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    L'Actu vue par Remaides : COSIVIH : Un collectif d’infirmiers-ères engagés-es dans la lutte contre le VIH

    • Actualité
    • 12.02.2025

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    © DR

    Par Fred Lebreton

    COSIVIH : Un collectif d'infirmiers-ères engagés-es dans la lutte contre le VIH

     

    Créé par un groupe d’infirmiers-ères engagés-es, le COSIVIH a pour ambition de fédérer les soignants-es œuvrant dans la prévention, l’éducation et la prise en charge du VIH. Julien Martinez, infirmier et cofondateur, explique comment ce collectif vise à lutter contre la sérophobie dans les soins, à diffuser les avancées thérapeutiques et la formation des infirmiers-ères. Une initiative portée par un engagement personnel et collectif, née d’un besoin de communication et de partage des bonnes pratiques.
     

    Remaides : Pouvez-vous vous présenter et présenter le COSIVIH ?

    Julien Martinez : Je suis infirmier en pratique avancée (IPA), spécialisé en psychiatrie mentale au CHU de Clermont-Ferrand et doctorant en sciences. Je fais aussi de l’accompagnement chemsex avec AIDES Lyon et des consultations addicto chemsex pour AIDES en visio sur la région Auvergne-Rhône Alpes. Le sigle COSIVIH signifie : collectif sciences infirmières et VIH français. Ce collectif a pour ambition de réunir les infirmiers et infirmières qui œuvrent dans le champ du VIH sur les aspects préventifs, éducatifs et curatifs ainsi que celui de la recherche paramédicale.
     

    Remaides : Qui est à l’initiative de ce collectif et quel est son but ?

    Il est né de discussion entre plusieurs personnes qui se connaissaient.  Un jour, Ingrid Buon, qui est infirmière en pratique avancée auprès des PVVIH à l’AP-HM (Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille), m'a appelé pour discuter de la prise en charge des chemsexeurs vivant avec le VIH. Et, en discutant, on s'est dit qu'il manquait quelque chose pour fédérer les soignants, notamment les infirmiers sur ces sujets. Nous nous sommes rendu compte, qu'en fait, il y a plein d'infirmiers qui travaillent sur la question du VIH de manières très différentes que ce soit en prévention avec la Prep ou en prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Il y a un panel assez large d'infirmiers et d’infirmières avec des missions très différentes mais où, finalement, le dénominateur commun, c'est le VIH. Mais, il y a peu de communication et d’échanges de pratiques ou d’outils entre nous. De fil en aiguille, nous avons constitué un réseau informel avec des personnes comme Thierry Mira, qui est IPA, maitre de conférences associé et étudiant en thèse sur un sujet autour du VIH ou encore Guillaume Arnou, infirmier spécialisé en santé sexuelle et Carine Savel, qui est infirmière sexologue au CHU de Clermont-Ferrand. Nous avons démarré avec des réunions en visio, puis nous nous sommes dit que cela pourrait être intéressant de créer un collectif pour fédérer toutes les initiatives infirmières, qu'elles soient dans le champ de la recherche clinique ou dans celui de la prise en soins. La première étape, pour nous, c’est vraiment de rassembler les gens. Nous avons créé une communauté sur WhatsApp [le lien est sur le site cosivih.com, ndlr]. Les personnes intéressées peuvent venir et participer aux différents groupes : podcasts, webinaires, articles scientifiques, projets de recherches, cours, consultation infirmière, l’objectif, c’est le partage d’info.

    Remaides : À qui s’adresse ce collectif ?

    Il est destiné à tous les infirmiers, qu'ils soient infirmiers diplômés d'État, infirmiers en pratique avancée comme moi, ou dans un parcours de Master 2, ou des cadres infirmiers aussi. C'est vraiment toute la profession infirmière impliqué dans la lutte contre ce virus qui est concernée.  De plus, le collectif est aussi destiné aux personnes vivant avec le VIH. Il reste beaucoup à construire mais, par exemple, nous pouvons mettre en place des binômes soignant/patient expert pour donner des cours à l’IFSI [Institut de formation en soins infirmiers, ndlr]. La parole et le vécu des personnes concernées sont toujours importants et marquants pour les étudiants et étudiantes. Nous sommes là pour accompagner les initiatives. Si, par exemple, un infirmier qui est intéressé par la recherche, vient dans le collectif, il pourra bénéficier de l’expertise du collectif dans le domaine de la recherche clinique.

