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    L'Actu vue par Remaides : Système de santé : les recommandations du rapport Charges et Produits

    • Actualité
    • 19.08.2024

    ALD GRIMPEUR

    © DR

    Par Jean-François Laforgerie

    Système de santé : les recommandation du rapport Charges et Produits

    Le Conseil de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) a approuvé jeudi 18 juillet le rapport Charges et Produits pour 2025 (voir encart). C’est le « document annuel structurant » pour éclairer les politiques de santé publique et contribuer à l’élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025) qui sera débattu, normalement, cet automne, par le nouveau gouvernement. Dans la foulée de ce vote, le rapport a été rendu public. En voici quelques points forts.

    Le grand  intérêt du rapport Charges et Produits tient dans sa double vocation : l’analyse des tendances de fond dans le champ de la santé et celle des besoins à court terme du système de santé. Le rapport est toujours assorti d’un certain nombre de propositions. Cette année, on n’en compte pas moins de 30. Elles visent à « améliorer la qualité et l’efficience » de notre système de santé. Une amélioration qui passe par « de nouvelles mesures fortes d’économies », face à un déficit qui reste significatif et pourrait s’élever à 11,4 milliards d’euros en 2024.

    Alors que contient le rapport comme pistes pour 2025 ?
    Parmi les leviers d’action mentionnés, le rapport Charges et produits pour 2025 appelle à renforcer les politiques de prévention, notamment face aux maladies chroniques, à poursuivre l’optimisation des parcours de soins, à encourager le recours aux innovations, et à gagner en sobriété à tous les niveaux, notamment en réduisant le gaspillage et en assurant le juste soin. La lutte contre les fraudes et les abus reste également une priorité majeure. Une stratégie ambitieuse dont l’objectif est d’atteindre 1,56 milliard d’économies en 2025, tout en préservant l’accès aux droits et aux soins. « Au fil des années, le rapport Charges et produits est devenu de plus en plus riche et stratégique pour préparer les travaux autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne. À partir de nos données et de nombreuses études, nous produisons un document de référence qui pose un diagnostic précis du système de santé. À partir de là, nous formulons 30 propositions qui s’appuient pour certaines sur des dispositifs qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité dans certaines régions ou certains pays. Elles synthétisent notre vision et sont notre boussole pour l’année, dans tous nos domaines d’action », a commenté Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie, dans le communiqué de l’institution.

    Une analyse du système de santé et des dépenses sur quatre volets
    Le volet financier d’abord. La situation financière de l’Assurance Maladie continue de s’améliorer, cette année, mais reste fragile avec un déficit de 11,1 milliards d’euros en 2023. Malgré un net redressement en 2023 (diminution de 10 milliards d’euros par rapport à 2022), les projections pour 2024 prévoient un déficit à 11,4 milliards et qui pourrait se maintenir à un niveau élevé dans les prochaines années.
    Le volet des soins documente, à partir des données de 2022, une concentration croissante des dépenses sur la prise en charge des maladies chroniques. Une personne assurée sociale sur trois est concernée, soit 24 millions de personnes (en augmentation de + 1,5 million depuis 2015). Cela représente près de 60 % des dépenses totales remboursées de l’Assurance Maladie (112 milliards d’euros sur 190 au total). La prise en charge des maladies cardiovasculaires, les traitements des cancers actifs et la santé mentale sont prédominants et représentent à eux-seules plus de 40 % des dépenses totales. Ces trois domaines sont d’ailleurs plus spécifiquement traités dans cette nouvelle édition du rapport.
    Les données sur l’offre des soins en ville témoignent d’une évolution démographique contrastée (baisse du nombre de médecins généralistes, hausse du nombre d’infirmiers-ères). Ces données révèlent également une dynamique soutenue des prescriptions des médecins libéraux (58,2 milliards d’euros en 2023, soit +11% depuis 2019), avec trois postes principaux : les médicaments, les indemnités journalières et les dispositifs médicaux. Par ailleurs, un « tableau de bord de 17 indicateurs de santé publique constitue un point de repère sur les besoins en matière de prévention et d’accompagnement des maladies chroniques ».

