Godet, Denis Quinqueton et Sophie Roques) qui dénonçait le traitement fait au texte par la majorité sénatoriale, le 22 novembre 2023. « Il n’en reste que la page de couverture et l’article 1. Votée à l’unanimité, elle a été réduite à une proclamation compassionnelle à propos des effets de lois discriminatoires, « source de souffrance et de traumatisme », déploraient les signataires. « Or, cette législation et ces politiques publiques répressives constituèrent d’abord des atteintes à la dignité humaine des personnes, à leurs droits fondamentaux de vivre et aimer librement », poursuivaient-ils-elles, avant d’affirmer : « Voter une loi de reconnaissance et de réparation, c’est affirmer que la puissance publique n’était pas, n’est pas et ne sera jamais dans son rôle en cherchant à réprimer la vie des personnes en se fondant sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Voter une loi de reconnaissance et de réparation de cette homophobie d’État, c’est aussi peser utilement dans le trop lent travail mondial pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité, que la France entend promouvoir à l’international. En enrichissant le texte transmis par le Sénat, les députés seront à la hauteur de la mission que leur fixait Gisèle Halimi le 20 décembre 1981 : « Des femmes et des hommes qui devraient avoir l’intelligence de nos libertés fondamentales puisqu’ils sont chargés de les défendre. » Elle plaidait alors à la tribune du Palais-Bourbon pour l’abrogation de la loi du 6 août 1942 encore en vigueur ».

    Interrogé par l’AFP (début mars), Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), expliquait : « Les lois de réparation apportent toujours quelque chose, à commencer par de la reconnaissance. Il s’agit d’une part de reconnaître une responsabilité et d’autre part de reconnaître les personnes qui ont été condamnées pour homosexualité en leur attribuant le statut de victime. C’est important pour la France, parce qu’on est dans un État de droit. Il s’agit d’une mise en conformité avec les attendus contemporains de ce qu’est une démocratie. C’est important aussi pour le mieux-être des personnes condamnées. Cette démarche arrive tard en France. Des pays voisins, comme les Pays-Bas et l’Allemagne, ainsi que des pays outre-Atlantique se sont déjà engagés dans ce type de voie depuis longtemps ». Sollicité sur la question de l’indemnisation, supprimée au Sénat, le spécialiste expliquait : « Je pense que cela fait une proposition de loi incomplète, c’est la moitié du chemin qui est parcouru. Lorsqu’on s’excuse, on attend toujours quelque part une forme de réparation qui aille au-delà des mots ». Selon Régis Schlagdenhauffen, plus de 10 000 condamnations ont été prononcées en vertu de la loi de 1942 qui réprimait les relations homosexuelles entre un majeur et un jeune de moins de 21 ans. « Il y avait un autre article de loi, qui réprimait l’outrage public à la pudeur homosexuel, qui concerne des dizaines de milliers de condamnations. Mais on n’a pas de chiffres précis, cela oscille autour de 50 000 condamnations. Savoir combien de personnes ont été réellement condamnées devrait être la priorité », a d’ailleurs indiqué le chercheur.