    Remaides : Les refus de soins ou attitudes et propos sérophobes de la part de soignants-es reviennent souvent dans les témoignages de PVVIH. En quoi le COSIVIH peut-il contribuer à lutter contre la sérophobie dans les soins ?

    C’est vrai que, malheureusement, les propos sérophobes sont toujours très répandus dans le milieu médical. En 2018, j'avais monté une étude avec le professeur Olivier Épaulard qui est infectiologue à la faculté de médecine de Grenoble. L’étude montrait que, sur un échantillon d’environ 1 700 soignants, un tiers d'entre eux avaient déjà été témoins de comportements sérophobes dans les soins. Ce qui ressortait c’est que ces comportements sérophobes venaient principalement de soignants et soignantes relativement jeunes et non de celles et ceux qui ont connu le début de la pandémie dans les années 80. La stigmatisation liée à la séropositivité dans les soins est un vrai sujet que le collectif entend aborder frontalement. Par exemple, on pourrait construire des cours dédiés en instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) ou en école de santé tout simplement. Il faut vraiment aborder la question de la sérophobie mais aussi faire connaitre « Indétectable = Intransmissible » (I = I). Nous faisons le constat que trop de soignants ne sont pas au courant des avancées thérapeutiques par rapport au VIH. Un exemple édifiant, il y a quelques années, ça devait être en 2017, un de mes amis qui est formateur en IFSI me contacte. Il me demande de l’aider à mettre à jour ses cours sur le VIH. Il me donne sa base de cours. Elle ne comportait que des cas cliniques de personnes en stade sida. Rien sur « I = I » et pas un mot sur la Prep. Ses cours étaient très datés. Nous avons alors tout reconstruit ensemble. Idéalement, on aimerait que dans les IFSI et les écoles de santé, les étudiants et étudiantes puissent s’appuyer sur notre collectif et les outils que nous allons mettre en place pour s’éduquer sur le VIH et les moyens de lutter contre la sérophobie.

    Remaides : Êtes-vous en lien avec la SFLS (Société française de lutte contre le sida) pour vous aider à lancer ce collectif ?

    Des discussions sont en cours. Il va falloir effectivement qu’on communique pour faire connaitre plus largement le collectif. Pour nous, l'idée est que ce collectif soit vraiment accessible. Nous avons créé un groupe WhatsApp, et nous allons l'ouvrir davantage à d’autres soignants. L’idée est que la profession puisse s’approprier ces outils et les fasse vivre. Nous envisageons de nous rapprocher de la Société française d'infectiologie et des Comités de coordination régionale de la santé sexuelle [Coress, prenant le relais des Corevih, ndlr].

    Remaides : Vous êtes très impliqué depuis des années sur les questions de VIH, de chemsex ou de santé sexuelle notamment dans la communauté LGBT+. D’où vient cet engagement ?

    D’abord, il faut dire que j’ai été marqué par les années sida pendant mon enfance et mon adolescence. J'ai fait mon éducation dans un collège catholique et je me souviendrai toujours du jour où ils ont diffusé à la classe une cassette vidéo qui montrait un homme avec un sarcome de Kaposi. Il y avait une voix off inquiétante qui disait : « Il a pris trop de libertés », comme si le sida était une forme de punition. Je devais avoir 12 ans et cela a nourri chez moi une certaine peur du VIH/sida pendant des années. Et puis quand je suis devenu infirmier, j’ai décidé de m’éduquer sur ce sujet, de de déconstruire cette peur, ces représentations et cet imaginaire. Ensuite, pour le dire avec pudeur, je suis un homme hétéro et, à un moment donné dans ma vie, j'étais bien seul et c'est la communauté LGBT qui m'a aidé. C’est une forme de dette ou plutôt un juste un retour des choses. J’essaie d’aider une communauté qui m’a tendu la main. Les valeurs d’équité de diversité et d’inclusivité sont essentiels à notre discipline et ils nous incombent de les maintenir à un haut niveau

    Pour en savoir plus sur le collectif COSIVIH et les contacter.

    Propos recueillis par Fred Lebreton

     

    Julien Martinez

    © Julien Martinez