Rapport Discriminations 2016
- Publication
Nous sommes en France en 2016 et des milliers de personnes sont toujours violemment discriminées en raison de leur séropositivité. Les publics les plus vulnérables au VIH restent marginalisés et de nombreux malades sont toujours privés d’un accès décent aux soins et aux droits. Dans VIH/ hépatites, la face cachée des discriminations, rapport réalisé en collaboration avec le Défenseur des droits, AIDES revient sur l’ampleur du phénomène.
VIH, hépatites : la face cachée des discriminations 2016
Lorsque l’on est identifié-e comme personne vivant avec le VIH, usagère de drogues, étrangère, trans, etc., les expériences de discriminations sont une réalité qui affecte tous les domaines de l’existence. Les discriminations à l’encontre des personnes concernées par le VIH et les hépatites hypothèquent leur avenir en suscitant la peur : peur de se présenter à un entretien d’embauche, peur d’évoquer son statut sérologique, peur de consulter un médecin, peur de faire valoir ses droits. Les discriminations abîment les liens sociaux. Elles minent les esprits comme les corps. En éloignant du soin et en fragilisant les conditions de vie, en entretenant les attitudes de rejet, les législations discriminantes et les règlements injustes affectent directement la santé des personnes.
Pour l’édition 2016 du rapport VIH/hépatites, la face cachée des discriminations, nous continuons notre collaboration avec le Défenseur des droits. La poursuite de cet engagement dans la lutte contre les discriminations et les exclusions est la preuve qu’il faut se mobiliser à tous les échelons de la société.
Dans ce rapport, AIDES révèle diverses formes de discriminations et d’entraves dans l’accès aux droits ou à la santé pour les personnes concernées par le VIH et les hépatites. Nous exposons également les combats et stratégies mis en place par AIDES et ses partenaires pour faire évoluer les représentations, les pratiques et le droit.
Cette synthèse se focalise en grande partie sur les résultats édifiants de l’enquête menée en 2016 auprès de 1 080 personnes qui fréquentent les actions de AIDES. Parmi les personnes séropositives au VIH et/ou aux hépatites, 30 % ont déclaré avoir subi des discriminations au cours de l’année écoulée. Près de la moitié d’entre elles ont fait l’objet de rejets dans leur vie sexuelle, affective ou familiale, et près d’un quart ont été discriminées dans le milieu médical.
La précarité ressort également comme une source majeure de discriminations. En 2016, la précarité sociale s’ajoute à la liste de critères prohibés comme l’état de santé, l’orientation sexuelle, l’origine, etc. Ces phénomènes de discrimination sont reconnus légalement, c’est une condition indispensable pour qu’ils soient observés, quantifiés, visibilisés et par suite, combattus. Pour autant, s’ils existent, c’est qu’une institution, une législation ou un groupe les tolère, voire les encourage.
Nous nous devons de protéger et d’accompagner les plus vulnérables. C’est pourquoi, AIDES travaille à changer les représentations, à lutter contre les préjugés et à faire évoluer le droit, afin que la société progresse en faveur de l’égalité de traitement pour toutes et tous.
Accès aux chapitres
Chapitre 1 : Etat des discriminations et des inégalités sociales
L’épidémie de VIH a agi, depuis son apparition, comme un révélateur des discriminations, des inégalités et des difficultés d’accès aux droits et à la santé. Les progrès thérapeutiques ont permis l’amélioration de l’état de santé des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Cependant, les discriminations demeurent nombreuses pour les populations séropositives et celles qui sont les plus exposées au risque de contamination.
Ces discriminations peuvent être multiformes : refus d’un service, refus d’un droit, évitement, mise à l’écart, attitudes humiliantes, jugements moraux, etc. Elles entraînent alors des phénomènes de désocialisation et ont un impact majeur sur la santé, la vie quotidienne, professionnelle et affective des PVVIH.
Plusieurs rapports publics (Plan national de lutte contre le VIH/sida 2010–2014, Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH de 2013) soulignent l’importance de lutter contre ces phénomènes qui entravent le succès thérapeutique et les actions de prévention.
Les quelques données disponibles mettent en évidence une situation défavorable pour la santé. Afin de disposer d’éléments supplémentaires, AIDES a mené une enquête « VIH, hépatites et vous » (VHV) en mars 2016. Elle permet d’évaluer les conditions de vie et les besoins des personnes qui fréquentent les actions de AIDES, qu’elles soient séropositives ou non au VIH ou aux hépatites virales. Un volet sur les expériences de discriminations ressenties a été intégré à travers une large série de questions dans plusieurs domaines de la vie quotidienne. Les personnes désignent de façon subjective les raisons qui auraient motivé les discriminations dont elles ont pu être victimes (séropositivité, origine, orientation sexuelle, identité de genre, etc.).
Ce chapitre présente les résultats de cette enquête. La mise en perspective avec d’autres données apporte un éclairage sur la nature de ces discriminations et leur impact sur la vie des personnes concernées.
Chapitre 2 : Difficultés persistantes d’accès aux traitements contre l’hépatite C
Les prix des nouveaux médicaments ne cessent d’augmenter depuis plusieurs années. Jusqu’à peu, les prix exorbitants ne concernaient que des traitements pour des maladies rares. Désormais, des médicaments pour des pathologies qui touchent des milliers de personnes voient leurs prix s’envoler.