    Trente propositions et des économies attendues à la clef
    L’Assurance Maladie affiche un programme d’économies très ambitieux pour 2025, qui s’élève à 1,56 milliard d’euros. Les principaux champs d’action sont la prise en charge des pathologies chroniques (80 millions d’euros), la lutte contre les fraudes et les abus (420 millions) et surtout la pertinence et l’efficience de soins (1,06 milliard), souligne le rapport. « L’objectif de gagner en sobriété et en efficience est la colonne vertébrale du rapport. Dans un contexte de déficit qui tend à devenir chronique, toute dépense doit, plus que jamais, être une dépense utile ! Nous présentons des mesures opérationnelles et crédibles qui vont dans ce sens, avec une détermination forte à agir pour garantir la pérennité de notre système de santé », précise d’ailleurs Thomas Fatôme. Parmi ses propositions clés, l’Assurance Maladie cite la création de formulaires infalsifiables d'arrêt de travail, pour faire la chasse aux « faux » formulaires revendus sur Internet et en parallèle la mise en place d’un nouveau service attentionné « SOS IJ » pour aider les médecins dans leurs prescriptions d’arrêts de travail face à des situations complexes. Elle propose aussi une « chasse au gaspillage des produits de santé en lien avec les professionnels de santé concernés (médecin, infirmiers, pharmaciens), comme les pansements qui tendent à s’accumuler chez les patients. Un nouveau cadre de prescription s’avère donc nécessaire. Autre piste : des « actions pour mieux prévenir, évaluer et soigner la douleur chronique sont également présentées, afin d’être vigilant face aux risques d’addiction inhérents au traitement par opioïdes ». Le rapport traite également de nouveaux sujets, comme la décarbonation du système de santé et la santé environnementale, avec comme objectif de développer un outil d'évaluation de l’impact carbone du médicament, et une action de sensibilisation aux dangers des perturbateurs endocriniens dès la fin d'année. Par ailleurs, l’accent est mis sur la « lutte contre les inégalités sociales en santé (…) à travers une approche spécifique de la santé des femmes, mais aussi des jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance, dont l’état de santé est plus dégradé à l’âge adulte, avec par exemple deux fois plus de maladies cardio-vasculaires et de cancers à l’âge adulte que la population générale ».

    Un focus sur la santé des femmes
    La santé des femmes est l’un des axes forts du rapport. La réflexion conduite à ce sujet recense plusieurs études mettant en avant la nécessité d’une approche genrée, et propose d’organiser un dépistage systématique du risque cardiovasculaire pour les femmes ménopausées, d’améliorer le dépistage et la prise en charge de l’endométriose en participant à l’évaluation de l’Endotest (test salivaire de dépistage l’endométriose). Enfin, face à la prévalence des violences faites aux femmes (240 000 victimes enregistrées en 2022, soit + 14 % par rapport à 2021), l’Assurance Maladie propose de soutenir le développement des Maisons des Femmes, structures dédiées à leur accueil et leur prise en charge.

    Sans vouloir être exhaustif, signalons deux autres pistes abordées dans le rapport Charges et Produits : les médicaments innovants et la santé numérique. Le premier sujet s’appuie sur les travaux du troisième Observatoire européen des délais d’accès aux médicaments (en collaboration avec la Haute Autorité de santé et son homologue dans les autres pays européens : Allemagne, Angleterre, Italie et France. Le rapport souligne leur « très forte disponibilité en France », notamment grâce au dispositif d’autorisation d’accès précoce. « Faciliter l’accès à l’innovation est l’une des forces de notre système de santé et doit le rester », se prévaut d’ailleurs L’Assurance Maladie. Le rapport présente, par ailleurs, une analyse de la forte dynamique des dépenses des médicaments indiqués dans le cadre de la prise en charge des maladies rares. Sur la santé numérique, l’Assurance Maladie propose de lancer des Assises de la téléconsultation. Celles-ci se feraient en concertation avec l’ensemble des acteurs-rices, afin d’asseoir le rôle de ce mode de prise en charge utile et complémentaire à la consultation en présentiel, mais aussi de l’encadrer. « En effet, certaines pratiques de prescription, notamment d’antibiotiques, dans le cadre de la téléconsultation analysée dans le rapport cette année interrogent », constate l’Assurance Maladie.
     

    A quoi sert le Rapport Charges et Produits ?

    Le rapport « Charges et Produits » publié chaque année depuis 2005 permet à la Cnam (Caisse nation ale d’Assurance Maladie) de formuler des propositions concrètes d’économies pour respecter les objectifs de dépenses d’Assurance Maladie et garantir ainsi le maintien d’un système de santé solidaire, performant et soutenable. Elle y énonce également des propositions complémentaires destinées à améliorer la qualité et l’efficience du système de santé. À partir d'analyses réalisées sur l'évolution des dépenses et des pratiques et en s'appuyant sur les recommandations françaises et internationales, le rapport Charges et Produits cherche à documenter des pistes concrètes pour assurer le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) et garantir le maintien d’un système de santé solidaire, performant et soutenable. Les propositions du rapport répondent toutes à une double finalité : identifier des pistes d’économies chiffrées tout en garantissant la meilleure qualité des soins possible. C’est le sens du « juste soin au juste coût ». À des fins prospectives, le rapport s’attache également à défricher de nouvelles thématiques ou modalités d’actions, en s’inspirant de l’analyse d’innovations conduites en régions ou dans d’autres pays.
    Ce rapport est remis au gouvernement et au Parlement.
    Le rapport Charges et Produits pour 2025 et sa synthèse sont disponibles en ligne.