    Le collectif Big Tata (qui comprend notamment Mémoire des sexualités, Collectif Archives LGBTQI+, ARCL. Archives Recherches et Cultures Lesbiennes, etc.) a, lui aussi, réagi dans un communiqué titré : « Reconnaître ne suffit pas à réparer : l’État doit s’engager en faveur des centres d’archives LGBTQIA+ ». « Nous, centres d'archives et bibliothèques LGBTQIA+ du réseau interassociatif Big Tata, déplorons la décision du Sénat d'adopter le 22 novembre 2023 une version amoindrie et vidée de sa substance de la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 (…) Nous appelons les députés-es à la rétablir dans sa totalité et à soutenir des réparations collectives en faveur des politiques mémorielles, des archives et de la recherche LGBTQIA+ », explique leur texte. Celui-ci avance notamment cet argument : « La réduction des bornes temporelles du texte initial est inacceptable. Elle fait sortir du périmètre de la proposition de loi la période 1942-1945 au motif que la République française ne pourrait être tenue responsable des fautes commises par le régime de Vichy. Pourtant, les deux Républiques suivantes se sont appuyées sur cette législation, et l’ont même aggravée en 1960 en classant l’homosexualité parmi les “fléaux sociaux”. Effacer cette continuité historique serait un signal préoccupant à l'heure où les idéologies fascistes d'extrême-droite prospèrent et trouvent des débouchés politiques auprès d'héritières et d’héritiers directs du régime collaborationniste dont une partie siège au Parlement ». Le texte du collectif Big Tata entendait aussi réagir à « la suppression par le Sénat des réparations prévues de 10 000 € par condamnation et de 150 € par jour de détention », qualifiant cette décision de « non-sens dans le cadre d’une loi mémorielle de reconnaissance d’une faute de la République française ». « Pour rappel, l’Espagne, pionnière en la matière, a voté deux millions d’euros en 2008, l’Allemagne 30 millions en 2016 et le Canada 100 millions de dollars en 2017. Nous demandons des réparations individuelles et collectives à la hauteur de ces exemples internationaux, qui démontrent une véritable reconnaissance des préjudices subis ». On l’a vu cette mesure a été rétablie à l’Assemblée nationale.

    Enfin, le texte avance l’idée que cette « proposition de loi doit garantir une reconnaissance et des réparations pour l’ensemble des communautés LGBTQIA+ et des travailleurs-ses du sexe. Malgré la disparition du crime de sodomie dans le Code Pénal adopté au lendemain de la Révolution française, tout un appareil répressif, à la fois législatif, réglementaire, administratif, judiciaire, médical et policier [a visé] non seulement les homosexuels, mais aussi les lesbiennes, les prostitués-es, les personnes trans et intersexes. Ces lois et réglementations ne sont pas prises en compte dans le texte actuel. Nous demandons la constitution d’une commission scientifique et culturelle indépendante, dotée de moyens à la hauteur, pour construire des politiques mémorielles LGBTQIA+ justes. Les travaux de cette commission devront notamment établir l’étendue de l’impact structurel des lois et des règlements discriminatoires de l’État à l’encontre de l’ensemble des personnes LGBTQIA+ et des travailleurs-ses du sexe depuis la Révolution française et jusqu’à aujourd’hui ».

    La proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale va désormais reprendre son parcours législatif par une nouvelle lecture au Sénat.

    L’État fédéral contre le Tennessee pour discrimination liée au VIH dans une loi anti-travail du sexe

    Le Département américain de la Justice (DOJ) a lancé une action en justice contre l’État du Tennessee et contre le Bureau d’enquête du Tennessee pour ce qu’il considère comme une application discriminatoire de la loi de l’État sur la prostitution aggravée contre les personnes vivant avec le VIH, explique le site www.mygayprides.com. Cette poursuite a été annoncée, dans un communiqué, par la procureure générale adjointe Kristen Clarke de la Division des droits civils du DOJ. Elle a été déposée devant un tribunal du Tennessee. Le motif de cette action en justice est le « traitement injuste des individus en raison de leur statut VIH ». « L’application de lois pénales étatiques qui traitent les gens différemment en fonction du seul statut VIH et qui ne sont pas basées sur des risques réels de préjudice est discriminatoire à l’égard des personnes vivant avec le VIH », a clairement expliqué Kristen Clarke dans un communiqué. Elle a, par ailleurs, expliqué l’objectif de cette procédure visant à garantir que les personnes vivant avec le VIH ne soient pas injustement ciblées en raison de leur état de santé. La procédure affirme que « la loi du Tennessee sur la prostitution aggravée soumet les personnes séropositives à des sanctions pénales indûment sévères basées uniquement sur leur statut VIH, indépendamment de tout risque réel de préjudice ».

