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    L’Actu vue par Remaides : « Royaume-Uni : la première salle de consommation de drogues ouvre à Glasgow »

    • Actualité
    • 23.02.2025

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    Un exemple de salle de consommation à moindre risque. Ici, celle de Genève.

    Par Jean-François Laforgerie

     

    Royaume-Uni : la première salle de consommation
    de drogues à moindre risque ouvre à Glasgow

     

    Drogues : plus d’un million d’usagers-ères de cocaïne en France en 2023. C’est ce qu’indiquent des données récentes de l’ODFT qui expliquent l’évolution des pratiques de consommation en France. Évolution, le Royaume-Uni en connaît une, lui aussi, avec l’ouverture à Glasgow de la première salle de consommation de drogues à moindre risque. En France, les médias ont beaucoup mis en avant le décès d’un jeune homme lors d’une soirée « chemsex », à la suite duquel deux hommes ont été mis en examen. Chez nous toujours, l’ANSM a engagé de nouvelles mesures afin de réduire le risque du détournement d’usage des médicaments dans le cadre d’un vaste plan de prévention de la soumission chimique. Remaides vous en dit plus.

    Une première salle de consommation à moindre risque à Glasgow

    La première salle de consommation supervisée de drogues du Royaume-Uni a ouvert ses portes, mi-janvier, à Glasgow, en Écosse. L’ouverture d’une salle de consommation de drogues avait été pour la première fois évoquée en 2016, après une soudaine augmentation de cas de VIH à Glasgow. Cette première salle représente « une étape significative » pour réduire les dangers liés à la prise de stupéfiants, a estimé vendredi 10 janvier, le Premier ministre écossais John Swinney. L’Écosse connaît le taux de mortalité lié à la consommation de drogues le plus élevé d’Europe et le gouvernement écossais cherchait depuis des années à expérimenter ces lieux de consommation supervisés, souligne l’AFP. Le dispositif est longtemps resté bloqué en raison de différends entre les gouvernements écossais et britannique, mais il a finalement été approuvé en septembre 2023 par la ville de Glasgow.
    Ce projet pilote permettra aux personnes usagères de drogues de consommer dans un environnement propre, sécurisé avec une offre de soins sur place. « Si ce site n’est pas une solution miracle, c’est une nouvelle étape significative qui viendra compléter d’autres efforts visant à réduire les préjudices et les décès » liés à la consommation de drogue, a déclaré le Premier ministre écossais, lors d’un déplacement (10 janvier) pour visiter cette première salle. « Le nombre de morts dus à la drogue reste bien trop élevé en Ecosse », a ajouté le Premier ministre. Le ministre écossais de la Santé Neil Gray a insisté sur les « preuves » de l’efficacité de ce dispositif dans les pays où il est déjà déployé.  « Nous n’avons aucun plan pour [lancer] de tels projets pilotes en Angleterre ou au Pays de Galles » mais « nous examinerons » les résultats du dispositif de Glasgow, a indiqué un porte-parole du Premier ministre anglais, Keir Starmer, depuis Downing Street. Selon l’organisme de statistiques écossais, 1 172 personnes sont décédées après avoir consommé des drogues en Écosse en 2023, soit 121 de plus que l’année précédente. C’est près de deux fois plus qu’il y a dix ans. En 2023, il y a eu près de 23 morts « par empoisonnement aux drogues » pour 100 000 habitants-es en Écosse (ce chiffre a été obtenu en excluant une partie de la population en raison de l’âge). En comparaison, le taux de mortalité moyen lié à l’usage de drogues était estimé, la même année, à 8,4 morts pour 100 000 habitants-es en Angleterre et au Pays de Galles et à 2,5 pour 100 000 habitants-es (entre 15 et 64 ans) dans l’Union européenne en 2022, selon des données de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

