L'actu vue par REMAIDES : "AFRAVIH 2024 : l’appel de Yaoundé pour une réponse plus efficace contre le HPV"
- Actualité
- 19.04.2024
© AFRAVIH
Par Jean-François Laforgerie
AFRAVIH 2024 : l'appel de Yaoundé pour une réponse plus efficace contre le HPV
Chaque édition de la Conférence internationale francophone AFRAVIH lance son « appel » sur un thème d’importance, souvent un des grands enjeux de la lutte contre le VIH ou les hépatites virales et désormais la santé sexuelle. Pour l’édition 2024 de cette conférence (du 16 au 19 avril à Yaoundé, au Cameroun), l’appel de Yaoundé entend changer la donne dans la réponse au HPV. Explications.
À chaque édition son thème
En 2018, à Bordeaux, l’appel éponyme était en faveur de la lutte contre les hépatites B et C. « Nous dénonçons l’insuffisance des politiques de lutte contre les hépatites B et C. Nous sommes dans une situation d’urgence devenue inacceptable. Nous voulons une réaction politique immédiate sur ce sujet », expliquait alors ledit appel.
Deux ans plus tôt, l’appel de Bruxelles (AFRAVIH 2016) demandait l’accès universel à la Prep. Les signataires appelaient alors : « Les décideurs du monde entier à s’engager, à rendre la Prep accessible à toutes les populations à haut-risque de contracter le VIH qui en expriment le besoin et à lever les barrières législatives, politiques et financières entravant cet accès ; les autorités sanitaires et les professionnels de santé à intégrer la Prep dans leurs recommandations nationales, dans une prévention combinée de l’ensemble des infections sexuellement transmissibles avec la promotion du dépistage, et à conduire, le cas échéant la mise en place d’études pilotes pour adapter au mieux l’offre de Prep aux besoins, dans un cadre sécurisé ; les acteurs de la lutte contre le VIH à plaider en faveur de la Prep au Nord comme au Sud afin que toutes les populations hautement vulnérables au VIH puissent jouir des mêmes droits en matière d’accès à une prévention efficace, etc. Cet appel avait bénéficié de signatures prestigieuses (c’est souvent le cas) : Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de médecine), Michel Sidibé (alors directeur exécutif de l’Onusida), Christine Katlama (infectiologue et présidente de l’Afravih), France Lert (épidémiologiste), Philippe Duneton (directeur exécutif adjoint Unitaid), Hakima Himmich (alors résidente de Coalition PLUS et de l'ALCS, Maroc), Jeanne Gapiya (présidente de l’ANSS, Burundi), etc. »
En 2020, la conférence était virtuelle (pour cause de Covid-19) ; elle devait se tenir à Dakar. Du coup, pas d’appel de Dakar.
En 2022, l’AFRAVIH se déroulait à Marseille. Cette fois, l’appel portait sur la santé sexuelle. « Nous, personnes vivant avec le VIH et acteurs-rices de la lutte contre le VIH/sida et les hépatites (…) appelons la communauté internationale à « reconnaître l'importance de la santé sexuelle » ; à « mettre en place les moyens nécessaires pour que chacun-e puisse bénéficier de son droit à « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité » ; à « promouvoir des actions visant des changements structurels sociétaux, notamment par l'éducation aux sexualités pour toutes et tous, de manière ni jugeante, ni stigmatisante, mais dans le respect des identités de chacun-e » ; à « amplifier l’OSS (offre en santé sexuelle) dédiée aux populations clés de l’épidémie à VIH, souvent les plus éloignées du système de santé classique ; cette offre doit inclure soins et prévention et être délivrée dans un environnement sécurisant, etc. »
La lutte contre le HPV a les honneurs
Cette année, la 12ème Conférence internationale francophone AFRAVIH (édition 2024 donc) lance à l’initiative de l’AFRAVIH et de Coalition Plus un nouvel appel « aux politiques et à la communauté internationale ». Il s’agit de « rappeler l’urgence de s’attaquer aux virus du papillome humain (HPV) ». Que dit le texte de l’appel ?
« Nous appelons GAVI (l'Alliance du vaccin), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses partenaires à redoubler d'efforts pour garantir un accès au vaccin contre le HPV, pour tous-tes les jeunes filles et garçons sans discrimination ainsi qu’à une collaboration accrue entre gouvernements, société civile, chercheurs-ses, professionnels-les de santé et médias, afin d'élaborer et de diffuser des stratégies efficaces de promotion de la vaccination. Nous, professionnels-les de santé, activistes et experts-es engagés-es dans la prise en charge du VIH et de la santé sexuelle, rappelons l'urgence de s'attaquer aux virus du papillome humain (…) Ces virus touchent près de 12 % de la population mondiale, et 24 % des femmes en Afrique. Ils sont responsables selon l’OMS chaque année de 650 000 cancers et 342 000 décès touchant de manière disproportionnée les femmes et les personnes vivant avec le VIH et les pays d’Afrique subsaharienne. Ils induisent des millions de lésions précancéreuses. Le HPV n’est pas une fatalité : le HPV doit être dépisté et traité ; le HPV doit en priorité être prévenu par la vaccination des filles et des garçons, hommes et femmes, conférant une immunité pour la vie.
Parce que le poids du HPV et de ses complications sont majeurs sur les populations mondiales, en particulier pour les plus vulnérables, nous appelons à accroître les efforts en matière de vaccination, de dépistage et de prise en charge médicale précoce. Alors que l’OMS a adopté une stratégie mondiale visant à accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus, l'attention doit être suffisamment portée sur les autres cancers liés au HPV (anus, gorge,) et sur la vaccination des jeunes garçons. (…) Alors que plus de 90 % de la population risque de contracter le virus aujourd’hui, il est nécessaire de promouvoir le vaccin avant tout comme une arme efficace contre certains cancers. Pour cela, une réduction des coûts favoriserait une meilleure couverture vaccinale. Nous appelons à rendre les vaccins contre le HPV plus abordables afin de permettre la mise en place de vastes campagnes de vaccination dans le monde.
Enfin, un dépistage régulier est nécessaire pour prendre en charge de manière précoce les personnes présentant des lésions précancéreuses pouvant efficacement être soignées. Pour renforcer ce dépistage, nous appelons à la mise en place de campagnes de terrain au plus près des populations avec l’aide de pair-éducateurs pour celles les plus éloignées du soin ou dans des centres de santé communautaires. Des pratiques telles que l’auto-prélèvement doivent également être encouragées car elles renforcent l’adhésion au dépistage ». Et de conclure : « Ensemble, engagés-es et solidaires, nous avons le pouvoir d’atteindre l’objectif de nouvelles générations débarrassées des cancers à HPV ».
Les appels des conférences AFRAVIH sont des temps militants, et parfois politiques, forts. Ils sont devenus un incontournable de cet événement francophone de la lutte contre le sida et les hépatites virales, mais n’évitent pas un sentiment de répétition. C’est sans doute lié au fait que le bilan d’un appel est rarement rendu public (en dehors du nombre de signataires) et qu’on perçoit mal ce que chaque appel a pu changer, améliorer, fait progresser dans l’enjeu mis en avant. Bref, d’en démontrer l’impact. Bien sûr, on peut supposer que, vu la notoriété de l’AFRAVIH, celle de nombre de signataires… il ne s’agit pas d’un coup d’épée dans l’eau, mais apporter des éléments sur les changements produits grâce à ces appels permettraient de mobiliser davantage de futurs-es signataires pour les prochains appels qui ne manqueront pas de venir.