    Au cœur de la plainte du Département américain de la Justice, se trouve la loi sur la prostitution aggravée (Tennessee Code Ann. § 39-13-516). Le texte élève la prostitution — un délit mineur dans cet État — au rang de crime de classe C pour les personnes connues pour vivre avec le VIH. La loi exige que les personnes reconnues coupables en vertu de cette loi (faire du travail du sexe en vivant avec le VIH) soient passibles de peines sévères, notamment une peine d’emprisonnement de trois à 15 ans et des amendes allant jusqu’à 10 000 dollars. De plus, les personnes ainsi condamnées pour être enregistrées dans la catégorie des « délinquants sexuels violents », nécessitant dans la plupart des cas une inscription à vie au registre des délinquants sexuels du Tennessee. Le Département américain de la Justice considère que ce traitement différencié est discriminatoire à l’égard des personnes séropositives, et surtout que l’argument de ce texte ne tient pas compte des progrès réalisés dans le traitement du VIH et du fait que les personnes ayant une charge virale indétectable ne peuvent pas transmettre le VIH. Le DOJ demande au tribunal de déclarer l’application de la loi sur la prostitution aggravée du Tennessee en violation avec la loi, d’ordonner la cessation de son application et d’ordonner le retrait du registre des délinquants sexuels des personnes reconnues coupables en vertu de cette loi. Le DOJ demande des dommages-intérêts compensatoires pour les personnes lésées, notamment la plaignante qui a lancé cette plainte, une femme transgenre noire vivant avec le VIH.

    Hommage à Robert Badinter

    L’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand, Robert Badinter, s’est éteint vendredi 9 février 2024. Un hommage national lui a été rendu le 14 février, place Vendôme, devant le ministère de la Justice qu’il a occupé de 1981 à 1986. Né à Paris en 1928, avocat et professeur de droit, il restera dans l’histoire celui qui a aboli la peine capitale en France. Fervent abolitionniste dans les prétoires (il a défendu plusieurs fois des personnes menacées de la peine capitale), Robert Badinter poursuit son combat une fois devenu ministre de la Justice de François Mitterrand. Il fait adopter la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort. On lui doit également d’autres réformes structurelles comme, entre autres, l’abrogation du délit d’homosexualité hérité du gouvernement de Vichy, l’ouverture aux citoyens-nes français-es de la Cour européenne des droits de l’homme, le renforcement des droits des victimes ou encore l’amélioration de la condition carcérale, rappelle un communiqué du gouvernement. À sa sortie du gouvernement, il est nommé président du Conseil constitutionnel, fonction qu’il occupera de 1986 à 1995 ; par la suite, il devient sénateur (PS) des Hauts-de-Seine de 1996 à 2011. Dans une tribune, publiée le 9 février dans Libération, Régis Schlagdenhauffen, sociologue, maître de conférences de l’EHESS 9, rappelle Robert Badinter a joué un rôle clef dans l’abrogation de la loi de 1942 qui réprimait l’homosexualité : « Selon lui, abroger cette loi promulguée sous Vichy, et reprise telle quelle à la Libération, était une nécessité, un devoir moral, pour lui et pour la France. En tant qu’ancien avocat, il avait une conscience aiguë de ce que vivaient beaucoup de gays et de lesbiennes au tournant des années 1980 : opprobre social, honte, secret, ce à quoi s’ajoutait le risque d’une condamnation pénale et donc d’un procès, souvent relayé par la presse locale d’ailleurs. À ses yeux, les espoirs suscités par l’élection de François Mitterrand imposaient à la France de changer de logiciel et donc de dépénaliser l’homosexualité ». Régis Schlagdenhauffen rappelle que la « tâche ne fut pas simple » et que les obstacles, de toutes parts, n’ont pas manqué. « Perdre Robert Badinter signifie donc aussi perdre un avocat de la cause homosexuelle et LGBT, perdre un homme courageux qui a pris la parole et les devants pour (et souvent à la place de) celles et ceux qui n’osaient, ou ne pouvaient, pas le faire, par crainte d’être « outés », de ne pas plaire à leur électorat, ou de voir leur vie détruite. Poursuivre son combat en la matière pourrait se faire de deux manières : d’une part en parachevant son souhait de rendre leur juste place aux personnes condamnées pour homosexualité par la France entre 1942 et 1982 au sujet desquels nous ne savons que trop peu de choses, tant ces personnes ont été oubliées ; d’autre part en œuvrant à l’international pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité qu’il appelait de ses vœux ».