    Les infos clefs du point SINTES N°10 de l'OFDT

    L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a publié (17 décembre) une note sur les résultats des collectes de son dispositif SINTES (Système d’identification national des toxiques et des substances) en 2023. Mis en place en 1999 par l’OFDT, le dispositif SINTES est un outil d’observation de la composition des « produits psychoactifs illicites » reposant sur dix-sept coordinations locales. Depuis dix ans, les résultats annuels d’analyse des collectes du dispositif sont présentés dans une note dédiée (    ) visant à repérer l’évolution de la composition des drogues qui circulent en France et l’apparition de produits rares, inhabituels ou provoquant des effets indésirables.
    La dernière note en date (celle de décembre 2024) dite « Point SINTES n°10 » présente une « synthèse des collectes effectuées en 2023 ».
    Teneurs et produits
    La tendance à l’augmentation de la concentration en principe actif de la cocaïne observée depuis 2018 se confirme en 2023 et s’accompagne d’une diminution voire d’une absence d’adultération (produits de coupe), explique un communiqué de l’OFDT. Pour l’héroïne, les teneurs en principe actif restent stables en 2023. Des échantillons contenant des cannabinoïdes de synthèse, vendus comme de l’héroïne ont fait l’objet d’une alerte sanitaire en Île-de-France. Les analyses de MDMA/ecstasy confirment des teneurs en principe actif élevées pour la forme cristal et une importante variabilité́ pour les comprimés.
    La 3-MMC est très peu identifiée en 2023, faisant l’objet de nombreuses tromperies. La cocaïne rose (le plus souvent une association de kétamine et de MDMA) est peu collectée en 2023.
    Cannabis et cannabinoïdes
    « En 2023, divers produits contenant du cannabis ont émergé, certains étant très concentrés ou comestibles et pouvant provoquer des intoxications aiguës, note l’OFDT. La diffusion de l'hexahydrocannabinol (HHC), un dérivé du cannabis apparu en France en 2022 et classé comme stupéfiant en juin 2023, ainsi que d'autres cannabinoïdes hémisynthétiques [synthèse chimique d'une molécule réalisée à partir de composés naturels déjà chimiquement proches de la molécule visée, ndlr], se poursuit en 2023. » De plus, l'analyse des e-liquides révèle une grande variété de cannabinoïdes de synthèse, consommés par des utilisateurs très jeunes.
    Risques nouveaux
    « Des nitazènes, une nouvelle classe d’opioïdes de synthèse avec une puissance pharmacologique élevée et classée comme stupéfiant en juillet 2024, ont été identifiés par le dispositif SINTES en 2023, notamment dans le cadre de deux alertes sanitaires à Montpellier et à La Réunion », explique le communiqué. L’année 2023 a également été marquée par l’identification de cathinones de synthèse, placées sous surveillance par l’EWS (European Warning System) de l’Agence européenne des drogues (EUDA) en raison du risque élevé de complications neuropsychiatriques. Cependant, très peu de données sont actuellement disponibles pour mieux comprendre ces risques.

    Jeune homme décédé lors d'une soirée "chemsex" : deux hommes mis en examen

    Un jeune homme de 21 ans est décédé dans un logement de Tourcoing dans le cadre d’une soirée « chemsex » ; malgré l’intervention des secours. Un autre homme, âgé de 53 ans, a été transporté à l’hôpital dans le coma. Cet homme, dont la vie n’est plus en danger, et le locataire du logement, âgé de 52 ans, ont été placés en garde à vue puis déférés, a précisé la procureure de Lille, Carole Étienne. Comme l’indique une dépêche de l’AFP, les deux hommes ont été mis en examen ; l’un d’eux a été écroué. Une information judiciaire a été ouverte pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort sans intention de la donner et infractions à la législation sur les stupéfiants ».

    Prévention de la soumission chimique : l'ANSM engage de nouvelles mesures afin de réduire le risque de détournement d'usage des médicaments

    Les résultats de la dernière enquête nationale « soumission chimique » réalisée par le centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) de Paris à la demande de l’ANSM montrent une augmentation significative des signalements et une part des médicaments psychoactifs à hauteur de 56,7 % des substances impliquées, explique l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans un communiqué. La soumission chimique désigne l'administration d'une substance psychoactive à une personne, sans qu'elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol…. D’après l’enquête soumission chimique, cette substance est le plus souvent un médicament (antihistaminique, sédatif, benzodiazépine, antidépresseur, opioïde, kétamine…) mais cela peut aussi être une substance non médicamenteuse (MDMA, cocaïne, 3-MMC, GHB et ses dérivés ou l’alcool). Elle peut être ajoutée à une boisson, à de la nourriture, ou encore injectée avec une seringue. Depuis 2003, l’ANSM missionne le CEIP-A de Paris pour réaliser une enquête annuelle d’addictovigilance sur la « soumission chimique ». Ce travail permet notamment d’identifier les substances en cause, le contexte de survenue et d’évaluer les conséquences cliniques sur les victimes. Cette enquête est conduite à partir des signalements remontés par les treize centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance et avec l’aide du réseau des toxicologues experts-es. Les résultats de la dernière enquête rapportent un total de 1 229 signalements de soumission chimique suspects en 2022, contre 727 en 2021 et 539 en 2020, soit une augmentation de 69 % par rapport à 2021. Parmi les signalements analysés en 2022, 97 cas sont considérés comme vraisemblables. Devant ce constat, l’ANSM entend développer de nouvelles mesures afin de réduire le risque du détournement d’usage des médicaments. Début janvier 2025, l’ANSM va demander « aux laboratoires titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments à risque de soumission chimique de mettre en place des mesures pour limiter leur détournement. » « Cela peut consister à rendre le détournement de l’usage de la substance plus difficile ou à alerter les victimes potentielles en modifiant la formule du médicament. Ces changements peuvent porter sur l’aspect visuel (colorant ou texture inhabituelle), ou l’ajout d’un goût ou d’une odeur identifiables. Nous avons d’ores et déjà échangé avec les représentants des laboratoires dans le cadre de notre comité d’interface car l’engagement à travailler le sujet repose sur une démarche volontaire de leur part, indique l’agence. L’objectif est de pouvoir modifier les AMM, puis les médicaments effectivement mis sur le marché, sur la base des propositions des industriels et des discussions collégiales (…) Nous travaillons également à des solutions à long terme pour que les nouveaux médicaments qui seront mis sur le marché intègrent d'emblée ces caractéristiques permettant de rendre leur détournement plus détectable. Nous avons également sollicité nos homologues européens pour connaître leurs initiatives à des fins de partage de bonne pratique. »