Ces montants ne sont pas toujours justifiés par l’investissement de l’industrie pharmaceutique dans la recherche et le développement. Pour les pouvoirs publics, la tentation est forte de restreindre l’accès aux nouveaux traitements à certaines catégories de population plutôt que de revoir le modèle de négociation des prix avec l’industrie harmaceutique. En France, avec l’arrivée des nouveaux médicaments contre l’hépatite C (VHC), un rationnement a été mis en place : le traitement a été réservé aux personnes les plus gravement atteintes et non à l’ensemble des malades.
Une mobilisation interassociative a été nécessaire pour que la ministre de la Santé annonce en mai 2016 l’accès universel aux traitements pour tous-tes les patients-es dépistés-es. Ce bras de fer en annonce d’autres si le modèle de financement de la recherche et de fixation des prix n’est pas repensé.
Retour sur une bataille gagnée et un combat à venir afin que les discriminations ne s’invitent plus dans nos feuilles de prescription.
Chapitre 3 : Restriction d’accès à la santé des personnes étrangères
En France, le débat public autour de l’immigration ne cesse de s’attaquer ces dernières années à l’universalité de la protection sociale des étrangers-es, en vidant de son contenu des dispositifs comme l’aide médicale d’État (AME), qui permet l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, ou le droit au séjour pour raisons médicales. Dans ce climat de défiance et de soupçon généralisé à l’encontre des étrangers-es, les enjeux sécuritaires et l’obsession du contrôle migratoire prévalent sur les intérêts de santé publique. La santé des étrangers-es relève désormais du ministère de l’Intérieur et non plus du ministère de la Santé.
De nombreuses associations, notamment celles réunies au sein de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), se mobilisent pour dénoncer le délitement du droit au séjour pour raisons médicales et les conséquences sanitaires du durcissement des politiques de lutte contre l’immigration. Elles enjoignent le ministère de la Santé à assumer pleinement son rôle sur ce dossier. En effet, ces restrictions croissantes précarisent les malades étrangers-es et affectent leur accès aux soins. Elles sont d’ailleurs régulièrement motivées par la nécessité d’empêcher des personnes de venir se faire soigner en France. Pourtant aucune donnée officielle ne démontre l’existence d’une immigration thérapeutique et les enquêtes disponibles soulignent le caractère anecdotique du phénomène.
Chapitre 4 : Changement d’état civil des personnes trans : un parcours de combattants-es
Les quelques données disponibles sur la santé des personnes trans mettent en évidence une prévalence au VIH très élevée. Afin d’endiguer les discriminations à l’encontre des personnes trans, d’améliorer la prise en charge de leur santé et de réduire l’incidence du VIH, il est indispensable :
- d’actualiser et d’approfondir nos connaissances par la mise en place d’études spécifiques ;
- de renforcer la reconnaissance sociale et les droitsdes personnes trans.
En France, cela passe notamment par la mise en place d’une procédure sur le changement d’état civil respectueuse des personnes, de leur identité, de leur vie privée, sociale et familiale. La dynamique de l’épidémie de VIH chez les personnes trans se nourrit de la marginalisation administrative, sociale et politique dont elles sont victimes depuis plus de 40 ans. L’indifférence voire l’hostilité des pouvoirs publics aux demandes de changement d’état civil font le lit des discriminations dont les personnes trans sont, jusqu’à aujourd’hui, quotidiennement victimes.
Chapitre 5 : Santé et répression: incohérence des politiques publiques
La lutte contre le sida et les hépatites virales est une lutte politique. Pour réduire efficacement la dynamique des épidémies, la prévention, les traitements et les soins seuls ne suffisent pas. Il est également nécessaire d’agir sur le contexte juridique et social. En décembre 1997, Act Up-Paris avait comme mot d’ordre de la Journée internationale de lutte contre le sida : « Par le sang. Par le sperme. Par la loi. » Près de 20 ans plus tard, ce mot d’ordre n’a pas pris une ride. Dans son appel, l’association rapportait que : « Dans son texte, la loi sanctionne ou pénalise des pratiques – habiter sur le territoire français sans en avoir obtenu l’autorisation ; racoler sur la voie publique, à des fins professionnelles ou non ; consommer des substances non autorisées, pour le plaisir ou par nécessité, etc. Dans les faits, c’est la personne qui se livre à ces pratiques, ou qui y est contrainte, qui est condamnée. Car ces lois cristallisent des identités, forgent des destins précaires et sans cesse menacés : le sans-papier, la prostituée, le toxicomane – autant de vies fragilisées, exposées aux risques de la maladie et de la mort. »
En 2016, l’usage de drogues, le travail du sexe et la prostitution restent pénalisés. De fait, les « toxicomanes » et les « prostitués-es » le sont également. En conséquence, ils-elles se trouvent régulièrement en position de défiance par rapport aux forces de l’ordre, à certains-es soignants-es ou à certaines associations. De telles situations précarisent les personnes, qui se retrouvent trop souvent la cible de propos stigmatisants et de décisions discriminantes. Leur accès aux soins en est fortement restreint avec un risque accru par rapport au VIH et aux hépatites.