    La Grèce légalise le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe

    Nouvelle avancée de l’égalité des droits en Europe. La Grèce a décidé (15 février) d’autoriser le mariage homosexuel et l’adoption d’enfants par des couples de même sexe, une réforme sociétale majeure portée par le gouvernement conservateur malgré l’opposition radicale de l’Église orthodoxe, très influente dans le pays. Ce pays méditerranéen où prédomine encore un modèle de famille traditionnel est devenu le 37e pays dans le monde, le 17e pays de l’Union européenne et le premier pays chrétien orthodoxe à légaliser l’adoption pour des parents de même sexe. Pour les associations LGBT+ et les couples homosexuels avec enfants, la Grèce vit « un moment historique ».

    L’adoption du projet de loi n’a guère fait de doutes en raison du soutien de plusieurs partis d’opposition de gauche. Pour autant, le Premier ministre Mitsotakis était confronté à la rébellion de l’aile la plus conservatrice de son parti Nouvelle-démocratie (ND). Le chef du gouvernement n’a d’ailleurs pas imposé de consigne de vote aux députés-es de la ND. Depuis 2015, la Grèce dispose d’une union civile mais elle n’offre pas les mêmes garanties juridiques que le mariage civil, rappelle l’AFP. Le dirigeant a également insisté sur la nécessité de mettre un terme à des situations ubuesques en ce qui concerne l’homoparentalité. « Les parents de même sexe pourront enfin dormir paisiblement la nuit », a-t-il assuré en présentant la réforme en conseil des ministres, fin janvier. Car ils seront « libres de la peur que s’il leur arrive quelque chose, leur enfant ne se retrouvera pas (...) dans une institution ». Jusqu’à présent, seul le parent biologique disposait de droits sur l’enfant. En cas de décès de celui-ci, l’État pouvait retirer la garde à l’autre parent. Et les enfants de deux pères ne pouvaient pas obtenir de papiers d’identité, le nom d’une mère étant obligatoire à l’état civil. Certains-es ont toutefois déploré que le projet de loi n’accorde pas la gestation pour autrui (GPA) aux couples homosexuels.L’essentiel du débat, souvent âpre, qui a agité le pays ces dernières semaines, a concerné la question de l’homoparentalité. Les études d’opinion ont montré que les Grecs-ques étaient plutôt favorables au mariage homosexuel, mais opposés-es à l’adoption par les couples de même sexe. Dans un pays à 95 % orthodoxe, l’Église, dotée d’un rôle « dominant » par la Constitution, s’est totalement opposée au projet, comme attendu.

    Parcours de transition des personnes transgenres : la HAS prend acte du jugement du tribunal administratif

    C’est par voie de communiqué, le 20 février dernier, que la Haute autorité de santé (HAS) indique prendre acte du jugement du tribunal administratif de Montreuil qui lui enjoint de communiquer la liste des noms des participants-es au groupe de travail « Parcours de transition des personnes transgenres ». Cette décision de justice fait suite à une procédure entamée par l’association Juristes pour l'enfance, une association proche de la Manif pour tous, qui réclamait de connaître l'identité des membres de cette commission.