    Drogues : plus d'un million de personnes usagères de cocaïne en France en 2023

    La demande en cocaïne n’a jamais été aussi forte en France : 1,1 million de personnes en ont consommé au moins une fois dans l’année en 2023 dans notre pays, montre la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée mercredi 15 janvier. Ce chiffre a presque doublé depuis le précédent rapport de l’OFDT dressant le panorama de la demande, de l’offre et de la réponse publique en matière de drogues et d’addictions. Selon ce rapport paru en 2022, la France comptait 600 000 personnes usagères dans l’année.
    Qu’est-ce qui explique cette forte augmentation de la consommation ? Plusieurs facteurs : la production mondiale n’a jamais été aussi élevée en Colombie, en Bolivie et au Pérou — les trois principaux pays producteurs — avec 2 700 tonnes de cocaïne en 2022 contre 1 134 tonnes en 2010, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. D’ailleurs, cette plus forte disponibilité se traduit par une augmentation des saisies. Les autorités françaises ont saisi 23,5 tonnes de cocaïne en 2023, contre 4,1 tonnes en 2010. Sur les onze premiers mois de l’année 2024, ce sont près de 47 tonnes de cocaïne qui ont été saisies par les services français chargés de la lutte antistupéfiants. Autre facteur : « L’évolution des conditions de travail, avec des actifs qui l’utilisent pour "tenir au travail", soit pour supporter des cadences intensives (restauration), soit pour faire face à la pénibilité des conditions de travail (marins pêcheurs) », a souligné, auprès de l’AFP, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT. Il y a enfin la « diversification des formes de consommation, avec la diffusion de la cocaïne base (crack) et la banalisation de l’image de la cocaïne, une drogue qui serait devenue "familière" et qui est perçue comme « moins dangereuse" qu’il y a 20 ans », poursuit Ivana Obradovic. La France occupe désormais le 7e rang européen en termes de consommation de cocaïne. Si le prix du gramme de cocaïne est resté quasi-stable — 60 euros en 2011, 66 euros en 2023 — la teneur a suivi une courbe exponentielle, avec une cocaïne pure à 73 % en 2023 contre 46 % en 2011.
    Les chiffres restent relativement stables sur le cannabis, drogue la plus consommée en France, avec cinq millions de personnes usagères dans l’année en 2023, 1,4 million d’usagers-ères réguliers-es (dix fois au cours des 30 derniers jours) et 900 000 personnes consommatrices quotidiennes.  « C’est chez les jeunes adultes qu’il y a eu les plus fortes hausses de l’expérimentation et de l’usage dans l’année », notamment pour les stimulants comme la cocaïne et l’ecstasy/MDMA, a commenté Ivana Obradovic.
    L’usage de MDMA/ecstasy a, lui, bondi, passant de 400 000 à 750 000 personnes entre 2019 et 2023 ayant consommé au moins une fois le produit dans l’année. L’expérimentation de l’héroïne continue de progresser en France, avec 850 000 expérimentateurs-rices (+ 350 000 depuis la précédente étude). « Les usages d’héroïne ne touchent plus uniquement les personnes les plus précaires, il y a des personnes plus insérées socialement qui en consomment de manière "sniffée" », a détaillé Ivana Obradovic. Le chiffre d’affaires du trafic de drogue est estimé entre 3,5 et 6 milliards d’euros par an en France. Dans une récente étude, l’OFDT a mesuré le coût social — valeur des vies humaines perdues, perte de la qualité de vie, coût pour les finances publiques — que représentent les drogues illicites à 7,7 milliards d’euros.