L'Actu vue par Remaides : Fonds Mondial : d’importants progrès et des obstacles persistants
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- 19.09.2024
© Lucy Mukasia, une clinicienne au centre de santé de Kibera à Nairobi, au Kenya, trie des médicaments antirétroviraux/ The Global Fund /Brian Otieno
Par Fred Lebreton
Fonds Mondial : d'importants progrès et des obstacles persistants
Le 19 septembre, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a publié son dernier Rapport. Ce dernier met en lumière d’importants progrès dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme mais aussi des crises qui s’entrechoquent et des obstacles persistants. À un an de la conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, la rédaction de Remaides revient sur les points clés à retenir de ce Rapport.
Qu’est-ce que le Fonds mondial ?
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (souvent appelé « le Fonds mondial », ou en anglais « the Global Fund ») a été créé en 2002 comme un partenariat entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les communautés affectées. Il mobilise et investit environ quatre milliards de dollars par an à l’appui de programmes menés par des experts-es locaux-les (pouvoirs publics, ONG, etc.) dans les pays et les communautés qui en ont le plus besoin. En 2001, lors d’un sommet de l’Union africaine à Abuja, au Nigéria, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a suggéré la création du Fonds mondial, qui servirait de « trésor de guerre » mondial pour lutter contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. En juin 2001, l’Assemblée générale des Nations unies a approuvé la création de l’organisation. Le Fonds mondial a commencé ses activités en janvier 2002. Cette « fondation » a pour particularité d’être inscrite au Registre du commerce de Genève, et donc de répondre à la législation suisse. Ce n’est pas une agence de l’ONU, bien qu’elle travaille en partenariat avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et qu’elle ait son siège à Genève, comme l’OMS.
65 millions de vies ont été sauvées
Commençons par les bonnes nouvelles : Les investissements dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ont sauvé 65 millions de vies et réduit le taux cumulé de mortalité de ces trois maladies de 61 % depuis 2002, selon ce nouveau rapport publié par le Fonds mondial. « Ce ne sont pas que des chiffres. Chacune des 65 millions de vies sauvées par notre partenariat est un membre d’une famille, une amie, un voisin, une enseignante, un employé. Chaque vie sauvée, chaque infection évitée a un effet multiplicateur au sein de familles, de communautés et de nations entières » a souligné Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial. Ces vingt dernières années, l’impact obtenu par la politique du Fonds mondial a conduit à une amélioration spectaculaire de l’espérance de vie. Globalement, les inégalités entre les pays dans l’espérance de vie ont diminué d’un tiers entre 2002 et 2019. La moitié de cette diminution est attribuable à la baisse de la mortalité du sida, de la tuberculose et du paludisme.
25 millions de PVVIH sous traitement antirétroviral
Sur le front du VIH, le partenariat du Fonds mondial a continué de progresser dans le déploiement du traitement contre le VIH, avec un nombre record de 25 millions de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sous traitement antirétroviral. Le partenariat a également effectué 53,8 millions de tests de dépistage du VIH et fourni des services de prévention du VIH à 17,9 millions de personnes en 2023. Il a facilité l’accès à des options de prévention efficaces, dont Prep orale (en comprimés) et en anneau vaginal de dapivirine.
Renforcement des systèmes de santé et communautaires
Dans son rapport, le Fonds mondial montre également que la contribution transformatrice du partenariat a une portée qui dépasse largement les trois pandémies. Elle touche aussi bien le renforcement des systèmes de santé et communautaires, que la réduction des inégalités en matière de santé mondiale et l’accélération du progrès vers la couverture sanitaire universelle. Le rapport montre qu’en gardant des millions de personnes en bonne santé, les investissements du Fonds mondial dans la lutte contre le VIH ont évité 1,66 milliard de journées d’hospitalisation pour des activités en lien avec le VIH et 1,36 milliard de consultations ambulatoires, ce qui a généré des économies de 85 milliards de dollars au cours des vingt dernières années. « Lorsque les trois pandémies absorbent plus de 50 % des ressources d’un système de santé, réduire le fardeau de ces maladies peut avoir un impact spectaculaire sur la performance globale du système de santé », affirme Peter Sands. Et le directeur exécutif du Fonds mondial d’argumenter : « Cela se traduit par un recul de la mortalité infantile et maternelle et du nombre de décès dus à des traumatismes sévères et à d’autres problèmes de santé. De plus, nos investissements continus en faveur des agentes et agents de santé communautaires, des laboratoires, des chaînes d’approvisionnement, des systèmes de surveillance des maladies et d’autres composantes des systèmes de santé font en sorte que les pays sont mieux préparés à prévenir, détecter et contrôler d’autres maladies, comme le Mpox, ou les pandémies futures ».