    Cette demande de Juristes pour l’enfance s’inscrit dans un contexte tendu de remise en cause des parcours de transition des personnes trans, tout particulièrement dès lors qu’ils peuvent concerner des personnes mineures. L’association relaie très régulièrement des prises de position hostiles à l’accompagnement des transitions et conteste le libre arbitre des personnes concernées, notamment des mineurs-es. Dans ce dossier, Juristes pour l’enfance a fait valoir que le monde médical était clivé sur le sujet et pris fait et cause pour les médecins réticents-es, voire opposés aux traitements hormonaux pour les personnes mineures. Elle a, de surcroît, prétendu que le groupe de travail constitué par la HAS serait dominé par des « militants transactivistes » ou par des médecins spécialistes « exposés à des conflits d'intérêts ». Dans un communiqué, l’association avance même que « l’absence de transparence [de la part de la HAS, concernant la composition de ce groupe, ndlr] laisse à penser que les participants à ce groupe sont des professionnels de la santé qui vivent de la transition médicale et qui ne disposent donc pas de l’impartialité attendue pour préconiser des mesures de bonne pratique dans un domaine aussi important que sensible ».

    Face au procès d’intention, la HAS a d’abord refusé de communiquer la composition de cette commission, estimant que cela exposerait ses membres à des « pressions éventuelles ». L’argument tient d’ailleurs, puisque Le Figaro avait jugé bon, en juin 2023, de révéler les noms de membres de cette commission dans un article sobrement intitulé : « Transition de genre : comment les militants trans ont infiltré la Haute autorité de santé ». La HAS avait même porté plainte contre X, après ces fuites. Le journal mettait notamment en cause le fait que plusieurs personnalités retenues dans le groupe de travail étaient elles-mêmes transgenres… comme si ces personnes concernées ne devaient pas avoir voix au chapitre sur un sujet les concernant. Mais il est vrai que la philosophie du quotidien est assez éloignée du « rien pour nous, sans nous », dès lors que le sujet concerne des groupes minoritaires.

    La HAS doit donc publier la liste des participants-es à son groupe de travail. « Si la HAS prend acte de cette décision, elle souhaite rappeler les fondements de sa méthode de travail et les raisons qui l’ont conduite à ne pas publier cette liste », explique l’instance, indépendante du gouvernement. Et de rappeler qu’elle « travaille à l’élaboration des premières recommandations sur le parcours de transition des personnes transgenres, sur une saisine du ministère chargé de la Santé [et de la Prévention]. Ces recommandations visent à améliorer l’accompagnement et la prise en charge des personnes en questionnement sur leur identité de genre ou transgenre. Comme pour toute recommandation pour la pratique clinique, ces travaux sont élaborés selon une méthode connue, rigoureuse et transparente, et en toute indépendance. Cette méthode repose notamment sur la constitution d’un groupe de travail composé d’experts concernés par le thème de la recommandation. Ces experts sont des professionnels ainsi que des usagers du système de santé. Afin d’éviter toute pression sur les membres du groupe de travail et de préserver ainsi la sérénité des travaux, l’identité des experts n’est rendue publique qu’au moment de la publication des recommandations. Ce principe, valable pour l’ensemble des recommandations de la HAS, a été appliqué aux travaux sur le parcours de transition des personnes transgenres. La confidentialité apparaissait d’autant plus nécessaire, pour cette recommandation, que le sujet s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible (…) Aujourd’hui, la HAS prend acte du jugement du tribunal administratif, qui a estimé que les règles du code des relations entre le public et l’administration imposent la communication de l’identité des experts participant à ce groupe de travail. La HAS va examiner l’impact de ce jugement sur la méthodologie de ses travaux, pour envisager les suites à y donner ».

    La Journée zéro discrimination de l’Onusida a dix ans

    La Journée zéro discrimination (chaque 1er mars), une initiative de l’Onusida, a dix ans. Cette Journée a été lancée comme un « appel en faveur de la protection des droits humains en tant que moyen de protéger la santé » Elle entend faire « progresser l'égalité et la justice pour tout le monde, indépendamment du sexe, de l'âge, de la sexualité, de l'appartenance ethnique ou du statut sérologique ». Cependant, les progrès sont en péril, note l’agence. « Les attaques contre les droits des femmes et des filles, des personnes LGBTQ+ et d'autres communautés marginalisées sont en augmentation ». « Et lorsque les lois, les politiques, les pratiques ou les normes consacrent la punition, la discrimination ou la stigmatisation des personnes parce qu'elles sont des femmes, des personnes LGBTQ+, des migrants-es, des travailleurs-ses du sexe ou des consommateurs-trices de drogues, les résultats se traduisent par une santé publique défaillante, car ces communautés sont écartées des services sociaux et de santé vitaux », constate l’Onusida. « Les atteintes aux droits constituent une menace pour la liberté et la démocratie et sont préjudiciables à la santé. La stigmatisation et la discrimination font obstacle à la prévention, au dépistage, au traitement et à la prise en charge du VIH, et freinent les progrès vers l'éradication du sida d'ici à 2030 », a rappelé Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’agence onusienne. « Ce n'est qu'en protégeant les droits de chacun que nous pourrons protéger la santé de tous-tes ». L’Onusida rappelle quelques motifs de satisfaction :

    • Il y a 40 ans, deux tiers des pays du monde criminalisaient les personnes LGBTQ+ ; aujourd'hui, deux tiers des pays ne le font pas ;
    • Trente-huit pays dans le monde se sont engagés à mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination liées au VIH ;
    • Aujourd'hui, 50 millions de filles de plus sont scolarisées par rapport à 2015, ce qui a un effet direct sur le risque d’être discriminée.

    À l’occasion du 1er mars, l’Onusida appelle à « poursuivre ces progrès » et pour ce faire « à soutenir les mouvements de femmes et les mouvements en faveur des droits des personnes LGBTQ+, de la justice ethnique, de la justice économique, de la justice climatique et de la paix ». A l’occasion de cette journée, et tout au long du mois de mars, des événements et des activités vont rappeler au monde cette leçon essentielle et cet appel à l'action.

    VIH : l’OMS alerte sur la montée de la résistance au dolutégravir

    L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment alerté contre une augmentation de la résistance du VIH au dolutégravir dans son dernier rapport sur la résistance du VIH aux médicaments. Le dolutégravir est recommandé depuis 2018 par l'OMS comme traitement de référence de première et deuxième lignes. Parmi ses atouts, une barrière génétique élevée ; donc, il génère moins facilement des résistances que les autres traitements. Pour autant, les niveaux de résistance du virus au dolutégravir varieraient entre 3,9 et 8,6 % selon les données de quatre enquêtes menées en Afrique subsaharienne et dans les Antilles. Comme l’explique Le Quotidien du Médecin, ces enquêtes ont été analysées par les rapporteurs-rices de l'OMS. Le niveau de résistance atteindrait même 19,6 % chez les personnes pour qui le dolutégravir serait le traitement de seconde ligne. La situation réelle est difficile à évaluer, dans la mesure où « seuls quelques pays ont communiqué des données à l’OMS », explique le rapport. Un point de vigilance particulier est fait pour prévenir la transmission de la mère à l'enfant. Les auteurs-rices insistent d'ailleurs sur la nécessité de s'assurer que les femmes enceintes ou allaitantes aient une charge virale indétectable pour prévenir toute transmission verticale. « Les preuves inquiétantes de résistance chez les individus dont la charge virale n'est pas supprimée malgré le traitement par le dolutégravir soulignent la nécessité d'une vigilance accrue et d'efforts intensifiés pour optimiser la qualité de la prestation des soins liés au VIH », précise, dans un communiqué, la Dr Meg Doherty, directrice du département OMS de la lutte mondiale contre le VIH, l'hépatite et Programmes IST. Pour l'OMS, le meilleur moyen de lutter contre la résistance au traitement passe par la surveillance des résultats biologiques (mesures de la charge virale) et l'observance (souvent malmenée par des ruptures de stock d’antirétroviraux). Actuellement, 74 % des pays à revenu faible ou intermédiaire seulement déclarent avoir adopté la surveillance de la charge virale pour les adultes et les adolescents-es. Par ailleurs, rappelle le quotidien médical, la « détection et la confirmation tardives de l’infection par le VIH peuvent augmenter le risque de développer une résistance aux inhibiteurs de l'intégrase ». « Depuis 2022, l’OMS recommande l’utilisation du cabotégravir injectable à action prolongée comme option supplémentaire de prévention du VIH pour les personnes présentant un risque important d’infection par le VIH. Le rapport contient aussi quelques bonnes nouvelles, et notamment le fait qu'en dépit de la montée de la résistance à cet antiviral, plus de 90 % des patients recevant un traitement contenant du dolutégravir ont une charge virale indétectable », conclut Le Quotidien du Médecin.