Des réductions des prix des produits de santé
En 2023, le Fonds mondial a obtenu d’importantes réductions de prix des produits clés contre les trois maladies, qui permettent aux pays d’accroître la couverture en soins et traitements et d’atteindre un plus grand nombre de personnes. Pour le VIH, le Fonds mondial et ses partenaires ont abaissé de 25 % le prix du TLD (fumarate de ténofovir disoproxil + lamivudine + dolutégravir), le traitement préférentiel de première intention contre le VIH. Pour la tuberculose, le partenariat a obtenu des prix réduits de 20 % pour les cartouches de tests de diagnostic, de 30 % pour le 3HP (une thérapie combinée à dose fixe qui associe deux antibiotiques – l’isoniazide et la rifapentine), un traitement préventif court contre la tuberculose, et de 55 % pour la bédaquiline, le principal traitement contre la tuberculose pharmacorésistante. Le Fonds mondial a accéléré l’introduction à grande échelle de nouvelles moustiquaires imprégnées d’insecticide à double principe actif. Il a négocié un prix abordable à long terme pour ce nouveau dispositif de prévention du paludisme qui est 45 % plus efficace que les moustiquaires actuelles.
Des crises qui s’entrechoquent et des obstacles persistants
Dans son rapport, le Fonds mondial rappelle qu’en 2023, le monde a, encore une fois, été le théâtre de nombreuses crises : changement climatique, conflits et attaques contre les droits humains, l’égalité des genres ou encore la société civile. Des crises ont un impact direct sur la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Ainsi, des lois, des politiques et des pratiques répressives – stigmatisation, discrimination et violence, y compris la violence fondée sur le genre – empêchent des personnes, dans de nombreuses régions du monde, d’avoir accès à des services de prévention, de dépistage, de traitement et de prise en charge du VIH. « La lutte contre les maladies est tout autant un combat pour la justice et l’équité qu’un combat biomédical. Même les outils biomédicaux les plus innovants ne serviront à rien si les personnes qui en ont le plus besoin ne peuvent pas y accéder », rappelle Peter Sands.
Rendez-vous en septembre 2025
Tous les trois ans, la communauté internationale se retrouve pour financer la lutte mondiale contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme en réapprovisionnant le Fonds mondial. La 7e conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial s’est déroulée du 19 au 21 septembre 2022 à New York. Elle a débouché sur une promesse de dons de 14,25 milliards de dollars. C’est le montant le plus élevé jamais promis à l’institution, mais loin derrière l’objectif fixé qui était d’atteindre 18 milliards de dollars. Si du côté du Fonds mondial, on semblait avoir des paillettes plein les yeux. Du côté des ONG, la déception était grande. « Colère et déception. Voici les sentiments que nous sommes nombreux-ses à éprouver suite à la promesse de don de 14,25 milliards dollars (…) Un manque de volonté politique affligeant compte-tenu de la situation inquiétante des épidémies dans le monde. Puisque la plupart des États du Nord semblent l’oublier, AIDES tient à le répéter : le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme continuent de faire des ravages à travers le monde. Aujourd'hui encore, dix millions de personnes séropositives sont privées de traitement et 650 000 personnes sont mortes de maladies liées au sida pour la seule année 2021. L’enjeu était capital pour cette reconstitution : rassembler 18 milliards de dollars pour sauver 20 millions de vies en trois ans. Cette somme n’aurait pas suffi à éradiquer les trois épidémies d’ici 2030, mais aurait toutefois permis au Fonds mondial de maintenir ses actions après les conséquences dramatiques de la crise Covid », expliquait AIDES dans un communiqué en 2022.
La 8e conférence de reconstitution aura lieu en septembre 2025. La société civile et la lutte contre le VIH seront au rendez-vous pour demander aux gouvernements d’être à la hauteur des enjeux. À suivre.