    Partenariat stratégique entre Expertise France et l’Onusida pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH dans six pays africains

    Tout un symbole. Expertise France et l’Onusida ont officiellement signé, fin février, un accord de partenariat d’un montant de 1 921 520 € à la représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Genève. Ce partenariat vise à appuyer la réponse communautaire à la stigmatisation et à la discrimination et la réforme législative dans six pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il est financé par Expertise France via L’Initiative, une facilité française complémentaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le projet entend « favoriser l’accès à des services VIH inclusifs et respectueux des droits de l’Homme pour les populations clés, les jeunes femmes, les adolescentes et les filles ». Il sera mis en œuvre au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en République Centrafricaine, au Sénégal et au Togo. « Cet accord vise la réduction des inégalités en matière d’accès aux soins et aux traitements pour les populations les plus vulnérables au VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre. La France s’engage ainsi pour la santé mondiale aux côtés de l’Onusida dans une approche d’équité, de solidarité et de progrès humain », a commenté Jérôme Bonnafont, représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève. De son côté, Anne-Claire Amprou, ambassadrice pour la santé mondiale, a expliqué : « Par ce partenariat, la France est heureuse de pouvoir réaffirmer son engagement pour le renforcement des systèmes de santé, ainsi que sa volonté de lutter contre la stigmatisation, la discrimination et les inégalités de genre dans l’accès aux soins des populations les plus vulnérables, notamment par le soutien des dispositifs communautaires ». Dans l’ensemble de ces pays, les populations clés sont touchées de manière disproportionnée par le VIH. À titre d’exemple en 2022, au Bénin et au Cameroun, la prévalence du VIH était respectivement de 7,2 % et 24,3 % chez les travailleurs et travailleuses du sexe, de 8,3 % et 20,6 % chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, de 21,9 % chez les personnes transgenres et de 1,2 % et 4 % chez les détenus et détenues alors que le taux de prévalence est de 0,8 % et 2,6 % en population générale. « Nous sommes ravis d’unir nos forces avec Expertise France car comme vous le savez la stigmatisation et la discrimination entravent la prévention, le dépistage, le traitement et les soins du VIH, et freinent les progrès vers l'élimination du sida d'ici 2030 », a, de son côté, affirmé Winnie Byanyima, directrice exécutive de l'Onusida et secrétaire générale adjointe des Nations unies. « Ce n'est qu'en protégeant les droits de chacun et chacune que nous pouvons protéger la santé de tous et toutes. » « Ce partenariat (…)  incarne notre engagement à soutenir les communautés les plus vulnérables et à promouvoir des sociétés plus justes et inclusives », a ajouté Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. Piloté par le bureau régional Afrique de l’Ouest et du centre de l’Onusida, basé à Dakar, le projet sera mis en œuvre avec l’appui de l’Institut de la Société civile pour le VIH et la santé en AOC, d’Alliance Côte d’Ivoire et de Coalition PLUS, dont AIDES est membre co-fondateur.

    Ghana : les députés-es adoptent une loi anti-LGBT+

    Recul. Les députés-es ghanéens-nes ont adopté mercredi 28 février une loi pénalisant les « pratiques homosexuelles », suscitant de vives craintes au sein de la communauté LGBT+ même si des observateurs-rices estiment que le texte a peu de chances d’entrer en vigueur, indique l’AFP. La loi dite « des droits sexuels convenables et des valeurs familiales ghanéennes » doit encore être promulguée par le président ghanéen, Nana Akufo-Addo. Ce dernier quittera le pouvoir en décembre prochain, après deux mandats, et pourrait ne pas vouloir compromettre son image à l’étranger en validant cette loi condamnée par une partie de la communauté internationale et les défenseurs-ses des droits. Communément appelé « projet de loi anti-gay », ce texte a été parrainé par une coalition composée de responsables religieux (Christianisme, Islam, rites traditionnels ghanéens). Il a bénéficié d’un important soutien des députés-es. Selon les dispositions du texte, les personnes impliquées dans des « activités homosexuelles » sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant de deux mois à trois ans. De plus, les personnes qui « font la promotion » de l’homosexualité seront condamnées à une peine de prison allant de cinq à dix ans. Comme le rappelle l’AFP, ce texte avait été déposé au Parlement en 2021, mais son vote avait toujours été différé. Au Ghana, pays très religieux à majorité chrétienne, les relations entre personnes de même sexe sont interdites, mais il n’y a eu aucun cas de poursuite aux termes de la loi datant de l’ère coloniale. Cependant, les personnes LGBT+ y sont régulièrement la cible de discriminations. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk a estimé que l’adoption de cette loi par le Parlement ghanéen est « profondément perturbante ». « Le projet de loi est contraire à la Constitution du Ghana et aux obligations et engagements régionaux et internationaux librement contractés en matière de droits de l’homme », a-t-il ajouté en demandant que « ce texte ne soit pas promulgué ». Le principal auteur du projet de loi, Sam George, un député de l’opposition, a appelé le président Akufo-Addo à promulguer le projet de loi juste après son adoption par le Parlement. « Nous attendons du président qu’il joigne le geste à la parole et qu’il soit un homme de parole », a commenté Sam George. Une coalition de défenseurs-ses des droits humains connue sous le nom de Big 18, qui regroupe des avocats-es et des militants-es au Ghana, a condamné le projet de loi, affirmant qu’il violait les droits des personnes LGBT+. « On ne peut pas criminaliser l’identité d’une personne et c’est pourtant ce que fait ce projet de loi, c’est vraiment mal », a déclaré à l’AFP l’anthropologue Takyiwaa Manuh. « Nous voulons faire comprendre au président qu’il ne doit pas approuver ce projet de loi, qui viole totalement les droits de l’homme de la communauté LGBT », a-t-elle ajouté. Selon le militant des droits LGBT+ Alex Donkor, fondateur et directeur de l’association LGBT+ Rights Ghana, « l’adoption de ce projet de loi marginalisera et mettra encore plus en danger les personnes LGBT au Ghana ». « Non seulement il légalise la discrimination, mais il favorise également un environnement de peur et de persécution », a-t-il estimé. Alex Donkor souligne les conséquences potentielles de la législation : « Avec des peines sévères pour les personnes et les militants LGBT+, ce projet de loi menace la sécurité et le bien-être d’une communauté déjà vulnérable ». De telles lois ont également un impact sur l’accès à la prévention et aux traitements contre le VIH et l’ensemble des IST. En Afrique, une majorité de pays ont des législations qui interdisent ou répriment l’homosexualité : c’est le cas de 31 États sur 54, selon l’Ilga. En Tanzanie, par exemple, les relations entre personnes du même sexe sont punies d’une peine minimale de 30 ans qui peut aller jusqu’à la perpétuité. En Zambie, au Sierra Leone et en Gambie, la peine peut aussi aller jusqu’à la perpétuité. Au Nigeria, la loi prévoit dix ans d’emprisonnement pour les personnes de même sexe affichant publiquement leur relation, et 14 ans au Kenya. L’Afrique du Sud est le seul pays du continent africain à autoriser le mariage homosexuel, qu’elle a légalisé en 2006. Les relations sexuelles entre personnes du même sexe n’ont été dépénalisées que dans une poignée de pays : le Cap-Vert, le Gabon, la Guinée-Bissau, le Lesotho, le Mozambique et les Seychelles, selon l’Ilga.